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Intervention de Serge Grouard

Réunion du 29 juin 2010 à 21h45
Engagement national pour l'environnement — Discussion du texte de la commission mixte paritaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Grouard, rapporteur de la commission mixte paritaire :

Depuis la fin du XXe siècle et dans les premières années du XXIe siècle, une troisième gestation est à l'oeuvre. Peu importe le terme qu'il conviendrait d'utiliser : on emploie parfois la formule de « développement durable », mais, quoi qu'il en soit, il y a un modèle en gestation.

Pour revenir à la logique braudélienne, il y a, dans cette histoire, dans ce temps long, des invariants.

Le premier des invariants sur les deux premiers modèles – politique, économique et social –, c'est la volonté de s'inscrire en réaction à une situation existante et de relever un défi. Sur la démocratie politique, sur la philosophie des Lumières, c'est la volonté de s'opposer à une monarchie vieillissante, voire délégitimée, et de porter un autre modèle politique de philosophie d'inspiration libérale.

Au XIXe siècle, le modèle économique et social, lui aussi en gestation, s'oppose à un capitalisme sauvage qui broie l'individu et dont certains auteurs nous ont montré tous les aspects dramatiques – je pense notamment à La condition ouvrière, de la philosophe Simone Weil.

Aujourd'hui, le premier invariant tend également à mettre fin à un système, fondé sur le pillage des ressources naturelles de notre belle planète, ressources à bon marché et en quantité quasiment infinie, ou perçue comme telle, et à proposer un autre modèle qui fonctionne sur la base de ressources limitées et chères.

Il y a un deuxième invariant : chaque modèle, pour s'incarner, pour prendre corps dans la réalité du moment, s'est appuyé sur des textes, sur une dimension juridique. Je pense, bien sûr, au modèle politique, à certaines grandes déclarations que nous avons tous en tête et aux lois constitutionnelles. Ainsi, le modèle économique et social s'est traduit en France par les grandes lois sociales de l'entre-deux-guerres, puis par les ordonnances du général de Gaulle de 1945.

Aujourd'hui, nous sommes confrontés à une problématique semblable. Je crois sincèrement que les lois Grenelle 1 et Grenelle 2 et les lois de finances qui y participent s'inscrivent dans une même démarche. Selon moi, ces lois sont essentielles et resteront dans l'histoire comme certaines lois politiques et sociales. Elles s'inscrivent parmi les plus importantes de la Ve République. Est-ce à dire qu'elles sont presque parfaites ou achevées ? Absolument pas ! Mais – c'est fondamental – elles ont créé une dynamique irréversible, qui appellera d'autres textes, d'autres améliorations, d'autres évolutions. C'est ce que nous avons contribué à faire au travers du Grenelle 1 et du texte qui nous est proposé ce soir, le Grenelle 2.

Je conclurai par un dernier invariant qui montre le défi que nous devons relever.

Le modèle politique du XVIIIe siècle dont je viens de parler a pris forme dans le conflit, dans la violence révolutionnaire, et notamment dans les révolutions de 1848 ou se sont affrontés les deux systèmes politiques : le nouveau et l'ancien qui ne veut pas mourir, l'absolutisme de Metternich. Partout en Europe, cela génère des révolutions.

Le modèle économique et social a dû traverser nombre de crises, parfois violentes, pour parvenir à une très relative maturité. Nous avons aujourd'hui un défi du même ordre à relever : soit nous parvenons à assurer une transition, que je qualifierai de « douce », entre ce modèle qui a vécu et qui est encore le nôtre, et celui qui est en gestation, soit nous reviendrons à une logique conflictuelle, parce que l'un cherchera, comme toujours, à s'imposer à l'autre, et donc, nous retomberons dans la violence. Mais cette violence ne sera plus simplement une violence de société, elle sera planétaire.

Monsieur le ministre d'État, nous avons un immense défi à relever. Même si nous n'avons pas la prétention de relever tous les défis avec le Grenelle 2, nous pouvons avoir, au travers des dispositifs que nous créons, le sentiment d'avoir répondu à ce que Bernanos appelait en 1939 – ce n'était pas rien à l'époque – l'honneur de la politique, autrement dit d'avoir contribué à mettre en oeuvre ce à quoi nous croyons fondamentalement, contre les conservatismes ambiants de tous bords, pour permettre une transition que nous appelons de nos voeux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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