Je suis, moi aussi, favorable à la suppression de l'article 10 bis. Je souhaite en effet que soit maintenue la réglementation actuelle sur les seuils à partir desquels le régime des installations classées s'applique, car ces seuils tiennent compte de la réalité des risques environnementaux, notamment de la sensibilité des territoires classés en zone d'excédent structurel, et il serait prématuré de les modifier. Nous ne sommes pas encore parvenus à rétablir la qualité de l'eau dans les cours d'eau et sur les zones côtières : les flux d'azote y restent trop importants. En dépit des efforts réalisés par la profession agricole – et ils ne sont pas négligeables –, nous sommes loin d'avoir abouti. Certes, il convient de raccourcir les délais d'instruction, mais il ne faut pas pour autant que les procédures soient bâclées.
La situation du littoral breton est délicate, en cette veille de saison touristique. Les algues vertes commencent à se répandre dans quelques baies. Ainsi, avant-hier, une plage qui se trouve dans ma circonscription a été fermée : 1 000 tonnes d'algues vertes y ont été ramassées en deux jours et entreposées sur un site qui ne peut en accueillir que 2 000 tonnes. Inutile de vous dire l'émoi et l'impuissance des élus locaux face à cette situation. D'autant que la mise en oeuvre du plan gouvernemental de lutte contre les algues vertes s'est notamment traduite par l'implantation, sur quelques plages du littoral breton, de panneaux où il est indiqué que ces algues, une fois séchées, peuvent dégager des gaz toxiques susceptibles de gêner les personnes qui s'y trouvent, voire de présenter un danger de mort. Tout cela est mentionné sur un panneau : vous imaginez le désastre que cette communication peut engendrer ! Néanmoins, je tiens à rassurer ceux qui souhaitent se rendre en Bretagne : celle-ci compte plus de 3 000 kilomètres de littoral et le nombre des baies concernées est limité.
Le plan gouvernemental de lutte contre les algues vertes, auquel sont consacrés 134 millions d'euros, fait suite aux travaux d'une mission interministérielle, qui a prouvé que les flux d'azote étaient à 90 % d'origine agricole. La responsabilité de l'État est reconnue depuis longtemps ; il a du reste été condamné en 2007, et cette condamnation a été confirmée en 2009. Est-il besoin de rappeler que, dans les Côtes-d'Armor, on procède au ramassage des algues vertes depuis 1974, et que la création du centre d'étude et de valorisation des algues vertes date de 1982 ?
Ce plan, qui est en retrait par rapport aux préconisations de la mission interministérielle, comporte néanmoins trois volets intéressants : l'amélioration des connaissances, le ramassage et le traitement des algues, ainsi que des actions préventives, qui visent à donner à l'agriculture les moyens d'assurer un développement durable. Parmi ces actions, je citerai celles destinées à favoriser l'évolution de l'agriculture vers des systèmes de production à très basses fuites d'azote, à améliorer le respect de la réglementation par des contrôles renforcés plus efficaces et à limiter la pression d'azote organique et minéral. La garantie d'opérationnalité et de plus-value par rapport aux contrats existants doit être démontrée, au même titre que les contrats de bassin versant algues vertes, qui sont déjà appliqués. L'ensemble du modèle agricole est concerné.
Le plan de lutte contre les algues vertes doit s'appliquer sur une période de trois ans, au cours de laquelle on attend une réduction de 30 % à 40 % des flux de nitrates, grâce notamment au renforcement du système herbager, qui doit être préféré au système hors-sol. Ce plan prévoit également un projet d'arrêté modificatif du quatrième programme d'action « directive nitrates », auquel seraient ajoutées des mesures, applicables en bassin versant « algues vertes », beaucoup plus sévères afin d'atteindre un bon état des eaux. Nous le savons tous, le territoire de la Bretagne est entièrement classé en zone sensible. La règle sera demain celle d'une fertilisation équilibrée. Puisque les sédiments marins contiennent déjà du phosphore, les actions doivent principalement porter sur la diminution de la production d'azote afin d'enrayer l'apparition des algues vertes.
Non seulement la modification de la réglementation ne rendra pas service à la profession agricole, mais elle nie le travail du Grenelle et les résultats obtenus grâce aux efforts consentis par les agriculteurs. Ces derniers attendent une politique de régulation et de prix, au service d'un projet économique viable et durable, et ce n'est pas à coups d'amendements de ce type que l'on répondra à leurs attentes. La modernisation de l'agriculture ne passe pas par un assouplissement des règles, mais par une meilleure reconnaissance. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)