Mesdames, messieurs, le service que j'ai l'honneur de diriger est le représentant de l'État propriétaire. « L'État propriétaire » est une notion apparemment simple, mais elle a été très longue à émerger. Jusqu'à une période récente, les fonctions immobilières étaient dispersées auprès des administrations, lesquelles se comportaient en quasi-propriétaires. À la suite des travaux de la MEC notamment, sous la houlette de son président M. Georges Tron, la politique immobilière de l'État s'est profondément transformée.
L'État s'est lancé dans des opérations de cession importantes, contrastant avec le faible flux constaté sur une période longue de dix ans – de l'ordre de 100 millions d'euros en moyenne par an. Depuis 2005, ce chiffre a fortement progressé, de 615 millions la première année (2005) à plus de 800 millions en 2007 et s'est maintenu depuis à un niveau élevé (près de 500 millions d'euros), malgré une conjoncture difficile. Toutefois, une politique de cession ne saurait tenir lieu de politique immobilière. D'ailleurs, M. Tron, en tant que président du Conseil de l'immobilier de l'État, l'a dit à maintes reprises. Nous avons donc essayé de mettre en place une stratégie de l'État, qui a concerné d'abord les administrations centrales, ensuite les services déconcentrés, puis les opérateurs.
En quoi consiste cette stratégie ? Il s'agissait de passer d'une politique événementielle de l'immobilier – souvent pour loger dans l'urgence tel ou tel, promu à une fonction éminente – à des prévisions à trois ou cinq ans. Le cas le plus connu est celui du ministère des Affaires étrangères encore éparpillé sur dix sites à Paris en 2005, qui va se regrouper sur deux sites, celui historique du quai d'Orsay et l'immeuble Gütenberg, rue de la Convention. Plus de la moitié du chemin a été parcouru par le ministère des affaires étrangères dans la réalisation de ce schéma. Le ministère de la Justice doit, lui aussi, se recentrer sur deux sites : la place Vendôme et un autre site qui n'est pas encore déterminé. France Domaine travaille avec les deux ministères concernés dans la réalisation de leur projet. Le ministère de la Défense, lui, a prévu de s'installer à Balard. Ce sont des illustrations sur trois administrations centrales, mais chacune a son schéma.
Nous avons fourni le même effort pour les administrations déconcentrées, dans le cadre de la réforme de l'administration territoriale de l'État, qui s'est traduite par la mise en place d'une direction régionale par ministère et de deux ou trois directions départementales interministérielles, ce qui, du point de vue immobilier, a exigé un effort considérable. Ces réorganisations sont menées en respectant des critères de performance immobilière. Les circulaires du 16 janvier 2009, qui ont créé l'État propriétaire, ont confié respectivement au ministre du Budget, pour les administrations centrales, et au préfet, au plan local, le soin de représenter l'État propriétaire.
La troisième étape, qui est encore devant nous, consiste à appliquer les règles de la politique immobilière de l'État aux opérateurs. Jusqu'à une période récente – et la situation était fréquemment dénoncée par la commission des Finances et la MEC – nous ne connaissions pas le patrimoine des opérateurs, tant quantitativement que financièrement. Dans un premier temps, nous avons recensé le parc immobilier de l'État occupé par les opérateurs, qui ne figurait ni dans son bilan, parce qu'il n'en avait pas le contrôle, ni dans celui des opérateurs. Ce travail a été très laborieux car il s'est heurté à la mauvaise volonté de certains opérateurs jusqu'au moment où, à la demande de la commission des Finances, M. Woerth, ministre du budget alors en fonction, a menacé les récalcitrants de sanctions budgétaires ou personnelles, ce qui nous a permis de sortir de l'ignorance dans laquelle nous étions tenus. L'évaluation est venue dans un second temps. Elle a fait l'objet d'une communication de M. Baroin en Conseil des ministres le 27 avril 2010. Les biens contrôlés par les opérateurs sont évalués à 42 milliards d'euros, une somme tout à fait considérable. Il s'agit des biens contrôlés par les opérateurs, dont une part importante est propriété de l'État. Il reste à définir la stratégie à mettre en oeuvre pour le parc immobilier des opérateurs et de donner de la cohérence à l'ensemble.
S'agissant du ministère de la Défense, force est de reconnaître qu'il avait pris une longueur d'avance puisque sa politique de cessions immobilières remonte à 1987, dans le cadre de la loi de programmation militaire de l'époque. Il avait, pour ce faire, créé la Mission pour la réalisation des actifs immobiliers, la MRAI. Dans le cadre de l'unification de la fonction de l'État propriétaire, nous tentons d'appliquer à l'ensemble des administrations, quelles qu'elles soient, et sous réserve de quelques exceptions, les mêmes règles en matière de politique immobilière. Le ministère de la Défense bénéficie d'une exception concernant la contribution des cessions immobilières au désendettement de l'État, fixée en règle générale à 15 %. Sur ce sujet du désendettement, la loi de finances pour 2009 n'a fait que consacrer ce qui se faisait mais a donné une force légale à ces usages et préservé ainsi la contribution au désendettement.
Qui procède aux évaluations ? Que ce soit pour le ministère de la Défense ou pour un autre, c'est France Domaine. Notre évaluation fait office de borne de référence, la position constante de tous les ministres du Budget successifs étant qu'il ne faut en aucun cas risquer d'être accusé d'avoir « bradé » le patrimoine de l'État. Lorsque nous procédons par appel d'offres, ce qui est la règle, et que les propositions des soumissionnaires sont supérieures à notre évaluation, nous retenons la plus élevée, une fois effectués les contrôles nécessaires auprès de Tracfin, de l'administration fiscale et, maintenant, de la direction centrale du Renseignement intérieur. Lorsqu'elles sont en deçà, les instructions sont claires : nous déclarons l'appel d'offres infructueux et, soit, nous reportons l'opération, soit nous procédons à un réaménagement des conditions de la vente pour la relancer
Traditionnellement, les opérations de cession de la Défense ne faisaient pas l'objet d'appel d'offres et étaient conclues de gré à gré, parce que la procédure d'appel d'offres est extrêmement récente : elle date de l'institution de la nouvelle politique immobilière de l'État. En outre, la nature des biens vendus, souvent situés en centre ville et élément essentiel du patrimoine d'une collectivité, est telle que les collectivités locales sont souvent intéressées, si bien que le gré à gré est de mise. De manière générale, même en cas d'appel d'offres, la loi nous fait obligation de soumettre nos propositions en priorité aux collectivités locales. Lorsqu'elles répondent favorablement, nous leur cédons à la valeur domaniale. Dans la négative, nous lançons l'appel d'offres sans indiquer la valeur domaniale, qui constitue pour nous le prix de réserve.