Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Pascal Terrasse

Réunion du 30 juin 2008 à 22h00
Règlement des comptes et rapport de gestion pour 2007 — Santé

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Terrasse, suppléant M :

Votre exposé, madame la ministre, allait au-delà de la mission « Santé », puisque vous avez évoqué également les missions « Solidarité » – à travers l'aide médicale d'État – et « Sécurité sanitaire ». Pour ma part, en présentant les conclusions du travail fourni ces derniers mois par le rapporteur spécial, Gérard Bapt, qui n'a pas pu se joindre à nous, je m'en tiendrai au seul cadre de la mission « Santé ».

Le budget 2007 constitue le second exercice des rapports annuels de performance, et il faut tout d'abord saluer l'intérêt de ces documents mis en place par la LOLF, car ils scellent le « cercle vertueux » entre la prévision et l'exécution budgétaire. L'examen du projet de loi de règlement devient donc réellement l'occasion d'évaluer non seulement les modalités de la gestion budgétaire, mais aussi et surtout sa qualité.

La mission « Santé », qui recouvre une grande partie des actions financées par l'État en matière de santé publique, de prévention et d'accès aux soins, reste toutefois incomplète – j'y reviendrai. Le taux d'exécution des crédits dans leur globalité atteint 94 %, à hauteur de 404 millions d'euros. C'est relativement satisfaisant. Mais c'est en observant la gestion budgétaire dans le détail que les contrastes apparaissent.

Ainsi, la politique de lutte contre la toxicomanie n'a-t-elle consommé qu'un peu plus de 87 % des 36 millions d'euros dont elle a été dotée en loi de finances initiale. Les réorientations et les changements dus au nouveau pilotage de la MILDT – dotée d'un nouveau président – expliquent certainement cette moindre utilisation des crédits. On serait toutefois en droit d'attendre de plus amples explications quant à cette sous-consommation d'une partie du budget de la MILDT. La redéfinition de nouvelles priorités devrait donc en toute logique conduire à une meilleure utilisation du budget pour 2008, et c'est pourquoi Gérard Bapt restera attentif à la prévision qui sera adoptée pour 2009, ainsi qu'à l'exécution 2008 qui sera présentée au Parlement l'an prochain.

Mais, s'agissant de l'exécution 2007, c'est essentiellement le programme « Santé publique et prévention » qui a attiré l'attention du rapporteur spécial. Outre une légère sous-consommation des crédits – moins de 93 % des crédits de paiement initialement prévus ont été consommés –, ce sont principalement les modalités de l'exécution budgétaire, et surtout sa lisibilité, qui s'avèrent problématiques.

Gérard Bapt avait déjà eu l'occasion de signaler pour l'exécution 2006 une asymétrie très importante entre la prévision budgétaire et l'exécution finale, et celle-ci se retrouve en 2007. Les actions menées par les nouvelles instances de pilotage de la politique de santé publique mises en place par la loi du 9 août 2004, en particulier les groupements régionaux de santé publique, les GRSP, conduisent à une forte surconsommation des crédits, tandis que la lutte contre les pathologies à forte mortalité comme le cancer accuse une sous-consommation importante par comparaison avec les prévisions. Ce décalage résulte des méthodes utilisées par les services déconcentrés, dont la plus grande part imputent aux instances de pilotage les actions menées par exemple au titre de la lutte contre le cancer par les GRSP. Des crédits « cancer » ou « VIH » – qui relèvent de l'action 3 – se trouvent donc consommés au titre des instances de mise en oeuvre de la politique de santé publique dans les territoires, qui sont, elles, rattachées à l'action 1. Je regrette toutefois qu'aucune explication n'ait été donnée à ce titre s'agissant de l'exécution 2006 ; il a fallu attendre la deuxième année des RAP – et donc l'exécution 2007 – pour obtenir des informations quant à ces variations entre la nomenclature de prévision et la nomenclature d'exécution. Ces informations ne rendent d'ailleurs pas entièrement compte du décalage observé, d'autant plus que seules certaines régions procèdent à ce type d'imputation. Cette situation contribue encore à opacifier une exécution qu'on ne peut déjà pas qualifier de limpide. Il est donc indispensable de clarifier les règles de l'imputation budgétaire aux services déconcentrés afin que celles-ci soient unifiées et que l'analyse de l'exécution budgétaire puisse rendre compte clairement de l'utilisation qui a été faite des crédits.

