Je remercie les organisateurs, en particulier M. Christian Jacob, de m'avoir convié à cette conférence.
L'équité, c'est avant tout l'accès de tous et à tout moment à une alimentation suffisante, sûre et de bonne qualité nutritionnelle. Le commerce équitable compte au nombre des moyens permettant de faire face au problème de la faim. Or, l'insécurité alimentaire a déjà atteint des niveaux inacceptables : en 2007 le nombre de personnes affamées dans le monde a augmenté de 75 millions – principalement en raison de la flambée des prix des denrées alimentaires –, et, en 2008, de 40 millions, le nombre total de personnes mal nourries s'élevant ainsi à 963 millions. Si l'on tient compte de l'impact prévisible de la crise économique et financière que nous traversons, ce sont 100 millions de personnes supplémentaires qui devraient souffrir de la faim en 2009, soit, 15 % de la population mondiale. S'ils ont diminué par rapport à 2008, les prix internationaux des aliments demeurent néanmoins élevés. Les prix sur les marchés intérieurs des pays en développement, en particulier, ont moins baissé que ces derniers qui, en termes constants, sont toujours 24 % plus élevés qu'il y a deux ans. Cette crise pénalise donc les pays en développement de quatre manières : baisse des prix des produits d'exportation, baisse des volumes, réduction des flux financiers, fléchissement des créations d'emplois. Les changements démographiques et de régime alimentaire, les limites des ressources naturelles, le changement climatique et le développement des bioénergies constitueront par ailleurs de grands défis pour nourrir la population mondiale qui devrait passer de 6,5 milliards de personnes aujourd'hui à 9,2 milliards en 2050. La production alimentaire mondiale devra donc presque doubler.
De surcroît, le développement de l'insécurité alimentaire a un coût économique puisque les personnes sous-alimentées ne peuvent réaliser tout leur potentiel productif. Selon nos analyses, les bénéfices économiques globaux auraient été de 3 000 milliards de dollars si les objectifs fixés par le sommet alimentaire mondial de 1996 avaient été atteints. La crise alimentaire n'exige donc pas moins d'attention que la crise financière : si elle a d'évidentes incidences économiques, politiques et sociales, elle constitue en effet également un danger pour la paix et la sécurité du monde, les émeutes de 2007 et 2008 dans 22 pays en ont témoigné. Pour vaincre la faim, nous avons besoin d'un consensus politique international afin de trouver les solutions techniques et économiques qui s'imposent mais aussi de renforcer et d'harmoniser les structures de réflexion et de décision. En d'autres termes, l'éradication de la faim passe par un leadership politique et des ressources disponibles correctement investies.
Ce sont principalement les ONG qui ont promu le commerce équitable afin de garantir de meilleures conditions commerciales aux producteurs des pays en développement. Les agriculteurs peuvent ainsi accéder aux marchés d'exportation en croissance dont les prix sont plus élevés, les bénéfices engrangés permettant par ailleurs aux organisations agricoles de se consolider et d'acquérir une plus grande autonomie. Avec, pour le seul secteur alimentaire, une valeur estimée à 4 milliards de dollars en 2007, les ventes liées au commerce équitable ont augmenté considérablement. En renouant le lien entre consommateurs et producteurs, ce type de commerce sensibilise également les citoyens des pays développés à l'importance d'un système international d'échanges plus juste.
Toutefois, le commerce équitable ne constitue pas une solution pour tous les agriculteurs car il ne concerne qu'une gamme très étroite de produits et la consommation est encore faible – en effet, les exportations de produits ainsi labellisés représentent bien moins de 0,1 % des échanges agricoles mondiaux et sont concentrés sur un petit nombre de pays développés.
La FAO, quant à elle, a entrepris un certain nombre d'activités dans le cadre de son programme de travail sur les systèmes volontaires de certification sociale et environnementale : analyse économique du commerce des produits certifiés « équitables » et études des débouchés pour les pays en développement ; diffusion de l'information et soutien aux débats internationaux sur les systèmes volontaires de certification par le biais d'Internet, de réunions d'experts, d'ateliers, d'exposés dans des groupes intergouvernementaux mais aussi de publications ; soutien technique aux gouvernements, organisations agricoles et entreprises des pays en développement, notamment pour la production et l'exportation des produits biologiques équitables. Enfin, la FAO est prête, si ses États membres le souhaitent, à soutenir une concertation internationale sur le commerce équitable, pour les gouvernements et les ONG, afin de parvenir à une vision commune de son rôle dans le développement économique et social. (Applaudissements)