Monsieur le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, vous avez dit hier soir que la loi était pérenne. Les organisations de producteurs commerciales et non commerciales – ont été reconnues dans la loi de 2006. Or l'article 8 tend à remettre en cause ce qui avait été alors avalisé : l'État se pose en tribunal, puisque c'est lui qui va décider, via son administration, de la reconnaissance ou non des OP.
Monsieur le ministre, on vous cache la vérité, comme on l'a cachée hier, dans l'Aveyron, au Président de la République : le syndicalisme et COOP de France ont mis un écran de fumée entre le terrain et vous, les décideurs ; Il n'y a qu'eux qui peuvent prendre la parole. Hier, à Mur-de-Barrez, eux seuls se sont exprimés. Je crois que mon ami Louis Cosyns vous a invités à venir visiter le marché au cadran de Châteaumeillant. Il serait bon que vous écoutiez de temps en temps un autre son de cloche !
Derrière les quatre dernières phases de l'article L. 555-1, se cache un but inavoué, que vous masquez par un discours rassurant : vous voulez supprimer en douceur les OPNC, et cela sous la pression de COOP de France, qui va encore plus loin en exigeant le transfert de propriété, le but final étant d'éradiquer le commerce privé pour être en situation de monopole. Il est vrai que leurs prouesses en matière porcine sont démonstratives, à voir l'excellent revenu qu'ils assurent à leurs éleveurs… Ils vont même jusqu'à un lobbying effréné : après nous avoir conviés autour d'une très bonne table, ils ont organisé la semaine dernière un cocktail dégustation, probablement pas pour goûter des produits coopératifs, mais pour conditionner les esprits et pour qu'ils en fassent autant auprès de leurs parlementaires – ce carton d'invitation le prouve. Bien évidemment, les OPNC auraient du mal à les imiter : elles n'en ont ni les moyens ni le savoir-faire.
Vraiment, monsieur le ministre, je suis déçu que vous puissiez tomber dans un tel panneau en allant jusqu'à avancer le bilan des modes de commercialisation au 1er janvier 2012.
Nous, nous ne voulons pas entrer dans ce jeu. Que les OPC vivent leur vie avec les moyens que l'État leur donne : j'entends parler de 2,5 milliards par an, toutes aides confondues, en direction de la coopération. J'aimerais, monsieur le ministre, que vous confirmiez ce chiffre. Cela ne nous regarde pas, mais enfin ! Au moment où l'on parle de s'attaquer aux niches fiscales et de réduire les dépenses de l'État, y a là du grain à moudre… Il serait intéressant de savoir où passent ces aides que vous versez – en tout cas certainement pas dans la poche de leurs adhérents. Les OPC ont des moyens matériels et humains, un savoir-faire administratif que les OPNC n'ont sans doute pas et il y aura toujours un grain de sable qui fera échouer la reconnaissance de l'OPNC, même si, en termes de prix versé au producteur, elle est en mesure de démontrer son efficacité.
Vous souhaitez la concentration des OP en les soumettant à une obligation d'activité suffisante, mais ce n'est pas ce qui compte ; l'important, c'est le prix versé aux éleveurs.
Ce concept, qui voudrait que plus une structure est importante, meilleur est le service rendu aux producteurs, est battu en brèche par une réalité bien différente ; je pense à toutes ces grosses structures coopératives qui, la fin de semaine arrivant, cassent les prix des broutards, par exemple, en organisant des braderies en Italie pour se débarrasser de leur stock, alors qu'en face, des structures privées, plus légères, gèrent leurs « appros » d'une manière plus fine pour rémunérer au mieux leurs producteurs.
« Non nous ne voulons pas supprimer les OPNC », assurez-vous. Mais je relis vos propos tenus au Sénat : « Nous voulons procéder par étapes. Nous voulons trouver un équilibre entre la suppression totale et immédiate des OPNC et la nécessité de réorganiser les OP. » Il faudrait vous expliquer là-dessus ! Le rapporteur, Gérard César, ajoute : « Désireuse d'avancer sur la question du transfert de propriété, la commission a fixé cette date au 1er janvier 2012, ce qui constitue une avancée importante ».
Je crains que les conclusions du bilan ne soient orientées à l'avance. Nous ne voulons pas d'un modèle uniforme d'OP. Vous devez tenir compte des 75 % d'éleveurs libres qui veulent assurer eux-mêmes la vente de leur production. Le libre choix doit rester possible, car seule la diversité des formes de commercialisation favorise la concurrence et stimule la compétitivité. En tout état de cause, l'appartenance à une OP ne doit pas être un élément de conditionnalité des aides et d'accès aux outils de régulation. Dans le secteur bovin, 70 % des transactions sont réalisées par le secteur privé, via les OPNC ou en direct, et ce, malgré une politique incitative de l'État en faveur du secteur coopératif. Il convient de rappeler que les groupements représentent seulement 25 à 30 % des débouchés des éleveurs. On ne peut en conséquence imposer à la majorité, par la loi, un modèle minoritaire. Cette obligation est d'autant plus contestable qu'il n'est pas démontré que les éleveurs en groupement disposent d'un revenu supérieur aux autres éleveurs, C'est même probablement l'inverse qui apparaîtrait en cas de comparaison.
Les parlementaires prendraient une lourde responsabilité envers les éleveurs en adoptant une telle mesure qui nuirait à terme à la compétitivité de l'agriculture française.
Nous demandons un jugement sur les résultats, certainement pas «en général ou par secteur » mais par structure individuelle. Nous ne voulons pas qu'il y ait d'un côté, le secteur privé et de l'autre le secteur coopératif. Nous voulons, si cet article est adopté, que les OP soient jugées individuellement.
Sur les organisations de producteurs, monsieur le ministre, vous m'avez répondu pendant les débats préparatoires à cet examen, que d'autres pays avaient fait le choix de ne garder que des organisations de producteurs commerciales, en citant l'Allemagne.