Je suis très heureux d'avoir l'occasion de parler devant votre mission sur l'enseignement français à l'étranger, lequel est peut-être l'élément le plus déterminant pour notre influence dans le monde – c'est en tout cas le plus efficace sur le long terme. Il a en outre la particularité d'associer, dans un service public de qualité, l'enseignement de nos compatriotes et celui d'élèves étrangers, cette imbrication restant la clé de sa réussite.
J'en viens à l'« équilibre » entre les différents statuts des enseignants de notre réseau : 1 223 sont des expatriés, 5 420 des résidents et 3 850 des recrutés locaux. La part des enseignants expatriés est appelée à diminuer, sur la demande instante de Bercy. Nous devons pourtant garder à l'esprit que les expatriés répondent à deux types de besoins. Premièrement, ils remplissent au sein des établissements du réseau une fonction d'encadrement et de référence, qui garantit à nos compatriotes et aux étrangers un service d'une qualité comparable à celui dispensé en France. D'ailleurs, tout enseignant expatrié est muni d'une lettre de mission et exécute, en plus de son service d'enseignement, des tâches de conseil pédagogique. Deuxièmement, leur recrutement est nécessaire dans les pays où l'on recrute difficilement des titulaires au tarif des résidents. La réduction du nombre des enseignants expatriés doit donc être menée de façon responsable. Nous ne pourrons pas faire l'économie de la question de la formation et de l'évaluation des enseignants, laquelle sera d'ailleurs prise en compte par le plan d'orientation stratégique intégré dans le contrat d'objectifs et de performance de l'AEFE.
Comme vous le savez, le Président de la République a demandé au ministre des Affaires étrangères et européennes d'élaborer un plan de développement de l'enseignement français à l'étranger, qui sera présenté au cours du présent semestre. Ce plan part du constat que l'enseignement français à l'étranger est la pointe de notre politique d'influence, mais il devra tenir compte du fait que notre réseau, bien que le premier au monde, est désormais concurrencé par les établissements de langue anglaise et le développement d'autres réseaux – je pense notamment au réseau espagnol et au réseau allemand. De plus, les attentes des familles ont beaucoup évolué : autrefois, elles désiraient recevoir à l'étranger l'enseignement français, alors qu'aujourd'hui elles souhaitent davantage d'échanges avec la culture du pays, et attendent de l'enseignement français une valeur ajoutée pour l'avenir de leurs enfants, comme la possibilité de passer un double baccalauréat, le baccalauréat français et le baccalauréat local. Nous avons pu mesurer cette évolution lors du premier Forum mondial des anciens élèves du réseau des établissements d'enseignement français à l'étranger, qui s'est tenu l'an dernier. Alors qu'un vice-président espagnol du Parlement européen nous expliquait que, dans l'Espagne franquiste, il attendait du lycée français qu'il lui apporte « la France à l'état pur », en tant que synonyme de liberté, les plus jeunes, qui se voient comme des citoyens du monde, apprécient le brassage culturel qu'ils y trouvent.
Le plan de développement devra également renforcer la coopération avec les autres partenaires de l'enseignement français à l'étranger, tels que la Mission laïque française ou le Centre national d'enseignement à distance (CNED). Nous devons en outre apporter des réponses innovantes à une demande en constante augmentation, puisque notre réseau scolarise 5 000 élèves supplémentaires par an. Cette croissance nous impose de diversifier notre offre : nous travaillons ainsi, en collaboration avec le MEN, à la mise en place d'un label d'éducation à la française validant les filières bilingues dans les établissements nationaux, qui sont en pleine expansion.
Nous envisageons également dans le cadre de ce plan la création d'un comité interministériel visant à améliorer notre coopération avec la tutelle pédagogique, et d'un haut conseil rassemblant tous les partenaires de l'enseignement français à l'étranger.