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Intervention de Françoise Hostalier

Réunion du 6 juillet 2010 à 9h30
Élimination des armes à sous-munitions — Discussion d'un projet de loi adopté par le sénat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançoise Hostalier, rapporteure de la commission de la défense nationale et des forces armées :

Vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État, la France a eu jusqu'à présent un parcours exemplaire pour contribuer à l'élimination des armes à sous-munitions de la planète, qui sont de véritables fléaux pour les populations, et notamment pour les enfants.

C'est grâce à la décision courageuse de la France, lors de la conférence de Dublin en mai 2008, que la situation avait pu se débloquer et qu'un très large accord avait pu être obtenu sur un texte qui a ensuite été adopté à Oslo le 3 décembre de la même année.

Le Gouvernement français a ensuite tenu parole en demandant à nos postes diplomatiques de sensibiliser les autorités de leur pays à la signature de la convention afin qu'elle puisse entrer en vigueur au plus vite.

Je voudrais également saluer ici le travail très constructif des ONG, notamment Handicap International et Amnesty International, qui ont porté ce dossier à bout de bras aux plus hauts niveaux depuis plusieurs années.

Je souhaite également témoigner de l'esprit et de l'attitude constructifs de toutes les personnes qui ont travaillé en bonne intelligence sur ce dossier. Tout d'abord, vos services, monsieur le secrétaire d'État, qui ont répondu à toutes nos questions au cours de la préparation du rapport et lors des débats en commission. Je sais qu'ils resteront attentifs à la mise en place de la loi que nous allons voter et qu'ils resteront à l'écoute des parlementaires, de la CNEMA et des ONG. Il importe aussi de souligner le haut niveau du débat sur cette question et l'esprit constructif des parlementaires, tous partis confondus, que ce soit au Sénat ou ici à l'Assemblée nationale.

Ce texte, que nous avons tous en mémoire, je n'y reviens donc pas, reprend fidèlement les exigences et les termes de la convention d'Oslo. Il me paraît être un juste équilibre entre le souhaitable et le réalisable.

Certes, quelques points auraient pu être précisés par la loi, nous en avons débattu en commission et vous nous avez donné des garanties qui, pour l'heure, me paraissent suffisantes. Si des insuffisances apparaissaient néanmoins lors du dépôt du rapport annuel de la CNEMA, le Gouvernement s'engage à revenir devant le Parlement pour y remédier.

Je voudrais rappeler rapidement quelques points qui demandent des précisions, sachant qu'un certain nombre de mes collègues vous questionneront sur ces sujets.

Se pose tout d'abord la question du transit, ou du transfert. Seule la mention de transfert figure dans le texte. Si ce mot couvre aussi le transfert des droits, il ne concerne pas de manière directe la notion de transit par le territoire national et notamment de transit étatique. S'agissant du transit commercial, nous avons bien entendu votre réponse, monsieur le secrétaire d'État. Mais le risque n'est pas exclu d'une utilisation de notre espace aérien ou d'une escale technique sur le territoire national d'avions non commerciaux impliqués dans l'usage des armes à sous-munitions. Dans ce cas, nous avons bien entendu que l'État français s'engage à faire tout ce qui sera possible pour l'empêcher, mais nous demandons une garantie supplémentaire.

La question du financement direct ou indirect, qui ne figure pas explicitement dans les interdictions, a également fait l'objet d'interrogations. En commission vous avez clairement répondu que les alinéas 11 et 12 de l'article L. 2344-2, à la troisième page du projet de loi, comprenaient explicitement le financement de toutes les actions interdites, en particulier à travers l'interdiction de la fabrication ou la production. Nous en prenons donc acte.

Nous avons également débattu sur l'usage, dans le texte, du mot « courtage ». C'est pour le moment le terme légal, mais il serait souhaitable de le remplacer par le mot « intermédiation », qui englobe à la fois le courtage proprement dit, mais aussi toutes les actions et les acteurs qui concourent au commerce. Vous vous êtes engagé à ce que le projet de loi relatif au régime d'autorisation des opérations d'intermédiation, présenté au conseil des ministres le 19 juillet 2006 et enregistré le même jour au bureau de l'Assemblée nationale, soit repris dans les meilleurs délais. Nous vous soutiendrons dans cette démarche.

