Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jean-Jacques Moineville

Réunion du 6 mai 2009 à 14h00
Délégation à l’aménagement et au développement durable du territoire

Jean-Jacques Moineville, directeur des opérations de l'Agence française de développement :

L'Agence française de développement, opérateur pivot de l'application de la politique d'aide au développement de l'État, ne s'est impliquée qu'assez récemment dans le commerce équitable. Cela étant, la convergence entre les méthodes, les objectifs et les pratiques de l'Agence et ceux du commerce équitable est frappante, qu'il s'agisse de la lutte contre la pauvreté, du respect des ressources naturelles ou de la répartition des fruits de la croissance – car de quoi d'autre parle-t-on quand on traite du prix payé aux producteurs ? La mise en oeuvre d'un commerce équitable demande un grand travail de structuration des producteurs, dont les organisations doivent être puissamment soutenues, aussi bien pour définir des critères homogènes que pour négocier avec les pays et les marchés du Nord. L'appui aux fédérations de producteurs est au coeur de l'action de l'Agence, qui mène par ailleurs une réflexion sur l'intégration des pays du Sud dans le commerce mondial. Le soutien aux exportations, des pays africains notamment, est l'une des actions conduites par la France et par l'Union européenne.

Comme l'aide publique au développement, le commerce équitable n'aurait aucun sens sans le soutien explicite de la population, des élus et des collectivités. De nombreux déterminants communs apparaissent donc entre les deux démarches, dont celui de solidarité Nord-Sud. Le commerce équitable est un vecteur d'adhésion au développement : lorsque j'achète un café labellisé « commerce équitable », je sais agir en faveur d'un producteur d'un pays du Sud. C'est donc un moyen de faire prendre à chacun conscience des enjeux du développement solidaire.

Certes, la contractualisation qu'implique le commerce équitable diffère sensiblement du mode opératoire traditionnel de l'Agence française de développement. Il n'empêche : celle-ci conduit depuis quelques années une action déterminée de soutien au commerce équitable, s'intéressant aussi au processus de certification, qui garantit au consommateur que lorsqu'il achète tel café cela aura tel effet pour le producteur. Cette orientation a trouvé sa traduction dans la participation de l'Agence à de nombreux colloques et conférences et dans la signature d'un accord cadre visant à financer plusieurs études, dont une sur le commerce décentralisé. Nous avons en particulier animé l'atelier du colloque « Entreprendre pour le développement » consacré au bilan de l'évolution récente des partenariats publicprivé en matière d'accès à l'eau et à l'assainissement.

Pour agir efficacement, nous cherchons à favoriser la synergie avec les actions menées depuis plusieurs décennies par l'Agence dans certains pays. Ainsi voulons-nous contribuer à développer la filière coton au Bénin, au Burkina Faso, au Cameroun, au Mali et au Sénégal, tous pays dans lesquels l'Agence intervient depuis des années avec des effets notables dans la lutte contre la pauvreté et en faveur de la sécurité alimentaire. Une telle action, qui s'est inscrite dans la durée pour structurer les filières, a déjà eu des résultats : ainsi M. François Traoré, l'emblématique président de l'Union nationale des producteurs de coton du Burkina-Faso, est-il désormais un négociateur international. Il était intéressant de s'appuyer sur cet acquis – la production de coton équitable et bio-équitable – pour élargir les bénéfices d'une telle production à une frange plus vaste des producteurs de coton de la zone concernée. Ce projet, financé par l'Agence et engagé il y a un an, vise l'amélioration de la compétitivité de la filière coton et sa promotion sur le marché mondial.

Nos modes d'intervention futurs en matière de commerce équitable seront aussi guidés par les conclusions, disponibles d'ici un mois ou deux, d'une étude destinée à tracer des perspectives plus précises en définissant comment intégrer ce volet à nos nouveaux projets, soit par la structuration de la production, soit par l'appui à la négociation internationale. Nous envisageons pour cela des projets pilotes en partenariat avec des entreprises privées.

Une réflexion doit avoir lieu sur l'articulation des mécanismes de fixation et de contrôle des prix entre les producteurs qui font du commerce équitable et les autres, pour éviter que les uns ne perturbent les autres. Le commerce équitable est d'autant plus intéressant qu'il peut changer d'échelle, assurant le meilleur revenu au plus grand nombre ; nous y travaillerons aussi. Mais il faudra encore traiter de l'organisation commerciale dans les pays concernés. Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie a dit tout à l'heure que les produits issus du commerce équitable coûtent un peu plus cher que les autres ; si cet écart est justifié par un surcoût de production, soit, mais il faut aussi apprécier s'il n'est pas possible de réduire les coûts des circuits de distribution. Des lois de programmation agricoles seraient peut-être bienvenues. Reste enfin à améliorer la capacité de négociation des filières du Sud dans leurs relations avec les pays du Nord. De nombreux outils existent déjà à cette fin, tels les programmes de renforcement de capacités commerciales à l'exportation, qu'il faudra encore appuyer.

Telles sont nos pistes de réflexion. La convergence des objectifs et des méthodes entre l'Agence française de développement et le commerce équitable est trop grande pour que l'on ne cherche pas une mise en commun. (Applaudissements)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion