Il est cependant deux domaines dans lesquels nous pouvons agir.
Les moyens budgétaires, tout d'abord. Chacun sait que, depuis trop longtemps, ils sont en constante diminution, même s'il faut vous savoir gré, monsieur le ministre, d'avoir récemment stoppé cette évolution. Sur ce sujet comme sur d'autres, nous sommes pris entre des exigences contradictoires qui peuvent confiner à la schizophrénie : il faut, d'une part, lutter contre les déficits générateurs d'une dette mortifère ; d'autre part, maintenir un engagement public significatif, qui pourrait d'ailleurs être souvent plus efficient.
L'organisation de nos outils d'influence, ensuite. C'est l'objet principal du projet de loi que vous nous soumettez. Et nous vous soutenons sans états d'âme, monsieur le ministre, dans votre intuition.
Oui, il fallait prendre cette initiative et ne pas laisser perdurer l'émiettement actuel qui nuit à l'efficacité.
Oui, il fallait créer cet Institut français, qui fédère et démultiplie.
Oui, il fallait construire ce partenariat avec les alliances françaises, sans prétendre vouloir les intégrer, compte tenu de la singularité de leur statut.
Oui, il fallait cette approche progressive et expérimentale, plutôt qu'une fusion hâtive et mal conduite. Mais nous avons souhaité, par notre vote en commission, qu'une expérimentation soit conduite dans une dizaine de pays, avec une clause de rendez-vous précise, afin de ne pas rester sur un horizon incertain et glissant.
Monsieur le ministre, autant nous apprécions globalement votre projet en ce qu'il concerne l'action culturelle extérieure, autant nous étions réservés, vous le savez, vis-à-vis de votre proposition initiale de créer une Agence française pour l'expertise et la mobilité internationales, pour deux raisons : d'une part, parce qu'il n'est pas de bonne politique de mêler, dans le même établissement public, deux politiques publiques, l'expertise et l'attractivité universitaire, dont les liens ne sont certes pas inexistants mais sont ténus ; d'autre part, parce que, s'agissant de l'attractivité universitaire, ce qui nous est proposé est en retrait par rapport aux missions actuelles du GIP CampusFrance, faute d'associer le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et la section internationale du CNOUS.
Lors de son examen en commission, cette partie du projet de loi a donc été réaménagée, pour lui assurer davantage de cohérence et d'efficacité.
Nous proposons, à la place de l'AFEMI, de créer un établissement public dont la dénomination serait « CampusFrance » et dont la mission serait de mettre en oeuvre la politique d'attractivité universitaire de la France : prospection, transport, accueil, hébergement, suivi. Cet établissement intégrerait à terme, outre l'association Égide, la section internationale du CNOUS, et serait donc sous les tutelles conjointes des ministères des affaires étrangères et de l'enseignement supérieur. Cette solution nous semble préférable à la cote mal taillée qui nous était proposée, fruit sans doute de subtils arbitrages interministériels.
Cela étant, il faut avoir une grande ambition pour la politique d'expertise internationale, comme le préconise à juste titre M. Nicolas Tenzer dans son rapport. Il faut donc que le GIP France Coopération Internationale soit transformé en EPIC, et que le Gouvernement impulse une politique ambitieuse en ce domaine. Faute de pouvoir, compte tenu des règles de recevabilité financière, proposer nous-mêmes cette transformation, nous serons ouverts, monsieur le ministre, aux propositions que vous pourriez faire en ce sens, comme vous venez de nous l'annoncer.
Nous serons vigilants pour que ces nouveaux opérateurs n'évincent pas les opérateurs privés, qui jouent un rôle très important. Ils doivent les fédérer, leur donner leur chance et ne pas leur faire subir des effets de distorsion de concurrence qui ne seraient pas acceptables.
Permettez-moi avant de conclure, monsieur le ministre, de dire un mot d'une disposition de ce projet qui n'a pas suscité beaucoup de débat – c'est sans doute bon signe – mais qui montre le grand souci que vous avez de la situation personnelle des agents de votre ministère. Je veux parler de cette avancée réelle, concrète, que constitue l'allocation au conjoint d'agent expatrié.
Ce n'est certes pas encore tout à fait le statut du conjoint tant attendu, et par ailleurs la loi de finances devra compléter ce dispositif. Mais c'est aussi par des gestes comme celui-là que pourra se maintenir l'universalité de notre réseau diplomatique, consulaire et culturel dans le monde. Ce réseau, ce sont des hommes et des femmes qui le font exister au quotidien. Merci pour eux.
Je voudrais enfin, comme vous-même, évoquer la disposition de votre projet de loi qui concerne les opérations de secours à l'étranger. Vous savez qu'elle suscite des inquiétudes chez les journalistes, inquiétudes dont je me fais l'écho. Vous nous aviez pleinement rassurés en commission, et vos propos à l'instant ont été également très clairs. Mais un paragraphe de l'étude d'impact de juillet 2009 focalise les inquiétudes :
« S'agissant des professionnels, la demande de remboursement de tout ou partie des frais de secours engagés ne pourra s'appliquer que lorsque le professionnel ne dispose pas d'un motif légitime l'ayant conduit à se placer dans la situation dangereuse ayant motivé l'intervention. Cette réserve est susceptible par exemple de réserver –—“ réserve ”, “ réserver ”, ce n'est pas très clair – le cas des journalistes intervenant en zone de crise au nom de la liberté d'information. »
Cet alinéa est très mal rédigé et surtout n'est surtout pas clair juridiquement. Je pense, monsieur le ministre, que, dans la suite de notre discussion, au-delà de ce que vous nous avez dit et dont nous vous créditons, il faudrait que les choses soient précisées et que, peut-être, l'étude d'impact soit explicitement évacuée du corpus juridique de cette loi.