Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de André Chassaigne

Réunion du 2 juillet 2010 à 9h30
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Article 8, amendements 3 577

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

L'intervention de M. Auclair correspond tout à fait à la question qui se pose aujourd'hui.

D'une façon générale, on retrouve dans cet article 8 une des lignes directrices de votre projet de loi : essayer de trouver des outils, quels qu'ils soient, pour résoudre la question des prix et de l'organisation des marchés. Partant de là, vous présentez ce qui vous paraît être des éléments de solution, à commencer par la remise en cause des organisations de producteurs à vos yeux trop petites – et, en sous-entendu, sans le désigner explicitement, du négoce privé qui travaille avec les producteurs agricoles de notre pays.

Un pays comme le nôtre, monsieur le ministre, a une histoire marquée par des évolutions territoriales et par les liens qui ont pu se créer entre les producteurs, générations après générations, et négociants privés. Dans certains endroits, on trouve de grosses coopératives, qui parfois ont pu perdre leur âme en grandissant. Dans d'autres endroits, ainsi dans le Cantal, vingt ou trente producteurs laitiers sont associés et négocient le prix de leur lait, ont pu contractualiser et vendre ainsi leur lait à un prix peut-être supérieur à ce qu'aurait un producteur de lait isolé. Ailleurs, dans l'Allier par exemple, des organisations de producteurs de races à viande notamment, ont opté pour des négociations et des ventes groupées. Dans d'autres territoires du Massif Central, des négociants traitent directement avec un paysan ; le paysan fait quelquefois appel à un négociant, à moins qu'il ne traite dans le cadre d'une filière qualité.

Il y a là une richesse, une diversité et un héritage qu'il ne faut pas casser. Or derrière ce texte de loi se cache une volonté de tout uniformiser, partant du principe que le remède miracle serait dans les grandes organisations de producteurs ; elles seules seraient capables de garantir des prix plus intéressants et d'améliorer la rémunération des agriculteurs.

Ce raisonnement peut être par moments valable – mon propos ne se veut pas manichéen – mais je crois qu'il n'y a là-dedans rien de mécanique. Au final, j'y vois une forme sinon de lâcheté, en tout cas de capitulation devant les schémas d'organisation créés par la loi de modernisation de l'économie. En cassant la négociation telle qu'elle existait auparavant, tout le pouvoir a été donné à la grande distribution ; et comme vous ne voulez pas vous attaquer à cette toute-puissance, vous croyez pouvoir rétablir l'équilibre grâce à quelques grands majors jugés plus capable de répondre aux demandes de producteurs. Je pense que c'est une erreur. Il faut rééquilibrer les choses, remettre en cause la loi de modernisation de l'économie et s'attaquer à tous ses effets pervers que nous connaissons parfaitement, pour avoir suivi les nombreuses auditions organisées par les présidents de commission de la commission du développement durable ou de la commission des affaires économiques. Attaquons-nous à cette perversité, attaquons-nous notamment aux grands ténors de la grande distribution. Regardons dans le CAC 40 où sont ceux qui accumulent le plus de profit. Regardons chez quels grands patrons, quels grands chefs d'entreprise on trouve les plus grands profits, les salaires les plus élevés. Mais si nous tapons sur le tissu rural, dans sa richesse et sa diversité, tel qu'il a pu se constituer au fil des générations, on obtiendra des effets plus négatifs que positifs. Voilà pourquoi je propose la suppression de l'article 8.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion