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Intervention de Jacqueline Fraysse

Réunion du 30 juin 2008 à 22h00
Règlement des comptes et rapport de gestion pour 2007 — Santé

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacqueline Fraysse :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais d'abord traiter du problème des dettes de l'État, dont le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui explique qu'elles sont dues pour deux tiers au non-remboursement d'exonérations de cotisations sociales patronales.

Si nous avons souvent eu l'occasion de dire combien les exonérations de cotisations sociales patronales dans un tel volume – 32 milliards d'euros encore cette année, dont 2,5 milliards non compensés – et sans aucun contrôle sont contestables, ce qui rejoint d'ailleurs l'avis de la Cour des comptes, je trouve particulièrement préoccupant que l'État ne prenne aucune disposition pour verser régulièrement et totalement ce qu'il doit à la sécurité sociale.

Ainsi, alors qu'il décide de rembourser ses dettes contractées avant 2007, la Cour des comptes fait remarquer que cette dette s'est depuis reconstituée, à hauteur de 2,5 milliards d'euros, dès la fin de l'année 2007.

Si l'on ajoute le fait que l'État ne rembourse pas le montant des intérêts supportés par la sécurité sociale, on peut dire qu'il prend une part active dans le déficit si vigoureusement dénoncé, ce qui est pour le moins regrettable et peu cohérent.

Madame la ministre, vous qui vous déclarez si inquiète du déficit constaté et vous montrez prompte à inventer déremboursements, forfaits et autres franchises à la charge des patients, vous ne devriez pas tolérer une telle situation. Envisagez-vous un dispositif pérenne pour y remédier et rembourser à la sécurité sociale le montant des intérêts qui lui sont dus en raison de la dette de l'État ?

Concernant la santé publique et la prévention, plusieurs mesures ont été prises ces dernières années. Je pense notamment au plan cancer, à la prévention de la consommation d'alcool chez la femme enceinte, à la lutte contre le tabac ou au plan national nutrition santé 2006-2010. Ce sont des actions utiles, elles ont le mérite d'exister, mais, globalement, notre pays reste en retard en matière de prévention.

Cette situation est due à plusieurs facteurs qui se cumulent.

Outre notre organisation et nos structures, traditionnellement tournées vers les soins, force est de constater que les moyens consacrés à la santé publique et à la prévention ne sont pas à la mesure des possibilités et des défis de notre temps.

Dépister systématiquement, c'est prévenir la maladie, la traiter précocement si elle survient, c'est éviter de la souffrance, c'est aussi économiser des moyens financiers et humains sur le long terme. C'est donc sans aucun doute un bon investissement.

Le nôtre est-il à la hauteur de ces enjeux ? Une politique audacieuse de prévention passe d'abord par des mesures de réhabilitation de la médecine de santé publique, qui manque cruellement d'attractivité et dont les acteurs sont en nombre insuffisant, qu'il s'agisse des médecins inspecteurs de santé publique, des médecins du travail ou des médecins scolaires.

Les médecins inspecteurs de santé publique, vous le savez, alertent depuis plusieurs années les pouvoirs publics pour demander une revalorisation de leur statut. C'est urgent car, cette année encore, seuls dix postes sur les vingt proposés ont été pourvus.

En février 2007, avant l'élection présidentielle, les syndicats de médecins inspecteurs de santé publique ont été reçus par Xavier Bertrand. Ils sont ressortis avec quelques avancées, notamment sur la revalorisation de leur fin de carrière, et de nombreuses promesses, qu'il faudrait aujourd'hui tenir.

Ils demandent la création d'une filière et d'un statut unique pour tous les médecins de santé publique, filière identifiable et valorisée au même niveau que celle de praticien hospitalier, garantissant l'indépendance professionnelle et donnant accès à des fonctions d'enseignement et de recherche. Ce statut unique permettrait également de décloisonner les métiers du soin et de la prévention et de faciliter le passage de l'un à l'autre au cours d'une carrière.

Les médecins inspecteurs de santé publique sont environ 500 aujourd'hui en France. La revalorisation de leur statut ne devrait donc pas constituer une charge insupportable pour l'État.

La santé au travail représente un énorme point noir sur le plan de la prévention.

Sous-estimation, voire ignorance totale des risques, équipements de protection inefficaces ou inexistants, insuffisance du nombre d'inspecteurs du travail, sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, qui n'incite pas les employeurs à mieux protéger leurs salariés : l'indigence de notre système de santé au travail, révélée notamment par le scandale de l'amiante, est évidente et exigerait de très gros efforts.

Certes, un plan santé-travail a été présenté en 2005, mais ses ambitions ne peuvent s'afficher qu'à la hauteur de l'insuffisance de ses moyens.

Ainsi, d'ici à cinq ans, 1 700 médecins du travail vont partir à la retraite, et seuls 370 nouveaux seront formés pour les remplacer. Pour pallier cette situation, vous avez fait passer la périodicité des visites médicales d'un à deux ans. Ce n'est évidemment pas ainsi que l'on peut construire une bonne politique de prévention au travail.

En novembre dernier, les députés communistes et républicains ont présenté une importante proposition de loi de cinquante articles visant à améliorer la santé au travail des salariés et à prévenir les risques professionnels auxquels ils sont exposés. Faute de temps, je ne rappellerai ici que quelques-unes des très nombreuses pistes qu'elle dessine, comme l'exclusion des cotisations AT-MP des dispositifs d'exonération, des mesures pour faciliter la déclaration et la reconnaissance des maladies professionnelles, ou encore la création d'une agence nationale de santé au travail en mesure de garantir l'indépendance des professionnels de santé et chargée de déterminer le nombre des professionnels nécessaires au fonctionnement des services de la médecine du travail.

Vous demandiez, madame la ministre, que l'on vous fasse des propositions. Je vous invite à vous emparer de celles qui sont contenues dans ce texte.

Un dernier mot concernant la médecine du travail.

En novembre dernier, une enquête journalistique a révélé qu'une partie des fonds de la médecine du travail étaient détournés pour financer les comités locaux du patronat. Xavier Bertrand a demandé un rapport d'audit sur ces soupçons de détournements, qui seraient particulièrement importants dans les Hauts-de-Seine. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce point particulier ?

La médecine scolaire est elle aussi en difficulté.

Selon une étude du conseil de l'Ordre des médecins, on décomptait, en janvier 2006, 2 658 médecins scolaires en activité, pour près de 12 millions d'élèves des premier et second degrés, soit un médecin scolaire pour près de 4 500 élèves.

Non seulement ces effectifs sont clairement insuffisants, mais ils sont en baisse.

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