Merci de recevoir France Biotech. Médecin de formation, j'ai travaillé vingt ans dans l'industrie pharmaceutique, avant de créer moi-même en 1997, avec un associé, une société de biotechnologie, BioAlliance Pharma. Partie de rien, elle emploie aujourd'hui 90 personnes, est cotée sur Euronext et a mis un premier médicament sur le marché. Je suis aussi vice-président de France Biotech, dont Haude Costa est déléguée générale et Lison Chouraki, par ailleurs expert-comptable, membre du conseil d'administration.
Les biotechnologies, c'est la mise en oeuvre du vivant. Cette discipline est née il y a plus de trente ans aux États-Unis, lorsqu'a été découverte la possibilité de manipuler les cellules ou les gènes pour leur faire produire des protéines, notamment des médicaments. L'utilisation de cette technologie a été élargie au domaine végétal, puis développée jusqu'à produire des biocarburants.
Le terme de « société de biotechnologie », – ce sont ces sociétés que regroupe l'association France Biotech – désigne quant à lui un modèle économique, né également il y a trente ans aux États-Unis, de sociétés de nature entrepreneuriale et financées non pas par de la dette mais par des augmentations de capital : les cycles extrêmement longs selon lesquels elles travaillent imposent en effet ce mode de financement. Ces sociétés ont pour socle la R&D et l'innovation : sans recherche de très haute qualité, il n'y a pas de sociétés de biotechnologie. Aujourd'hui, 80 à 100 des principaux médicaments « blockbusters » mondiaux ont été inventés par ces sociétés. Ainsi organisées, elles créent, sur la durée, de la valeur pour un payeur futur, qui pourra être la grande industrie pharmaceutique. Ainsi, les antirétroviraux utilisés pour lutter contre le VIH – dont la plupart est aujourd'hui vendue par des grands groupes pharmaceutiques – ont pratiquement tous été découverts par des sociétés dites de biotechnologie.
La longueur du cycle économique de ces sociétés est un point essentiel. Pendant dix, quinze ans, voire plus, elles ne sont pas rentables. Elles créent de la valeur là où les grands groupes ne veulent pas prendre de risques, au coeur de ruptures technologiques où la recherche est trop innovante et trop loin de leurs marchés.
Si la France aujourd'hui est plutôt bien placée en Europe, en troisième position – derrière le Royaume-Uni et la Suisse, et devant l'Allemagne –, les sociétés de biotechnologie européennes ont vingt ans de retard sur les américaines, qui sont devenues de vraies grandes sociétés de l'industrie pharmaceutique.
De 1997 à 1999, les Länder allemands ont réalisé un considérable effort de financement : pour un deutsche mark investi, un deutsche mark de subvention était apporté. De nombreuses sociétés se sont alors créées. Cependant, ni l'État ni les investisseurs n'ont relayé l'effort fait. En conséquence ces sociétés n'ont pas perduré et cette action n'a été qu'un feu de paille.
Les sociétés de biotechnologie que regroupe France Biotech travaillent dans trois domaines. Le premier est la thérapeutique, le médicament, avec par exemple la thérapie cellulaire – qui consiste à injecter non plus des molécules mais des cellules, qui vont aller réparer un organe – ou encore la thérapie génique. Le deuxième est le traitement des malades et le diagnostic ; avec la découverte de nouveaux outils pour diagnostiquer ou suivre des maladies, il est en pleine expansion aujourd'hui, et les « biomarqueurs » vont sans doute devenir demain l'une des clés des traitements. Le troisième est constitué par ce qu'on appelle le dispositif médical. Ses innovations sont à la frontière de disciplines différentes, comme l'électronique ou les biomatériaux. Le coeur artificiel, ainsi que des prothèses, en relèvent ; dans les vingt ou trente années à venir, les innovations porteront probablement d'abord sur ce domaine, avant le médicament.