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Intervention de Daniel Dubost

Réunion du 11 mai 2010 à 17h00
Mission d’évaluation et de contrôle de la commission des finances

Daniel Dubost, chef du service France Domaine au ministère du Budget, des comptes publics et de la réforme de l'état :

Je me garderais bien de dire que les évaluations de France Domaine sont les meilleures du monde. L'évaluation est un art extrêmement difficile, d'autant plus délicat que le bien à vendre est spécifique et qu'il y a peu de références sur le marché local. Évaluer un logement est facile, un immeuble de bureaux moyennement facile – en fonction de l'existence d'un marché –, une caserne ou un terrain militaire beaucoup plus compliqué.

En la matière, le juge de la qualité de l'évaluation n'est autre que le marché. Nous prenons un soin tout particulier à comparer les propositions faites dans le cadre d'un appel d'offres à nos propres évaluations. Il y a deux ans, les critiques fusaient sur le thème « France Domaine sous-évalue la valeur des biens », non sans fondement puisque nombreuses étaient les propositions qui excédaient nos chiffres. En réalité, dans un marché exubérant, souvent une proposition dépassait nettement toutes les autres, mais il y avait aussi un coeur de propositions qui étaient peu éloignées de la nôtre.

En cas d'opération de gré à gré, le marché n'intervient pas, d'où la difficulté ; il faut être sûr de ne pas se tromper. Dès lors, n'y a-t-il pas un risque de blocage ? C'est arrivé, et nous avons pris des mesures. Si un conflit surgit entre l'État et une collectivité locale, la loi prévoit que, si la seconde n'est pas satisfaite de l'offre du premier, elle peut aller devant le juge de l'expropriation, qui, dans l'immense majorité des cas, – et j'ai plaisir à le dire – retient une proposition égale ou voisine de la nôtre. Il nous est arrivé aussi de choisir de concert un prestataire externe pour nous départager, en particulier dans le cadre d'une des plus grosses cessions du ministère de la défense : celle du fort d'Issy-les-Moulineaux. Au cas particulier, en accord avec la SEMADS, la société d'économie mixte d'Issy-les-Moulineaux, nous avons finalement retenu un opérateur chargé de juger la qualité de l'évaluation. Sur la base de cette évaluation, par des négociations bilatérales continues, pour en sortir et parce qu'il fallait conclure, nous avons fini par nous entendre sur le prix.

Vous avez, madame la Rapporteure, fait allusion à la plus grosse opération du ministère de la Défense, l'opération Vauban. Le ministre avait décidé de déroger à la règle de l'appel d'offres et de négocier avec la Caisse des dépôts et la Sovafim. Pour l'éclairer sur la valeur des biens, France Domaine pouvait se prévaloir d'une certaine expérience puisque nous avions déjà vendu dix immeubles dans le 7ème arrondissement de Paris, dont certains aussi importants : aucun n'avait été cédé à moins de 8 000 euros le mètre carré. Entre 2005 et 2009, le montant total des cessions a atteint 3 milliards d'euros : l'échantillon est donc large. Le bien le plus important, le centre de conférences internationales, a été vendu pour 404 millions d'euros, soit un montant supérieur à l'évaluation la plus importante du périmètre Vauban. Nous ne sommes pas les seuls sur le marché et nous avons informé le Gouvernement que l'Assemblée nationale par exemple avait acquis en 2009 un immeuble situé 33 rue Saint-Dominique à 10 200 euros le mètre carré, prix conforme, à nos yeux, à ceux du marché. Nous nous sommes aussi référés au prix de cession de l'immeuble le plus proche de celui du ministère de la Défense, à savoir celui de l'ex-Crédit National, et de taille comparable, à savoir 11 058 euros le mètre carré. Certains de ces prix remontent à un peu avant la crise, mais d'autres pas. Nous avons par ailleurs procédé en 2010 à une cession importante quai Branly. La comparaison est un outil essentiel pour nos évaluations et la sanction du marché le meilleur des juges.

Le consortium a fait une offre globale un peu supérieure à 500 millions d'euros, correspondant aux immeubles du périmètre Vauban, soit 3 800 euros le mètre carré pour l'ensemble Pentemont, 2 750 euros pour l'îlot Saint-Germain, et 4 400 euros pour l'Hôtel de l'Artillerie. Il nous a semblé que, même en période de crise, ces prix ne correspondaient pas à ceux du marché. Nos évaluations, pourtant prudentes puisque toutes inférieures au prix le plus faible des dix immeubles précédemment cédés par France Domaine dans le 7ème arrondissement, étaient toutes au-delà des prix proposés par le consortium. Nous avons conclu que le prix proposé par ce dernier ne permettrait pas au Gouvernement, en l'absence de recours au marché, de justifier auprès des nombreux organes de contrôle auxquels est soumise la politique immobilière de l'État que les intérêts patrimoniaux de l'État auraient été sauvegardés. Les arbitrages interministériels ont conduit à ne pas donner suite à la proposition.

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