Si mes collègues en sont d'accord, je voudrais commencer par exposer à nouveau quelques principes généraux concernant l'obligation, dans certains cas de sous-occupation du logement ou de dépassement du double du plafond de ressources, de trouver un autre logement.
Cela permettra d'éclairer le débat sur l'article, à partir de quelques informations qui, manifestement, ne sont pas encore toutes véhiculées par les médias – ce qui se comprend, car ces sujets sont fort techniques. Cela me permettra aussi de ne pas me répéter systématiquement par la suite.
Commençons par constater qu'il y a aujourd'hui 340 000 demandes de logements sociaux en attente en Île-de-France. Ce sont des demandes émanant de personnes qui sont en dessous des plafonds de ressources, lesquels sont souvent très faibles.
Parallèlement, 6 000 à 7 000 logements sont occupés par des personnes dont les revenus sont supérieurs au double des plafonds de ressources. Pour un ménage avec deux enfants habitant Paris, cela représente plus de 9 100 euros par mois ! On est en droit de penser qu'un tel ménage peut, dans un délai raisonnable, trouver un logement privé dont il puisse payer le loyer, et laisser ainsi la place à des personnes qui, avec le SMIC, ont les plus grandes difficultés à se loger à Paris ou en Île-de-France.
C'est, encore une fois, le seul objectif de ce texte : il s'agit que ceux qui disposent de moyens élevés libèrent des places au profit de ceux qui ne disposent pas des mêmes moyens. Les aides au logement social doivent, nous semblent-ils, être d'abord destinées à ceux qui ont le plus besoin d'être aidés.
Qui est concerné ? Du côté des locataires, sont d'abord concernées les personnes dont le logement est manifestement très sous-occupé. Je rappelle le critère : une personne seule dans un T3 n'est pas concernée ; il faut avoir au moins trois pièces supplémentaires par rapport à ce qui est considéré comme nécessaire pour que la sous-occupation soit caractérisée. Ainsi, on considérera comme étant en situation de sous-occupation une personne seule si elle occupe un T4, deux personnes si elles occupent un T5. On ne retient donc que des cas de sous-occupation extrêmement manifeste.
Que proposera-t-on alors à ces locataires ? Ils recevront trois offres, qui, d'une part, ne pourront pas se situer n'importe où – il n'est pas question de les envoyer cinquante ou cent kilomètres plus loin ; d'autre part, le loyer ne devra pas être supérieur au loyer précédent – c'est une garantie supplémentaire. Les trois offres seront donc proches et adaptées ; et c'est seulement si elles sont toutes trois refusées par le locataire qu'on lui demandera de bien vouloir quitter les lieux.
Quelques exceptions demeurent : les personnes de plus de soixante-dix ans, tout comme les personnes handicapées ou hébergeant une personne handicapée, pourront rester dans leur logement. Enfin, ceux qui occupent des logements qui n'étaient pas conventionnés au départ, mais qui le seraient devenus, pourront aussi être exceptées.
La seconde catégorie de personnes concernées est celle dont les revenus dépassent le double du plafond de ressources – soit tout de même plus de 10 000 euros par mois pour un ménage avec deux enfants ! Cela ne concerne, semble-t-il, qu'entre 6 000 et 7 000 personnes.
On demandera à ces locataires de libérer leur logement au profit de gens dont les ressources sont beaucoup plus faibles. Ils disposeront bien sûr d'un délai, que le projet de loi fixe à trois ans mais que certains amendements proposent d'allonger. Il nous paraît toutefois nécessaire d'établir ce principe.
Là encore, des exceptions sont faites : les personnes de plus de soixante-dix ans, les personnes handicapées ou celles hébergeant une personne handicapée ne sont pas concernées. Les personnes dont le logement n'était pas conventionné mais le devient sans que ce changement de statut soit de leur fait, pourront, de même, y demeurer.
Ces choses étant dites, il reste à évoquer le surloyer. De quoi s'agit-il ?
Cela concerne ceux dont les revenus dépassent de 20 % le plafond d'entrée – ce plafond a été abaissé d'un peu plus de 10 %, et le seuil à partir duquel s'appliquerait le surloyer a été modifié en conséquence.
Ce surloyer, j'y insiste, sera extrêmement progressif ; il ne pourra pas, en tout état de cause, amener le locataire à payer plus que le prix du marché – un amendement y veille.
La loi, d'autre part, dispose déjà que le taux d'effort ne doit pas dépasser 25 % des ressources du locataire ; elle continue à s'appliquer. Il y a là un second butoir, qui est fonction des ressources.
Dans ces conditions, et jusqu'à deux fois le plafond de ressources, les gens pourront rester dans les lieux mais participeront, en effet, à un effort de solidarité vis-à-vis de ceux qui paient, en quelque sorte, un « sous-loyer ». Cela se comprend.
Ces surloyers sont des maxima ; deux types de dérogations générales sont prévues. D'une part, les collectivités qui ont un programme local de l'habitat pourront, en fonction des particularités locales, prévoir que les surloyers s'appliqueront dans certaines zones et pas dans d'autres – pour des raisons qu'il leur faudra naturellement justifier. D'autre part, les bailleurs sociaux qui signeraient – ou plutôt, nous l'espérons, qui signeront – une convention d'utilité sociale pourront, dans ce cadre, doser les surloyers, c'est-à-dire les minorer. Ces conventions, qui figurent à l'article premier du projet de loi, permettront, pour employer un terme technique mais bien connu des élus, une certaine fongibilité des loyers.
Pardonnez-moi d'avoir été un peu long, mais il importe d'évoquer tous les aspects du sujet. Ces mesures ne s'appliqueront pas partout, c'est une question de bon sens. Elles ne s'appliqueront pas dans les zones très fragiles, comme les zones urbaines sensibles. D'autre part, l'alinéa 15 précise bien qu'elles ne s'appliqueront pas non plus là où la demande est très faible, voire nulle : elles ne s'appliqueront pas là où il n'y a pas de tension, c'est-à-dire pas de déséquilibre important entre l'offre et la demande de logements.
Le but de cet excellent texte est donc, encore une fois, de prendre en compte, dans les zones les plus tendues, les difficultés que rencontrent pour se loger les personnes ayant des ressources faibles, en demandant à celles qui ont des ressources plus élevées de participer à la solidarité nationale – qui s'impose – en se logeant en fonction de leurs moyens.
Nos discussions ont montré l'existence manifeste d'un problème parisien très spécifique, mais, même en province, il y a des différences entre quelques zones très tendues et celles qui ne le sont pas.
J'ai sans doute été un peu trop long, mais j'ai préféré rappeler ces données pour éclairer le débat sur les amendements.