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Intervention de Rachida Dati

Réunion du 30 juin 2008 à 22h00
Règlement des comptes et rapport de gestion pour 2007 — Administration pénitentiaire

Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice :

S'agissant de la surexécution suite à la recette exceptionnelle de 31,4 millions d'euros, il n'existe pas de déséquilibre entre les actions. Simplement, les crédits sont mal imputés. Si l'administration pénitentiaire est chargée d'une mission de réinsertion, la population pénale, avant de devoir être réinsérée, est gardée et contrôlée. La baisse de la première ligne budgétaire correspondante est compensée par la hausse de la seconde. En clair, le déséquilibre est purement dû à un problème d'imputation budgétaire.

Concernant les aménagements de peine, nous disposons d'une enquête nationale portant sur 7 348 détenus sortis de prison, dont 5 667 condamnés. Parmi ces derniers, un peu plus d'un quart – 25,3 % – ont fait l'objet d'un aménagement de peine. Le taux des sorties sèches est donc encore excessif. Par rapport à l'ensemble des condamnés libérés, 7,2 % ont bénéficié de la semi-liberté, 3,1 % du placement à l'extérieur, 7,4 % de la libération conditionnelle et 7,6 % du placement sous surveillance électronique.

L'augmentation élevée du taux de bracelets électroniques n'est due, il est vrai – si l'on veut être totalement honnête –, qu'à leur mise en place récente : toute hausse par rapport à rien ne peut constituer qu'une progression…

J'insiste en tout cas sur l'intérêt de la libération conditionnelle, qui concerne près de 8 % des détenus libérés après avoir connu des taux de 10 et de 12 % : toutes les mesures favorisant, en termes de moyens, les libérations conditionnelles sont une garantie de réinsertion et d'un taux de récidive quasi nul.

La semi-liberté, pour sa part, ne peut s'appliquer qu'à certains profils. Quant au placement extérieur, il n'est décidé que pour des durées limitées et s'adresse le plus souvent à des jeunes majeurs.

Je travaille à cet égard sur un autre sujet, celui de la population pénale vieillissante, composée plus particulièrement de condamnés pour délinquance sexuelle. En effet, les libérations conditionnelles dépendent souvent d'une activité professionnelle. Il convient donc de revoir ce critère car la libération conditionnelle peut être adaptée pour les profils pénaux de ce type.

Je reviens sur le bilan de la politique d'aménagement des peines. À ce jour, 5 990 condamnés bénéficient d'un aménagement de peine, soit 12 % du total, taux qui a doublé en moins de deux ans, ce qui est énorme, et progressé de 34 % en un an : 3 215 personnes sont sous surveillance électronique, soit 1 000 de plus qu'en mai 2007 ; 842 personnes font l'objet d'un placement extérieur ; 1 863 vivent en semi-liberté. Il faut incontestablement continuer sur cette voie.

Cette politique a été grandement favorisée grâce aux conférences régionales d'aménagement des peines. Ceux qui connaissent de l'intérieur le fonctionnement de mon administration, comme Mme Lebranchu, savent combien il est difficile, au sein d'un même ministère, de faire travailler des corps différents, dotés de statuts divers, parfois animés par des visions différentes de la réinsertion. Les contraindre à se réunir par l'intermédiaire des conférences régionales d'aménagement des peines permet d'aboutir tout de même à des résultats.

Les aménagements de peine, l'insertion, la formation, l'éducation, les soins et l'amélioration des conditions de travail, tels seront les axes principaux de la future loi pénitentiaire.

Avec l'éligibilité au placement sous bracelet des condamnés à un emprisonnement d'une durée d'une à deux années, 5 000 personnes supplémentaires seront concernées. Mais, contrairement à ce qui se dit souvent, ces personnes ne seront pas remises en liberté sans exécution de peine. Ce n'est pas un cadeau : si elles ne trouvent pas d'activité, elles resteront incarcérées.

La peine peut être aménagée ab initio de manière fractionnée – pendant les vacances, dans le cadre d'une semi-liberté – si le condamné fait valoir au juge d'application des peines et au conseiller d'insertion et de probation qu'il a un travail. Mais si la peine est fractionnée, elle n'en reste pas moins exécutée.

Le fait que les détenus condamnés à des peines inférieures ou égales à deux ans, et non plus seulement à un an, seront concernés, ne change rien à la contrainte : sans garantie d'insertion, la peine est exécutée. Cette mesure pourra concerner, dans les maisons d'arrêt, les personnes condamnées à de courtes peines – et non pas, bien entendu, à vingt ans.

L'assignation à résidence avec surveillance électronique, qui s'appliquera principalement, dans l'esprit du respect de la présomption d'innocence, aux personnes prévenues, contribuera aussi à soulager les prisons.

Pour les personnes âgées de plus de soixante-quinze ans, les modalités de libération conditionnelle seront assouplies. Cette limite d'âge pourra même être abaissée car la libération conditionnelle, je le répète, est difficilement accessible à ces personnes dans la mesure où, à l'origine, son objectif était d'obliger les jeunes à travailler. Élisabeth Guigou a d'ailleurs eu la bonne idée d'ajouter un critère lié à la charge effective d'un enfant, car la responsabilité parentale ne peut qu'inciter les condamnés à travailler pour nourrir leur famille.

Les placements sous bracelet électronique sont proposés quatre mois avant la fin de la peine afin d'éviter les sorties sèches. Ils ont été expérimentés à la suite de l'entrée en vigueur de la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, mais en étant cantonnés à la seule libération conditionnelle. Un décret que j'ai signé en août 2007 a étendu leur usage aux suivis socio-judiciaires, et ils sont donc maintenant proposés pour toutes les modalités d'aménagement des peines.

Ce dispositif présente l'intérêt d'être très contraignant. C'est ainsi qu'une expérimentation, menée pendant un an par la cour d'appel de Douai sur six délinquants sexuels récidivistes lourds, n'a enregistré aucune récidive. Les intéressés eux-mêmes m'ont expliqué que s'ils ne passent plus à l'acte, c'est parce qu'ils se sentent contraints par le bracelet électronique mobile.

Si la loi pénitentiaire était en vigueur, 31 % de personnes supplémentaires pourraient accéder aux aménagements de peine.

Depuis leur entrée en service, 24 000 bracelets ont été activés, dont 4 155 en 2005 et 9 000 en 2007. Au 1er mai 2008, 3 279 étaient actifs, soit 1 000 de plus qu'à la même date en 2007.

Il est très rare qu'un délinquant placé sous bracelet électronique viole ses obligations – cela a été le cas, par exemple, d'une personne retrouvée ivre –, car elle risque alors d'être à nouveau incarcérée. Les incidents sont en effet plus rares qu'en cas de libération conditionnelle ou de semi-liberté – le cas le plus fréquent étant alors celui du condamné qui ne regagne pas sa prison, le soir, après son travail, pour rendre visite à sa famille –, car les personnes placées sous bracelet peuvent être localisées beaucoup plus vite.

Je vous invite vraiment à lire le rapport Lamanda, dont les vingt-trois propositions sont à ce point frappées au coin du bon sens qu'elles paraissent évidentes. Tel est le cas, en particulier, de l'absolue nécessité de faire travailler les services de façon beaucoup plus imbriquée et le plus en amont possible. Quant aux modalités pratiques de lutte contre la récidive, le rapport suggère notamment d'adopter de nouveaux modèles de bracelet électronique moins lourds, moins encombrants et moins coûteux – un marché sera signé à cet effet dans un mois.

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