a remercié M. Christian Jacob d'avoir pris l'initiative de présenter une communication sur le thème du développement durable et des marchés publics. Le processus du Grenelle de l'environnement a mis en avant la nécessité de mieux prendre en compte les exigences environnementales dans les marchés publics, mais des incertitudes fortes demeurent.
Le Président Christian Jacob a rappelé que le Parlement serait amené dans quelques semaines à débattre du projet de loi issu des propositions du Grenelle de l'environnement. Il a estimé qu'à cet égard il était opportun de ne pas se pencher uniquement sur les nouvelles mesures qui s'appliqueraient aux entreprises, mais d'envisager également les conditions dans lesquelles les collectivités locales pourraient être associées à la prise en compte des exigences de développement durable. Cette communication sur les marchés publics et le développement durable n'est pas une fin en soi mais l'occasion d'engager une réflexion et un débat sur ce sujet, en précisant les marges d'évolution possibles.
Les marchés publics représentent en moyenne 16 % du PIB de l'Union européenne. Ce pourcentage est significatif, même si les marchés publics ne peuvent évidemment à eux seuls permettre le développement durable. Il est néanmoins légitime d'en faire un instrument en faveur du développement durable, d'autant plus que, selon des modalités différentes, tant le droit européen que le droit français ont aujourd'hui intégré cette préoccupation dans la réglementation des marchés publics
Au niveau européen, la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes a joué un rôle déterminant pour intégrer ces préoccupations environnementales dans la directive du 31 mars 2004 sur les marchés publics. Elle en a en même temps fixé les limites. L'intégration dans un marché de considérations environnementales ne se limite tout d'abord pas aux critères d'attribution. Peuvent aussi être concernées les conditions d'exécution et les spécifications techniques.
Sur les spécifications techniques pour l'achat de bois, par exemple, la Commission européenne suggère de :
– s'assurer que le taux de récolte du bois ne dépasse pas les niveaux garantissant une durabilité permanente ;
– vérifier que les producteurs aient recours à des méthodes non chimiques de lutte contre les parasites et respectueuses de l'environnement.
S'inscrit dans la même problématique la volonté d'éviter l'achat de bois tropicaux rares.
En ce qui concerne les conditions d'exécution, il est par exemple possible de spécifier que les produits ou emballages sont emportés par le titulaire du marché pour être réutilisés, recyclés ou éliminés de manière appropriée.
Cependant trois limites sont fixées. Tout d'abord, les critères d'attribution écologiques doivent être liés à l'objet du marché et leur pondération ne doit pas être excessive. En d'autres termes, la protection de l'environnement n'est pas, dans ce cadre, une fin en soi. Mais pour obtenir une prestation ou faire réaliser des travaux, il importe de le faire de la manière la plus écologique possible. Ensuite, ce ne peut être le seul critère et son importance relative, au sein d'un ensemble de critères, doit être fonction de l'objet du marché. Le poids d'un critère « écologique » pourra être plus important au sein d'un marché de fourniture d'énergie que de conception d'une application informatique.
En second lieu, ces critères doivent surtout respecter tous les principes fondamentaux du droit communautaire, et notamment celui de non discrimination. Il importe que la personne publique soit techniquement en état de vérifier que les exigences qu'elle a posées ont été respectées par les soumissionnaires, ce qui peut être parfois difficile à faire pour de petites collectivités qui n'ont ni le budget, ni l'expertise technique suffisante.
Enfin, l'objectif reste, comme le rappelle la directive de 2004, d'obtenir le meilleur rapport qualité-prix pour les marchés.
S'il n'est pas possible de leur conférer un caractère obligatoire, il est en revanche possible d'utiliser les éco-labels pour définir des spécifications, les labels étant alors une preuve de conformité, tout autre moyen de preuve approprié devant cependant être accepté aux termes de la directive.
Au niveau national, le code français des marchés publics essaye de trouver un équilibre entre les grands principes, tels que le principe d'égal accès, de non discrimination, de transparence et les exigences propres aux politiques de protection de l'environnement.
