Mes chers collègues, je suis très honoré d'être auditionné par la commission dont je suis membre pour vous présenter la situation de Voies navigables de France. Je suis accompagné de Thierry Duclaux, directeur général – pour très peu de temps encore –, Nicolas Bour, chargé du projet Seine-Nord Europe, et Marc Papinutti, futur directeur général de VNF, anciennement directeur des infrastructures au ministère des transports.
Ma nomination à la tête de Voies navigables de France est survenue dans le cadre d'un changement de gouvernance. Après avoir été présidé pendant plus de treize ans par François Bordry, l'établissement public industriel et commercial est désormais dirigé par un directeur général exécutif et par un président du conseil d'administration, en charge de la stratégie globale. Souhaitant confier la présidence de VNF à un élu, le Gouvernement m'a nommé à la tête du conseil d'administration.
L'établissement public Voies navigables de France, quelquefois méconnu, est à la fois opérateur de réseau, animateur de la filière fluviale et gestionnaire d'un écosystème dont vous connaissez les problématiques en termes de qualité de l'eau, de prévention des crues et d'environnement. Voies navigables de France emploie aujourd'hui près de 5 000 agents, dont 400 font partie de l'établissement public. Les autres, mis à disposition par le ministère, sont placés sous la responsabilité directe des préfets et des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL). C'est une organisation qui peut surprendre et qui a du reste été l'objet de nombreux débats.
Sur les 8 500 km de réseau que compte notre pays, VNF a en charge 6 700 km – les autres étant, pour la plupart, gérés par les collectivités territoriales. Sur ces 6 700 km de fleuves, de rivières et de canaux, 3 200 relèvent du réseau principal et 2 030 du réseau secondaire. Ce réseau est très diversifié, tant au regard du trafic que de l'état des cours d'eau. En effet, le transport fluvial a longtemps été oublié dans notre pays et les cours d'eau n'ont pas bénéficié de tous les investissements nécessaires à leur mise à niveau.
Notre réseau principal doit être adapté aux nouvelles demandes. Ainsi, alors qu'il n'est ouvert que 14 heures par jour, nous devons parvenir à rendre disponibles les réseaux les plus importants 24 heures sur 24. Il convient aussi de veiller à l'entretien et au devenir des canaux sur lesquels la circulation est réduite, ne serait-ce que pour développer le tourisme fluvial.
L'an dernier, VNF a consacré 180 millions d'euros à la modernisation du réseau. Le contrat passé avec l'État en 2004 a permis d'augmenter sensiblement les moyens d'investissement de l'établissement, lequel a en outre bénéficié d'une part des crédits du plan de relance puisque l'État a accordé à VNF 120 millions d'euros sur deux ans, dont 100 millions destinés à la modernisation du réseau et 20 millions aux travaux préparatoires à la réalisation du canal Seine-Nord, dont les travaux débuteront en juillet prochain.
Autant le dire clairement, le transport fluvial est de retour. Le trafic a augmenté d'un peu plus de 40 % en dix ans. Pendant les années 2008 et 2009, deux années difficiles au plan économique, nous avons pratiquement maintenu l'activité en tonnage de marchandises transportées. Depuis le début de cette année, le trafic a augmenté de 8 % à 9 %. Certes, cette évolution n'est pas uniforme sur le territoire national : s'il reste stable en région parisienne, il connaît un développement soutenu dans les régions Sud Rhône et dans le Nord-Pas-de-Calais, où il a augmenté de plus de 20 %.
À l'augmentation du trafic répond celle de la diversité des clientèles. La conteneurisation, très répandue dans le transport maritime, connaît un fort développement dans le transport fluvial et amène de nouveaux clients. Le coût d'une tonne transportée sur 350 km est de l'ordre de 15 euros par voie fluviale contre 27 euros par fer, et un peu plus encore par la route. Le transport fluvial constitue donc une solution intéressante tant sur le plan économique que sur le plan environnemental et nos clients s'y intéressent désormais aussi pour les courtes distances. Ainsi, la Communauté urbaine de Lille a été récemment récompensée pour son choix de transporter les déchets ménagers par voie fluviale sur un bref parcours. Enfin, le transport fluvial présente l'avantage déterminant de desservir sans dommages le centre des villes et des agglomérations.
Le transport fluvial fonctionne donc beaucoup mieux qu'auparavant. Sans doute a-t-il bénéficié de circonstances favorables, avec le Grenelle de l'environnement qui incite au recours au transfert modal, le plan de relance de l'économie ou encore la révision générale des politiques publiques.
J'en viens aux grands chantiers de Voies navigables de France. Le plus important est le canal Seine-Nord Europe. Ce canal de 106 km doit unir Cambrai à Compiègne, en supprimant le goulet d'étranglement qui nous empêche de relier notre pays aux 20 000 km de réseau européen de fleuves et de canaux. Le projet, qui nécessite un investissement de 4,2 milliards d'euros, sera mené à bien dans le cadre d'un partenariat public-privé. Sa réalisation pose naturellement un grand nombre de problèmes touchant l'environnement, la sécurité, voire la sûreté. Il sera en effet jalonné de plusieurs ponts canaux, dont l'un mesure plus d'un kilomètre – nous sommes plus habitués à voir les ponts transporter des trains ou des voitures que de l'eau... Quatre plateformes multimodales seront disposées le long de ce canal : une dans le Nord, deux dans la Somme et une dans l'Oise, toutes destinées à irriguer le territoire et à stimuler l'activité économique.
Je crains que tout le monde n'ait pas pris conscience de l'intérêt économique majeur de ce projet, en termes d'amélioration des liaisons européennes – l'Union européenne l'a du reste retenu comme l'un de ses projets prioritaires –, de coût et de protection de l'environnement, puisqu'il permettra de soulager l'autoroute A1 de milliers de camions.
Le canal Seine-Nord Europe est donc le projet phare de VNF, qui en assure la maîtrise d'ouvrage, jusqu'au choix de l'un des deux opérateurs privés qui ont posé leur candidature. Nous avons mené l'ensemble des études nécessaires et le document technique a été validé. Nous attendons désormais la décision visant à engager le « dialogue compétitif » les deux candidats. Dès que nous aurons choisi l'un d'entre eux, nous lancerons les travaux qui dureront environ quatre ans.
Autre projet important, la liaison Saône-Moselle ou Saône-Rhin. Le Parlement, dans sa grande sagesse, a choisi de ciseler le texte du Grenelle concernant ce projet destiné à remplacer le projet Rhin-Rhône. VNF est chargé de préparer le grand débat public, qui aura lieu en 2012.
Quant au projet Bray-Nogent, il consiste à transformer une partie du bassin de Seine-Amont, qui connaît une intense activité fluviale, en voie à grand gabarit. Là encore, VNF est chargé de préparer le grand débat public, prévu en 2011.
Un autre chantier important, qui fera l'objet d'un partenariat public-privé, concerne la restauration de vingt-neuf barrages sur la Meuse, dont les trois quarts sont situés dans les Ardennes. Certains, très anciens, doivent être modernisés, essentiellement pour des raisons de sécurité.
Monsieur le Président, si vous m'y autorisez, je cède la parole à M. Thierry Duclaux pour apporter quelques précisions complémentaires.