La situation de l'interopérabilité est effectivement très délicate, notamment dans le cadre de l'OTAN, où nous avons des partenaires éminents qui ne sont pas parties à ce traité. Même si j'ai bien entendu l'exposé des difficultés opérationnelles ou diplomatiques, je persiste à vous demander d'être très vigilant sur cette question. Il en va en effet de la crédibilité de la France à respecter ses engagements en matière d'éthique, ainsi que de la sécurité de nos militaires sur le terrain, et ce pour deux raisons : d'une part, si ces armes étaient utilisées avec leur complicité, ils perdraient eux-mêmes une grande part de leur crédibilité dans l'action vis-à-vis des populations – je pense par exemple au théâtre afghan ; d'autre part, leur sécurité serait menacée si ces armes étaient utilisées sur des sites où ils peuvent être exposés directement quand il faudra investir et nettoyer les zones, comme ce fut le cas au Liban en 2006.

Concernant la destruction des stocks, je note avec satisfaction que non seulement la France s'engage à respecter ses obligations, mais que vous avez l'intention d'aller plus vite que l'obligation et de créer une nouvelle filière qui servira aussi à nos partenaires européens. En effet, quinze d'entre eux possèdent des stocks de ces armes. Pour le nombre de sous-munitions à détruire, la France arrive seulement, si je puis dire, en quatrième position après le Royaume Uni, l'Allemagne et les Pays-Bas, mais suivie par l'Autriche et l'Espagne. Ces pays, sauf les Pays-Bas, ont déjà signé et ratifié la convention. Il va donc prochainement y avoir beaucoup de stock à éliminer.

J'ai bien entendu, monsieur le secrétaire d'État, que vous aviez l'intention de solliciter l'OTAN pour créer cette filière française. Si vous avez déjà avancé sur cette question, j'aimerais que vous nous donniez quelques précisions dans cet hémicycle.

D'autres questions ont été posées par des députés qui n'ont pas souhaité déposer d'amendements afin de ne pas retarder le cycle de ce projet de loi, et je les en remercie. Leurs questions demandent néanmoins une explication.

Le mot « un Français », à l'alinéa 53, nous a tous intrigués au niveau de la sémantique. La logique veut qu'un Français soit un individu, et que si l'on souhaite étendre l'expression à toute structure française, cela soit précisé. À cette question, il nous a été répondu que le terme « un Français » englobait bien toutes ces considérations en matière juridique. Nous en prenons acte. Mais nous souhaitons que la CNEMA soit très vigilante dans ce domaine et qu'elle veille à ce que les individus ou les structures françaises soient bien mises sur le même plan concernant les interdictions et sanctions. À défaut, il sera nécessaire de modifier la loi.

En ce qui concerne la précision de l'interdiction de toute recherche sur les ASM, la volonté d'éradiquer totalement les armes à sous-munitions de la planète sous-entend logiquement que toute recherche dans le perfectionnement de ces armes soit interdite. Mais cela nécessite évidemment d'être contrôlé dans la rubrique des interdictions totales et sanctionnables. Là encore, nous faisons confiance à la vigilance de la CNEMA, qui pourra suggérer de modifier la loi s'il s'avérait que cette précision soit utile.

En conclusion, je me réjouis, monsieur le secrétaire d'État, de la volonté du Gouvernement français d'être exemplaire pour l'application de la convention d'Oslo. Vous avez su être à l'écoute des parlementaires et approfondir, en quelques jours, des questions que nous avions abordées lors des débats en commission, telles que celles portant sur la filière de destruction des stocks.

Je sais par ailleurs que le ministère des affaires étrangères s'investit pour sensibiliser, via nos postes diplomatiques, les pays non partie à la convention pour qu'ils la ratifient, et ceux qui sont partie, pour qu'ils l'appliquent.

C'est pourquoi, vu la bonne volonté du Gouvernement et la coopération active de votre ministère, que vous avez fortement rappelée, sachant la poursuite de l'action de vigiles des ONG et la qualité du suivi qui sera assuré par la CNEMA, et afin de montrer l'engagement de la France tout entière pour éradiquer ces armes de la planète mais aussi pour aider les populations qui ont à subir les conséquences de leur usage, je vous invite, mes chers collègues à adopter ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

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