Je suis chirurgien des hôpitaux à Bagnols-sur-Cèze, enseignant à la faculté de médecine de Montpellier et membre de son conseil. J'ai siégé pendant huit ans à la commission médicale d'établissement de l'hôpital où j'exerce. Depuis 1992, je siège à la commission régionale de l'organisation sanitaire et sociale du Languedoc-Roussillon. Depuis 2001, je suis maire d'une commune de 1 900 habitants ; je suis aussi président d'une petite communauté de communes du Gard rhodanien. Je suis conseiller général du canton le plus peuplé du Gard. Le président du conseil général, Damien Alary, m'a confié la présidence de la commission locale d'information des installations nucléaires de Marcoule et celle du SDIS 30. En conséquence, si je suis aujourd'hui « rouge » en tant que président du SDIS 30, je suis aussi « blanc » par ma profession.
Le référentiel commun a été publié au moment où le Président Alary m'a délégué la présidence du SDIS. Lors de sa publication, j'ai été enthousiaste. Mais très vite j'ai un peu déchanté. Voici quelques lignes d'une déclaration que j'ai faite à la Gazette des communes : « le secours à personne dans le Gard relève du désordre organisé. Essayez d'appeler le 15, il est complètement saturé. Heureusement, le référentiel donne la possibilité au SDIS de déclencher les moyens sans plus avoir à attendre que le médecin régulateur donne son autorisation. La reconnaissance du rôle des infirmiers sapeurs-pompiers est également une bonne chose. Le document devrait constituer une base de discussion entre les « blancs » et les « rouges », en faisant une nouvelle part à la coopération. J'espère toutefois qu'il ne s'agit pas d'une manoeuvre de l'État pour transférer aux SDIS, aux conseils généraux et aux communes des missions et des dépenses qui incombent à l'assurance-maladie. »
Il ne vous a pas échappé que ce référentiel commun a été discuté entre le 15 et le 18, autrement dit le ministère de la Santé et le ministère de l'Intérieur, tandis que les principaux acteurs du 18, mais aussi ses financeurs, l'Assemblée des départements de France et l'Association des maires de France, n'étaient pas présents.
La réaction de mes collègues présidents de SDIS des autres départements, qui pour moitié sont les présidents de conseils généraux eux-mêmes, a été la tentation de rendre à l'État la responsabilité des SDIS. Même si c'est aussi l'état d'esprit du président du conseil général du Gard, je ne pense pas que ce soit forcément la bonne solution : je crains que la prise en charge des SDIS par l'État ne préfigure leur démantèlement progressif et n'aboutisse à leur privatisation.
Je crains que, s'il était mal utilisé, ce référentiel commun ne porte les germes d'un acte III masqué de la décentralisation, aboutissant encore plus à faire peser sur les départements et les communes des charges qui relèvent de l'assurance-maladie.
En revanche, monsieur Ginesta, je partage votre point de vue : le dispositif est un capharnaüm sans visibilité et ses différents acteurs ne s'entendent pas. Dans le Gard, j'ai travaillé à y remédier. J'ai rencontré le directeur de l'Agence régionale de l'hospitalisation, l'ARH, mon collègue directeur du SAMU du Gard, le directeur du CHU de Nîmes, et finalement le préfet. Dans la discussion de plus d'une heure et demie que j'ai eue avec le directeur de l'ARH, celui-ci a très vite mis le doigt sur la question cruciale : le 18 remplit des missions qui ne sont pas les siennes. Les sapeurs pompiers le font volontiers. Il est même possible que certains membres de services de santé et de secours médical (les 3SM) s'y complaisent : je le sais par expérience, certains collègues médecins des SDIS ont peut-être voulu y créer des sortes de petits SAMU. Cependant les chiffres sont têtus. Dans le Gard, nous disposons d'un centre de traitement d'appels unique (CTAU) ; la lisibilité des demandes est donc totale. Le nombre de missions effectuées par les SDIS par carence des SAMU est impressionnant : 53 652 depuis 2005. Ces données sont incontestables. Pour clarifier la situation, mes prédécesseurs ont passé en 2004 avec le CHU de Nîmes une convention qui n'a jamais été suivie d'effet. Jamais les missions n'ont été requalifiées, jamais les carences ambulancières ni les bilans secouristes n'ont été payés. Depuis 1996, les missions des SDIS sont les incendies, les inondations, les accidents graves sur la voie publique et les détresses vitales. Le reste n'est pas de leur ressort. Alors que, depuis 2003, une enveloppe significative a été dégagée en faveur des ambulances privées afin de mettre fin aux carences ambulancières, jamais le moindre euro n'est allé vers les SDIS, qui accomplissent pourtant le travail qui incombe au 15 et aux ambulances privées.
Cela ne doit cependant pas demeurer un obstacle : une fois le problème réglé, il faudra travailler. Avec le directeur du SAMU du Gard, nous nous sommes demandé comment améliorer les relations et la coordination entre les « blancs » et les « rouges ». Nous avons pensé à des gardes communes, à des relations plus fréquentes. C'est dans cette optique que j'ai souhaité travailler pour le SDIS.