La France a joué un rôle majeur dans l'élaboration de la convention d'Oslo sur les armes à sous-munitions. Elle a été signée le 3 décembre 2008 et, dès septembre 2009, l'Assemblée nationale et le Sénat en avaient autorisé la ratification, ouvrant ainsi la voie à son entrée en vigueur, le 1er août. Avant même cette échéance, nous discutons aujourd'hui des adaptations de notre droit à cette convention.
Le projet de loi qui nous est présenté, introduit dans le code de la défense le principe selon lequel : « la mise au point, la fabrication, la production, l'acquisition, le stockage, la conservation, l'offre, la cession, l'importation, l'exportation, le commerce, le courtage, le transfert, et l'emploi des armes à sous-munitions sont interdits ». Ces interdictions seront assorties de sanctions pénales sévères. Mme la rapporteure a déjà évoqué les ravages causés par les armes à sous-munitions et les lourds problèmes qu'elles posent, tant à nos militaires qu'aux populations civiles. Ils sont d'autant plus graves que, au même titre que les mines antipersonnel, leur dangerosité perdure pendant des années, et que leurs victimes sont le plus souvent des civils, et notamment des enfants. La France, qui n'en utilise plus depuis 1991, en est bien consciente.
La convention d'Oslo nous fait désormais obligation de détruire nos stocks d'ici à huit ans. Le Sénat a amendé le projet de loi pour que cette destruction intervienne « dès que possible », elle pourrait peut-être même intervenir dès 2016. Sont concernés 22 000 roquettes à grenades et 13 000 obus à grenades, soit plus de 15 millions de sous-munitions. La destruction des roquettes M 26 est la plus délicate.
Compte tenu de l'enjeu que représente la fin de vie des équipements militaires, la commission de la défense nationale et des forces armées avait adopté un amendement au projet de loi de programmation militaire, sur l'initiative de ses rapporteurs, Yves Fromion et moi-même, précisant que la France devait disposer d'un tissu industriel adapté à ces déstructurations. Notre collègue Michel Grall a ainsi été chargé de la rédaction d'un rapport d'information sur le sujet.
Monsieur le secrétaire d'État, s'agissant de l'élimination des armes à sous-munitions, j'ai pris acte de vos propos sur la mise en place d'une filière nationale ou même européenne, voire dans le cadre de l'OTAN. Vous venez d'en dessiner le contour, il me semble que sa mise en place devrait être accélérée. Des précisions en ce sens nous seraient utiles.
Avec cette loi, nous nous inscrivons donc dans un mouvement qui vise à bannir l'usage des armes à sous-munitions de tous les théâtres d'opérations. Cependant, parmi les grandes puissances militaires mondiales, beaucoup ne sont pas parties à la convention d'Oslo. C'est le cas, en particulier, des États-Unis, de la Chine ou de la Russie. Huit des vingt-huit États-membres de l'OTAN, six des vingt-sept États-membres de l'Union européenne n'ont pas signé la Convention. Il appartiendra à notre diplomatie de faire oeuvre de persuasion auprès de ces pays. Dans cette attente, la loi définit les conditions dans lesquelles la France pourra avec eux participer à une coopération en matière de défense ou de sécurité ou à une opération militaire multinationale.
Si ce texte constitue un progrès remarquable, un certain nombre de points ont toutefois fait débat au cours de la discussion parlementaire, que ce soit au Sénat ou au sein de notre commission de la défense.
Ainsi, si le transfert des armes à sous-munitions est interdit, leur transit n'est pas mentionné par le projet de loi. Le Gouvernement a jugé que l'interdiction des activités commerciales revenait à interdire les transits effectués dans un cadre marchand, il s'est engagé à ce que tout soit mis en oeuvre pour éviter le transit étatique d'armes à sous-munitions sur notre territoire. Je prends acte avec satisfaction de cet engagement et des précisions qui nous ont été apportées.
La question du financement d'entreprises menant des activités interdites par la convention a également fait débat. M. le secrétaire d'État à la défense a précisé, lors de l'examen du texte en commission, et tout à l'heure à la tribune, que toute aide financière directe ou indirecte apportée à une activité de fabrication ou de commerce d'armes à sous-munitions serait assimilée au « fait d'assister, d'encourager ou d'inciter quiconque » à s'engager dans l'une des activités prohibées, et tomberait donc sous le coup de la loi. Ces précisions sont suffisamment rassurantes pour qu'il ne soit pas, pour l'heure, nécessaire d'amender le texte à ce propos.
Du reste, si la France se veut exemplaire, il ne faudrait pas, pour autant, qu'une interprétation maximaliste de la convention conduise à remettre en cause les partenariats industriels noués par nos entreprises avec des entreprises étrangères, notamment dans le cadre des programmes d'armement réalisés à l'échelon européen.
Sur ces différents points, et sur quelques autres comme la notion d'intermédiation ou la responsabilité des personnes morales, des précisions convaincantes ont d'ores et déjà été apportées par le Gouvernement, et je ne doute pas que celui-ci y travaillera encore après le vote de ce texte et sa mise en application.
La convention d'Oslo entrera en vigueur le 1er août prochain. Le présent projet de loi a déjà été adopté par le Sénat. La commission de la défense n'a pas souhaité amender le texte, équilibré, de la Haute assemblée. En adoptant le texte du Sénat sans le modifier, notre assemblée permettra à la France d'avoir adapté son droit à la convention avant même l'entrée en vigueur de celle-ci. Ce sera un nouvel acte fort de l'engagement de notre pays en faveur du droit international humanitaire. En la matière, la France se veut exemplaire et responsable : bravo ! Voilà pourquoi le groupe UMP votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)