Madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, à quelques semaines de la présidence française de l'Union européenne, il est plus qu'opportun de délibérer sur un texte qui nous permettra d'achever la transposition dans notre droit de directives dont nous reconnaissons tous l'importance. Grâce à ce projet de loi, notre pays tiendra ses engagements vis-à-vis de ses partenaires. Le respect de la parole donnée justifie à soi seul la tenue de notre débat.
Il est impératif d'adopter ce texte, qui introduit dans notre droit des précisions importantes, en particulier en matière de définition des notions de discrimination directe et indirecte, de protection des femmes dans l'accès aux biens et aux services. Mme Buffet le disait à juste titre, on ne saurait en rester là : il faudra aller plus loin dans la lutte contre les discriminations. Au-delà de ce texte de transposition, nous agirons dans tous les domaines. Ainsi, d'ores et déjà, en matière de lutte contre toutes les formes de discrimination envers le handicap, le Président de la République a annoncé ce matin de grandes avancées : l'augmentation de 5 % de l'AAH, un pacte national pour l'emploi des handicapés, ainsi qu'un engagement à aller plus loin dans l'accès à la scolarisation et à la formation des jeunes et des adultes handicapés.
Dans le cadre de la Commission nationale de lutte contre les violences faites aux femmes, un groupe de travail sera constitué pour débattre de tout ce qui touche à l'articulation entre le civil et le pénal en matière de harcèlement. Cette question est difficile. Elle mérite que des discussions soient ouvertes avec les associations, les administrations concernées, le ministère de la justice. Madame Buffet, le Gouvernement est sensible à cette question et va s'engager sur toutes ces voies.
Mais il est urgent de se mettre en conformité avec le droit européen. Nous voulons tenir nos engagements. Mais ce n'est qu'un point de départ et nous irons bien plus loin.
Je voudrais maintenant répondre aux questions précises que vous avez posées.
Mmes Billard, Pinville et Pinel ont évoqué le traitement hiérarchisé des discriminations. En matière de lutte contre les discriminations, l'Europe a toujours procédé par étapes, en se limitant à certains motifs, dans certains champs. Cette démarche a toujours été efficace. Elle n'a pas vocation à se substituer à notre arsenal juridique déjà existant ; elle a pour but de le compléter.
Les victimes de discriminations n'ont pas toutes les mêmes besoins, elles ne sont pas toutes dans les mêmes situations. Il faut se garder d'aller trop vite et de se livrer à des amalgames qui pourraient leur nuire dans le domaine des inégalités hommes-femmes, par exemple en matière de protection sociale, et finalement pénaliser les femmes. Nous voulons avancer en concertation avec nos partenaires européens sur le droit communautaire des discriminations.
Mmes Imbert, Buffet, Pinville et M. Caresche ont critiqué une transposition « a minima ». Un débat sur la lutte contre les discriminations a eu lieu à l'occasion de la loi de 2006 sur l'égalité des chances. Nous n'allons pas en refaire un tous les ans… Le droit doit être stable, ce qui n'interdit pas d'y introduire des améliorations au fil des textes. Nous apporterons bien sûr des réponses adaptées à chacune des discriminations.
Je le répète : le droit communautaire n'a pas vocation à se substituer à notre arsenal juridique, par exemple pour ce qui touche au statut du beau-parent ou sur l'égalité professionnelle, mais à le compléter. Nous voulons continuer à progresser dans l'élaboration d'un droit communautaire de lutte contre les discriminations, mais toujours en concertation avec nos partenaires européens.
Il ne s'agit pas de « résister à transposer », mais de corriger les erreurs de transposition commises, par exemple, dans la loi du 16 novembre 2001 adoptée sous le gouvernement Jospin… Tous les gouvernements ont du mal à procéder à ces transpositions. Reste qu'ils le font et c'est ce à quoi nous nous attachons.
Vous nous reprochez de recopier de manière scolaire les directives. Mais lorsque nous nous sommes éloignés du texte des directives, comme ce fut le cas avec la loi du 16 novembre 2001, nous avons été attaqués devant la Cour de justice des Communautés européennes. Être scolaire, c'est être respectueux de nos engagements européens. On ne peut tout à la fois exiger que la France soit un bon élève en matière de transposition et demander à s'éloigner du texte des directives au moment de les transposer…
Je voudrais rappeler à Mme Crozon et M. Tardy que de nombreux organismes ont été consultés pour l'élaboration de ce texte, même si l'on peut déplorer que ce ne soit pas suffisant : la HALDE, porte-parole des victimes de discriminations, les partenaires sociaux, la Commission nationale de la négociation collective, le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre hommes et femmes.
Mmes Zimmermann, Billard, Pinville, MM. Vercamer, Caresche et Clément ont évoqué la proposition de loi portant réforme de la prescription civile, adoptée en première lecture au Sénat. Ce texte n'a nullement pour objet de remettre en cause l'effectivité de la protection des salariés victimes des discriminations. Il n'est pas question de limiter la réparation du préjudice sur les cinq dernières années précédant l'action en justice. En tout état de cause, cette proposition de loi demeure à l'état de projet. J'ignore si votre assemblée aura à en discuter, mais, pour l'instant, ce n'est pas d'actualité.
Madame Zimmermann, madame Pinville et monsieur Huet, poser un principe de non-discrimination à l'égard des femmes en matière de protection sociale et d'avantages sociaux risquerait fort de se retourner contre elles en interdisant de prévoir des dispositions plus favorables – en matière de retraite par exemple. Ajoutons que le Gouvernement agit dans le droit fil des axes arrêtés à l'issue de la Conférence sur l'égalité professionnelle du 26 novembre dernier. Mme Zimmermann en a rappelé certains : l'égalité salariale, un rapport de situation comparée mis en ligne, un guide méthodologique élaboré avec les partenaires sociaux et des DRH pour s'assurer d'une parfaite opérationnalité, les sanctions financières pour les entreprises applicables à compter du 31 décembre 2009, la table ronde sur le temps partiel prévue pour la mi-mai avec les branches professionnelles et les partenaires sociaux pour trouver des réponses au temps partiel et éclaté, la mise en oeuvre du droit opposable à la garde d'enfants, conformément à l'engagement du Président de la République, la lutte contre les stéréotypes, ou encore la relance de la convention égalité dans le système éducatif et la rénovation des contrats mixité-égalité.
Le CV anonyme, adopté en mars 2006, au moment où les partenaires sociaux négociaient l'accord national interprofessionnel sur la diversité, signé le 12 octobre 2006, devait être étendu à toutes les entreprises à compter de février 2008. Le Gouvernement souhaitait s'appuyer sur le bilan des expérimentations des dispositifs d'« anonymisation » des candidatures, prévu pour le 31 décembre 2007 pour élaborer les mesures d'application de l'article L. 121-6 du code du travail, puisqu'il doit, de toute manière, consulter les partenaires sociaux sur tout projet de réforme.
Comme vous l'avez souligné, madame Zimmermann, de nombreuses initiatives sont mises en oeuvre sur le terrain pour l'accompagnement des entreprises en matière de diversité. Le Gouvernement souhaite valoriser ces bonnes pratiques, notamment par la création d'un label « diversité » décerné dès cet été, qui, dans le prolongement de la charte de la diversité, viendra reconnaître les entreprises qui s'engagent effectivement.
Madame Buffet, madame Pinville, et monsieur Caresche, les associations constituées pour lutter contre les discriminations seront bien sûr autorisées à ester en justice pour le compte de victimes de discrimination. Ces dispositions sont de nature réglementaire. Nous préparons un décret, qui sera publié en même temps que la loi, sur ce sujet.