Vous nous avez dit en commission, monsieur le ministre, que vous aménagerez les textes existants pour permettre enfin à la restauration collective de s'approvisionner en circuit court. Mais quand ? Puisque nous légiférons dans l'urgence, pourquoi ne pas régler cette question tout de suite ?
Nous le savons tous, les collectivités locales ont un rôle indispensable à jouer dans la relocalisation de notre agriculture. Pour que les cantines puissent être approvisionnées par des produits locaux, il faut un aménagement des règles d'appel d'offre des marchés publics.
L'observatoire des prix et des marges aura de nouvelles prérogatives en matière de contrôle sur la formation des prix et des marges. Pourtant, en pratique – cela a été évoqué en commission par l'un de vos collègues de l'UMP – l'application de la loi de modernisation de l'économie s'est traduite par une pression plus forte encore des distributeurs sur les agriculteurs dans la négociation commerciale et cet observatoire ne pourra que constater les dégâts ; la LMA n'y changera rien.
Monsieur le ministre, vous aviez promis l'an dernier aux producteurs de lait que la réorganisation des interprofessions permettrait une plus large représentation des syndicats. Or je ne vois dans ce texte aucune mesure allant dans ce sens, rien d'obligatoire dans la nouvelle configuration. Cela signifie que les interprofessions seront toujours tenues par les syndicats majoritaires et que ceux qui veulent produire autrement ne pourront se faire entendre. J'en veux pour preuve l'amendement de M. Le Fur, qui, sous des prétextes de concurrence européenne, prévoit d'autoriser l'essor d'exploitations porcines extrêmement polluantes dans une région déjà sévèrement touchée par la pollution aux nitrates.
S'agissant de la gestion des risques en agriculture, votre projet va dans le bon sens en obligeant les agriculteurs à prendre une assurance. Cependant pas moins de cinq décrets sont prévus pour la mise en place de ce fonds, sans aucune date butoir ni aucun délai. Cette mesure n'est donc pas prête d'entrer en vigueur.
De plus, votre projet prévoit des allégements de charges qui sont indispensables, j'en conviens, pour la survie d'un grand nombre d'exploitations, mais il est prévu un simple rapport sur les modes de financement alternatifs pour compenser les pertes de la protection sociale agricole. Et bientôt nous aurons un rapport sur le déficit de la MSA.
Chaque seconde, vingt-quatre mètres carrés de terre agricole disparaissent en France et votre loi se contente de mettre en place un observatoire de la consommation de terre agricole dont l'avis sera réputé favorable si aucune décision n'est prise au bout d'un mois. Là encore, rien dans le texte ne définit les moyens de cet observatoire, si bien que, faute de personnel, un grand nombre de projets d'urbanisation, consommateurs d'espace agricole, risquent d'être validés.
Quant à la taxe prévue sur les terrains rendus constructibles, elle sera largement insuffisante pour aider l'installation de jeunes agriculteurs, tant les motifs d'exonération sont multiples.
Pour conclure, il me semble qu'afficher de grands principes écologiques ou proposer des mesures que l'on sait déjà insuffisantes quant aux conditions de ventes, n'est pas suffisant. Attribuer de nouvelles prérogatives en matière de santé publique à un ministère qui n'en a pas les compétences et créer des observatoires sans moyens de coercition relève d'une politique d'affichage. Malheureusement cette loi de modernisation de l'agriculture est faite pour ne pas déranger la toute-puissance des industries agroalimentaires.
Vous auriez pu interdire la vente de produits agricoles en dessous du seuil de rentabilité.
Vous auriez pu engager la France dans une politique de soutien à l'agriculture en Europe avec la régulation des marchés alimentaires et une harmonisation par le haut des règles sociales et environnementales.
Vous auriez pu aller beaucoup plus loin en proposant la création d'une ceinture verte autour des villes pour freiner la disparition des terres agricoles.
Vous auriez pu aller encore plus loin pour favoriser l'installation de jeunes agriculteurs en supprimant la notion de surface minimum d'installation.
Vous auriez pu vous montrer audacieux quant au développement durable en favorisant une utilisation raisonnable des engrais et des pesticides dans toutes les exploitations.
Vous auriez pu donner plus de moyens à l'enseignement agricole au lieu de vous contenter de lui ajouter de nouvelles formations.
Vous auriez pu contenter tous les agriculteurs en clarifiant et en simplifiant la fiscalité agricole.
Au lieu de quoi la LMA se réduit à un inventaire à la Prévert de mesures sans cohésion qui ne régleront pas les difficultés d'une profession aux abois. Chers collègues, il n'y a pas de pays sans paysans. Malheureusement, j'ai bien peur que ces trois lettres, LMA, loi de modernisation de l'agriculture, se traduisent dans nos campagnes par : laissons mourir l'agriculture. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)