Il ne faut pas survaloriser les marchés publics comme instrument de politique publique. Ils répondent à une demande et ne peuvent tout d'abord tout changer de leur seul fait, même s'ils ont un rôle important à jouer.
Tout n'est pas non plus possible. L'idée de favoriser les achats de proximité pour la restauration collective a souvent été avancée, avec le souci de limiter au maximum les transports, source d'émissions de gaz à effet de serre, tout en encourageant le développement de l'agriculture bio. Or, la mise en oeuvre de cette idée se heurte à quelques contraintes juridiques.
Les principes d'égalité d'accès aux marchés et de non discrimination ont toujours revêtu une importance primordiale. Tant le Conseil d'État que la Cour de justice des Communautés européennes ont toujours sanctionné jusqu'à présent les tentatives d'imposer des prestataires locaux. Dans son manuel sur les marchés publics écologiques, la Commission européenne citait comme exemple d'une clause discriminatoire « une condition d'exécution du marché qui pénaliserait les soumissionnaires au seul motif de la distance qu'ils doivent parcourir pour livrer les produits ». De même, en France, le Conseil d'État a toujours sanctionné les tentatives de promouvoir des considérations étrangères à l'objet du marché, tel que, par exemple, le développement des PME. Il a ainsi annulé récemment pour ce motif certaines dispositions du nouveau code des marchés publics.
En second lieu, il existe un équilibre toujours complexe entre les nouvelles missions qui leur sont assignées, telle que, par exemple, la protection de l'environnement, et la fonction première de ces marchés, qui est l'achat de services, fournitures et travaux pour les personnes soumises au droit des marchés publics. Cela ne signifie pas que, dans de nombreux cas, les deux préoccupations ne puissent se réunir, ainsi les économies d'énergie. Mais cela n'a rien d'automatique. De même, jusqu'où faut-il aller dans la voie de la contrainte ? Faut-il imposer de nouvelles contraintes aux collectivités territoriales ? De manière générale, il paraît souhaitable de privilégier les politiques incitatives par rapport aux politiques contraignantes et « punitives » et donc de laisser une souplesse d'action aux collectivités territoriales, dont les responsables seront de toute façon jugés sur leur bilan. Par ailleurs, il faut toujours tenir compte des conditions réelles du marché et de la possibilité pour les soumissionnaires de fournir réellement les prestations qu'on leur demande. Un arrêté ministériel a par exemple prévu pour la campagne des législatives que seuls étaient remboursés les documents de campagne utilisant comme support du papier recyclé ; or, il y a eu, dans certains endroits, rupture de stock, ou le papier était parfois de mauvaise qualité. De même, il ne faut pas perdre de vue la question de la capacité pour les personnes publiques de vérifier techniquement le respect des exigences posées.
Pour autant, des progrès peuvent et doivent être faits. L'Association des Maires de France (AMF) relevait que « les situations divergent au sein de l'Union européenne. Ainsi, le Danemark et la Suède sont déjà très en avance, avec respectivement 40 % et 50 % de marchés publics verts. Viennent ensuite l'Allemagne, l'Autriche et le Royaume-Uni. La moyenne européenne se situe à 19 % ». L'une des pistes intéressantes avancées pour accroître le poids du développement durable dans les marchés publics écologiques consiste à demander des variantes « écologiques », sans s'enfermer dans des contraintes trop strictes.
La personne publique peut en effet autoriser les soumissionnaires à présenter, en sus de l'offre de base, des variantes répondant à des exigences minimales préalablement définies. Concrètement, il est ainsi possible de demander une solution « classique », tout en permettant aux soumissionnaires de proposer de solutions plus innovantes en termes de développement durable. Les petites collectivités, notamment, peuvent ainsi se voir proposer des solutions auxquelles elles n'avaient pas pensé et décider de les adopter. L'éclairage public offre le cas de solutions technologiquement novatrices, qui peuvent être mises en concurrence avec des solutions plus traditionnelles. A titre d'exemple, grâce une optique de nouvelle génération, qui permet de le placer au niveau du sol sans éblouir les conducteurs, une nouvelle technologie permet de consommer 30 % d'électricité en moins qu'un luminaire routier classique.