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Intervention de Jean-Michel Ferrand

Réunion du 6 juillet 2010 à 17h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Ferrand, rapporteur :

Après la série de conventions relatives à la lutte contre les paradis fiscaux que nous avons étudiées ces dernières semaines, nous restons encore sur les questions fiscales, mais sous un angle un peu différent. Il nous est en effet demandé de nous prononcer sur l'accord que la France a signé le 4 décembre 2007 avec le Kenya pour éviter les doubles impositions et prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu.

Cette convention est intéressante à plusieurs titres. En premier lieu, parce qu'elle ne concerne pas un pays sur lesquels pesaient les pires soupçons, à la différence de certains autres avec lesquels des négociations ont été précédemment conclues, puisque que le Kenya n'a jamais figuré sur les listes publiées par l'OCDE des Etats à risque ou non coopératifs.

Ensuite, parce que le Kenya est l'un des pays importants de la zone est-africaine avec lesquels il est opportun d'avoir des relations étroites : si l'on fait abstraction de la crise politique violente qu'il a connue à l'hiver 2007-2008, qui fort heureusement a pu être résolue en un temps très bref, le Kenya est un pôle de stabilité dans la région et de développement économique important. C'est un pays qui joue aussi un rôle central pour les opérations des acteurs économiques dans la région. Pour ces raisons, il était important qu'un texte qui contribue à assurer la stabilité de nos échanges et la sécurité juridique des investisseurs français soit conclu. Ce l'était d'autant plus qu'il n'y avait jusqu'alors pas de convention de cette nature entre la France et le Kenya et que, même si nos échanges commerciaux restent encore relativement modestes, ce pays est notre principal partenaire dans la région et la présence française y est déjà importante : de très grandes entreprises nationales ont investi au Kenya, dans des secteurs de pointe, Alcatel, Lafarge, Total, Sanofi, France Telecom, notamment. En ce sens, cette convention se combine avec celle relative à la protection réciproque des investissements, qui avait été signée le même jour, le 4 décembre 2007, mais qui avait cependant été présentée à notre examen bien plus tôt, en janvier 2009.

Enfin, c'est aussi un accord remarquable en ce qu'il résulte d'une négociation menée sur la base de deux modèles différents de convention fiscale. Celui de l'OCDE, d'un côté privilégié par la France qui participe régulièrement aux travaux visant à l'actualiser. C'est un modèle qui, notamment, nous est plus favorable au plan budgétaire car il permet de réduire l'imposition de nos investisseurs au Kenya et de conserver une matière imposable en France plus importante. Inversement, le modèle de convention des Nations Unies, promu par le Kenya, tend à prendre mieux en compte les intérêts des pays en développement.

Le résultat de cette longue négociation est en quelque sorte un texte sui generis, une synthèse des préoccupations de chacune des deux Parties, un compromis pour lequel la France et le Kenya ont su faire les concessions qui s'imposaient, que ce soit sur les taux d'imposition ou sur l'assiette de l'impôt.

Cela étant posé, je voudrais résumer devant vous les trois aspects essentiels de cette convention. Je soulignerai tout d'abord que son champ d'application est large puisqu'il porte sur les résidents d'un Etat ou des deux et sur l'ensemble des impôts sur le revenu, quelle que soit leur origine : l'article 2 de la convention précise d'ailleurs que « sont considérés comme impôts sur le revenu, les impôts perçus sur le revenu total ou sur des éléments du revenu, y compris les impôts sur les gains provenant de l'aliénation de biens mobiliers ou immobiliers, les impôts sur le montant global des salaires payés par les entreprises ainsi que les impôts sur les plus-values. »

Pour le reste, l'essentiel de la convention est consacré à détailler, revenu par revenu, le régime d'imposition qui s'appliquera aux résidents des deux Parties. C'est sur cet aspect que les négociations ont surtout porté et que des concessions ont été faites de part et d'autres. Ainsi, par exemple, en matière d'imposition des revenus des professions indépendantes, à la règle selon laquelle l'imposition se fait dans l'Etat de résidence, la France a-t-elle concédé au Kenya l'imposition dans l'autre Etat si l'intéressé y dispose d'une base fixe ou s'il y exerce plus de 183 jours par an. Inversement, la France a pu obtenir du Kenya l'introduction de la clause de la nation la plus favorisée ou encore la fixation de taux d'imposition qui sont parmi les plus avantageux que le Kenya ait jamais accordés à ses partenaires.

Enfin, le texte inclut quelques unes des dispositions des conventions de l'OCDE qui reflètent les préoccupations actuelles de ses membres : des dispositions relatives à la levée du secret bancaire, à l'échange de renseignements fiscaux, « vraisemblablement pertinents », selon la formule d'usage, qui sont inexistantes dans les accords de l'ONU, ont ainsi été acceptées par le Kenya.

Je vous invite à approuver le projet de loi qui nous est soumis. Je crois en effet que ce texte viendra très opportunément compléter les dispositifs qui sont par ailleurs déjà en vigueur entre la France et le Kenya, notamment quant à la protection des investissements. J'ajouterai enfin que le Kenya ayant de son côté rempli ses propres formalités en décembre dernier, il ne manque que notre voix, le Sénat l'ayant déjà examiné, pour finaliser la procédure.

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