La conséquence de règles d'imputation budgétaire appliquées à géométrie variable, c'est qu'il est totalement impossible d'évaluer le niveau des crédits finalement consommés au titre, par exemple, de la lutte contre le cancer. On peut pourtant remarquer que, pour 2007, près de 63 millions d'euros étaient initialement prévus, et que seuls 23,5 millions d'euros ont été dépensés. Les erreurs d'imputation que j'ai évoquées rendent compte ici de 10 millions d'euros : ce sont donc pas moins de 26 millions d'euros qui n'ont pas été utilisés en raison des retards pris dans la généralisation du dépistage du cancer du côlon et de la moindre participation des femmes au dépistage du cancer du sein. Il semble donc bien que la dernière année de la mise en oeuvre du plan cancer accuse en réalité un net essoufflement de l'effort. Les problèmes de nomenclature budgétaire auraient ainsi tendance à masquer des retards dans la mise en oeuvre des politiques de santé publique. C'est précisément ce qu'il faudra éviter à l'avenir.

Car, comme le montre la Cour des comptes dans son rapport publié en juin 2008 sur la mise en oeuvre du plan cancer, ce dernier n'a pas fait l'objet d'un suivi suffisant, et il est dès lors impossible d'évaluer correctement les résultats atteints sur le plan sanitaire, pas plus que les dépenses effectives occasionnées par le plan n'ont pu être recensées. Cette situation est d'autant plus préjudiciable que l'exécution des crédits de l'État au titre de la mise en oeuvre du plan cancer ne peut être, comme je l'ai indiqué, retracée avec fidélité. J'attends également sur ce point, madame la ministre, la publication des travaux actuellement menés par l'INCA et par le Haut conseil en santé publique sur le bilan du plan cancer.

C'est dire que des efforts importants doivent donc encore être fournis pour parvenir à restituer avec précision le devenir, en gestion, du budget tel qu'il est voté par le Parlement. Le volet « performance » des documents budgétaires demande également à être amélioré car, à l'heure actuelle, les indicateurs retenus ne permettent pas tous de mesurer l'efficience des acteurs en présence ou des opérateurs du programme.

Pour conclure, j'aimerais évoquer, dans la perspective du projet de loi de finances pour 2009, les modifications apportées au périmètre budgétaire de la mission « Santé ». J'ai eu l'occasion de mentionner, au début de mon intervention, le caractère incomplet des actions actuellement retracées au titre de cette mission. Ce problème est en voie d'être résolu avec le rattachement à cette mission, à partir de 2009, du programme « Protection maladie » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » : les dispositifs destinés à favoriser l'accès aux soins des plus démunis – la couverture maladie universelle complémentaire et l'aide médicale d'État – et l'indemnisation des victimes de l'amiante rentreront donc naturellement dans le giron des politiques de santé publique financées par l'État.

D'autre part, le programme « Veille et sécurité sanitaires » de la mission « Sécurité sanitaire » basculera également vers la mission « Santé », où il fusionnera avec l'actuel programme « Santé publique et prévention ». Ces deux modifications me semblent bienvenues, et contribueront à donner une vision plus complète de l'effort financier de l'État en faveur de la santé publique. Toutefois, au vu des remarques que j'ai formulées concernant la relative opacité de la gestion des crédits affectés à la politique de prévention, il faudra être plus que jamais attentif, madame la ministre, à clarifier les dotations respectives aux actions concernées, à partir du moment où le programme recouvrira également le budget afférent à la prévention et à la gestion des crises sanitaires.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion