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Intervention de Yves Cochet

Réunion du 29 juin 2010 à 21h45
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Cochet :

On relève ainsi une grande absente : l'agriculture biologique dont nous venons de parler à l'occasion du vote du texte de la CMP sur le Grenelle de l'environnement. L'agriculture biologique a été omise et négligée au prétexte d'un manque de financement. Pourtant, le Grenelle I avait prévu une augmentation de 2 à 6 % de la surface agricole utile en agriculture biologique. Comme nous avons régressé en la matière ces dix dernières années, j'ignore comment nous pourrons atteindre l'objectif de 20 % en 2020.

Votre argument selon lequel on ne peut pas tout convertir atteste d'un manque de volontarisme politique et condamne la France à importer presque la moitié de ses besoins en produits biologiques, là où la demande est de plus en plus forte.

Le second handicap de ce texte est qu'il procède d'une vision économiste, pour ne pas dire « économiciste », de l'alimentation. Certes, il est plutôt heureux qu'un projet de loi sur une politique publique de l'alimentation ait vu le jour, mais une sorte de biais méthodologique vous a empêché de bien aborder la question.

Votre objectif est de « renforcer la compétitivité de l'agriculture française », plus particulièrement par rapport à la compétitivité de l'agriculture allemande. Il est troublant de constater ce mélange des genres entre approvisionnement alimentaire d'un pays et enjeux économiques. On se croirait revenu au temps des grandes lois d'orientation agricole des années soixante où il importait de faire du chiffre, où le rendement – et uniquement le rendement – était le moteur de toute décision publique. Or l'enjeu n'est plus celui-là.

Notre agriculture a connu une diminution d'emplois jamais observée auparavant. Elle est de moins en moins un facteur de dynamisation des territoires et la profession d'agriculteur est confrontée à une terrible détresse humaine et financière. La généralisation de l'assurance récolte contre « certains risques agricoles » est d'autant plus inquiétante.

Dans la mesure où les risques sanitaires et environnementaux et ceux liés aux calamités sont déjà couverts, il s'agit implicitement des risques de baisse des prix agricoles ; de ce fait, cette disposition n'apparaît que comme une tentative d'adaptation – réservée à ceux qui auront les moyens financiers de s'assurer – au fonctionnement erratique des marchés agricoles. Elle signifie clairement une capitulation face à la nécessité de réguler ces marchés agricoles. On nous propose en réalité d'instituer un dispositif néolibéral.

Si c'est cette LMA qui nourrit votre pensée pour les propositions européennes des années 2013-2015, nous avons de quoi être inquiets.

J'en viens à une série de propositions qui ne figurent pas dans le texte.

La première aurait dû vous conduire à orienter le projet vers l'objectif d'assurer des prix équitables à la production comme composante principale du revenu des paysans.

Deuxièmement, le texte aurait dû prévoir que les pouvoirs publics garantissent la maîtrise des volumes produits et la répartition des droits à produire entre paysans.

La troisième négligence cruciale du texte concerne les pollinisateurs. L'absence de référence à la forte mortalité des abeilles constitue un oubli sidérant. Il convient de rappeler le rôle vital de tous les agents pollinisateurs : 35 % du tonnage mondial d'aliments végétaux – fruits, légumes, oléagineux, café, cacao... – et la survie de plus de 80 % des espèces végétales dépendent directement de la pollinisation par les insectes !

On compte en France plus de mille espèces de pollinisateurs. Lorsque nous nous sommes entretenus avec nos amis apiculteurs, nous avons pu constater la surmortalité des pollinisateurs partout dans le monde. Les abeilles sont particulièrement touchées, avec une mortalité annuelle de 30 à 40 %. En vous inspirant des propositions de notre collègue Martial Saddier ou de celles de la fédération des apiculteurs, vous auriez pu prévoir la mise en place d'un plan national de protection des abeilles et de sauvegarde des apiculteurs.

Curieusement, nous évoquons toujours très peu ce qui constitue votre quatrième oubli : préparer l'agriculture française et européenne à l'après pétrole. Or dieu sait si l'agriculture dépend du pétrole et, plus généralement, des énergies fossiles ! Comme je l'avais souligné il y a près de six ans, d'un point de vue énergétique en tout cas, nous « mangeons » du pétrole.

Le pétrole et le gaz sont indispensables à l'agriculture moderne, notamment pour faire fonctionner tracteurs et machines. Cependant, autant les automobilistes peuvent se tourner vers les transports en commun – beaucoup plus sobres en pétrole –, les poids lourds peuvent déplacer leurs marchandises par le train, autant les seules options de substitution d'un tracteur ou d'une moissonneuse-batteuse sont un cheval ou un boeuf dont le rendement, vous le savez, n'est plus tout à fait le même.

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