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Intervention de Raymond Domenech

Réunion du 30 juin 2010 à 10h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Raymond Domenech, sélectionneur de l'équipe de France de football :

Si j'ai bien compris le pourquoi de cette audition, c'est que l'image et l'honneur de la France, auxquels nous sommes tous très attachés, ont été bafoués. Je partage totalement cet avis : la mascarade à laquelle nous avons dû assister n'est pas acceptable.

Monsieur Copé, nous nous sommes qualifiés en novembre, de façon certes peu glorieuse avec cette main de Thierry Henry. À cette occasion, M. Parreira a été le premier à agresser la France dans la presse, n'hésitant pas à qualifier de « honteuse » sa qualification, et à traiter Thierry Henry, qui détient le record du nombre de buts marqués en équipe de France, de « tricheur ». Imaginez ce qui se serait passé si j'avais tenu des propos semblables sur un autre pays !

Or, toute la France bien-pensante, si prompte à faire la morale, n'a rien trouvé à redire aux accusations de M. Parreira. J'aurais sans doute dû être hypocrite, comme tous ceux qui s'insultent tout en continuant à s'asseoir à la même table pour dîner. Mais ce ne sont pas là mes valeurs.

Il est important pour moi de défendre l'image de l'équipe de France. Je n'ai sans doute pas mesuré l'impact médiatique négatif de mon geste. Mais M. Parreira, tout champion du monde qu'il a été avec l'équipe du Brésil, n'avait pas le droit d'insulter l'équipe de France ni ses joueurs. J'aurais sans doute dû le lui dire directement et plus discrètement.

Mais dans notre « bulle » à dix mille kilomètres de la France, avec l'énorme pression que nous avions sur les épaules, j'avoue n'avoir pas eu la présence d'esprit de penser que l'hypocrisie était préférable.

Mieux aurait peut-être valu serrer la main de Parreira puis lui tourner le dos. Mais, je ne pouvais pas. Telle n'est pas ma nature. Je ne pouvais pas oublier ce qu'il avait dit pour nous déstabiliser – car c'était bien l'objectif, son équipe se trouvant dans notre poule de qualification.

Et hélas, comme nous nous en sommes vite aperçus, tous les arbitres, toutes les instances avaient bien entendu ces propos. Jamais, pour ma part, je n'ai critiqué un seul entraîneur adverse, notamment parce que je sais la difficulté de ce métier. Chaque fois qu'on m'interroge sur une équipe adverse, je renvoie vers son entraîneur, estimant que je n'ai pas de jugement à porter.

J'estime aussi, faisant cela, défendre la corporation des entraîneurs et des sélectionneurs, qui font vraiment un métier de fou car c'est un métier de fou que d'accepter de prendre des coups à longueur de journée, d'assumer tout à la place des autres sans jamais broncher, d'essayer de bâtir une équipe sans ouvrir de brèches par lesquelles pourraient s'engouffrer des courants d'air préjudiciables à tous.

Ma réaction n'était peut-être pas glorieuse, mais j'ai défendu des valeurs, les miennes et celles de l'équipe de France. On n'a pas le droit d'insulter l'équipe de France, surtout quand on est soi-même entraîneur. On m'a conseillé, si c'était à refaire de jouer l'hypocrite. Honnêtement, je ne sais pas… C'est plus fort que moi. Je me dis qu'il faudrait faire preuve de plus intelligence et réussir à passer par-dessus tout cela. Mais je ne dois pas être très intelligent car il est des moments où je n'y arrive pas. C'est ainsi.

Que s'est-il passé dans le vestiaire ? m'a demandé M. Muselier. Quelqu'un a ébruité à l'extérieur des propos qui n'auraient pas dû franchir la porte de ce vestiaire et tout est, hélas, parti de là. À la mi-temps, j'ai fait une remarque technique à un joueur, lui expliquant que j'attendais autre chose de lui sur le terrain, comme il me paraît logique que le fasse un entraîneur. Pourquoi s'est-il senti visé personnellement à ce point ? La pression n'y est sans doute pas étrangère. Il n'avait pas marqué depuis quatre matches qu'il occupait le poste d'avant-centre, poste particulièrement difficile et exposé. Il a réagi à ma remarque par des mots malheureux.

La première sanction, sportive, c'est moi qui l'ai prise en le faisant sortir, alors que je n'avais pas prévu initialement de procéder à un changement aussi tôt. Mais on ne peut pas accepter qu'un joueur se comporte de la sorte dans un vestiaire, à l'égard de qui que ce soit. Cela aurait toutefois dû rester entre nous et se régler le lendemain entre lui et moi. Si cela n'avait pas été ébruité, on aurait évité l'hystérie collective qui s'en est suivie.

Mais dès lors que les faits avaient été racontés à l'extérieur, j'ai été totalement solidaire de la Fédération. Celle-ci ne pouvait accepter, notamment vis-à-vis des milliers de jeunes qui pratiquent le football et de leurs entraîneurs, que l'on puisse ainsi insulter l'autorité. Il ne s'était pas passé grand-chose : une réaction épidermique d'un joueur, qui jette ses chaussures et use de son vocabulaire à lui, ma décision de le faire sortir, rien de plus. Or, cela a pris des proportions incroyables, uniquement parce qu'il y a eu une « taupe » qui, elle, demeurerait impunie. Voilà ce que les joueurs ont trouvé le plus insupportable. C'est ainsi pour cette génération-là et il nous faut admettre que nous ne sommes pas de la même génération. Pour eux, la loyauté au groupe est une valeur fondamentale.

Vous m'avez demandé s'il y avait des problèmes de religion ou de race dans cette équipe. Jamais je n'entrerai dans ces considérations. Jamais je n'ai sélectionné un joueur en fonction de sa couleur de peau ou de sa religion. Une fois le maillot bleu enfilé, il l'emporte sur tout le reste. L'équipe de France, c'est un creuset.

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