Je vous ai écouté, monsieur le ministre, défendre, avec l'éloquence qui vous caractérise, le rôle éminent que doit jouer la culture dans le développement de notre diplomatie d'influence. Je n'ai nulle raison de douter des ambitions qui vous animent, ni de l'énergie que vous consacrez à défendre cette conviction que je sais sincère et qui rejoint, vous le savez, les préoccupations de la représentation nationale par-delà les clivages politiques.
La République est en effet d'abord un projet culturel, et c'est ce qui nous réunit – même si cette conception a été mise à mal par le débat sur l'identité nationale. Elle vise à l'universalité. Elle aspire tout à la fois à se nourrir des influences de l'ensemble de ceux qui se reconnaissent en elle et en partagent les valeurs, et à faire rayonner ces valeurs de progrès dans le monde. Ce n'est pas un hasard si la République, si la France, a toujours représenté un carrefour et un lieu de liberté pour les penseurs et pour les créateurs, comme ce n'est pas un hasard si elle fut la première à créer, au XIXe siècle, un réseau des alliances et si elle dispose, encore aujourd'hui, du réseau culturel le plus dense à l'étranger.
Mais, nous le savons tous, la promotion de notre langue et de notre culture est aujourd'hui en panne. Les signaux d'alarme sont nombreux : chute spectaculaire de l'utilisation du français dans les documents européens et internationaux ; baisse de l'apprentissage et de l'usage de notre langue, y compris jusque dans nos zones traditionnelles d'influence dans les Balkans, au Maghreb ou en Afrique occidentale ; faiblesse récurrente de notre capacité d'attraction des étudiants étrangers, notamment dans les pays à forte croissance d'Asie où les dirigeants et les cadres de demain auront principalement une culture anglo-saxonne. Il y a, personne ne le conteste, urgence à moderniser et à donner un nouveau souffle au rayonnement de la culture française et plus largement francophone.
Mais comme vos convictions sont sincères, le texte que vous présentez aujourd'hui ne peut être le vôtre. Ce n'est pas un nouveau souffle puisqu'il n'a pas même l'audace de mettre un pilote à la tête du réseau. C'est une restructuration à l'économie, qui dresse l'acte du désengagement de l'État, précarise les personnels et conduira à définir nos priorités culturelles à la hauteur de leur rentabilité commerciale.