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Intervention de Sylvia Pinel

Réunion du 25 mars 2008 à 15h00
Lutte contre les discriminations — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvia Pinel :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les objectifs poursuivis par ce texte ne peuvent que recueillir le consensus de notre assemblée – du moins, je l'espère – puisqu'il s'agit de renforcer notre arsenal juridique pour mieux lutter contre les discriminations. Ce doit être aussi pour nous l'occasion de réaffirmer les principes républicains d'égalité et de laïcité, auxquels les radicaux de gauche sont particulièrement attachés.

Malgré ce consensus en faveur de l'égalité des droits, une nouvelle fois notre assemblée est amenée à légiférer dans l'urgence et sur la base d'un projet de loi mal rédigé, incomplet et, il faut bien le dire, quelque peu bâclé. Une fois de plus, le Gouvernement a attendu d'être rappelé à l'ordre par la Commission européenne pour se décider à achever la transposition de trois directives. Comment en est-on arrivé à une telle situation ?

La Commission européenne a engagé contre la France une procédure d'infraction pour n'avoir pas pleinement transposé la directive du 27 novembre 2000 interdisant la discrimination en matière d'emploi et de travail fondée sur la religion ou les croyances, l'âge et le handicap ou l'orientation sexuelle. Ce texte devait être transposé dans notre droit interne au plus tard le 2 décembre 2003. Une deuxième mise en demeure a été adressée à notre pays le 21 mars 2007 concernant la directive du 23 septembre 2002 modifiant celle du 9 février 1976 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelle, et les conditions de travail. Celle-ci devait être transposée au plus tard le 5 octobre 2005. Enfin, un « avis motivé », reçu le 27 juin 2007, porte sur la directive du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique, pour laquelle le délai de transposition arrivait à échéance le 19 juillet 2003. On mesure, d'une part, le retard conséquent pris par notre pays dans ces transpositions, d'autre part, l'étendue du champ des discriminations que couvrent ces directives. Ces retards et lacunes sont à ce jour autant de griefs formulés par la Commission à notre encontre et pourraient entraîner une saisine de la Cour européenne de justice avant une probable condamnation. Si l'on comprend donc cette soudaine célérité pour transposer les directives – il était temps ! –, la précipitation reste injustifiée, car elle est à l'origine des imperfections et des lacunes du projet de loi, dont témoigne d'ailleurs le nombre des amendements déposés.

Tout d'abord, il est particulièrement surprenant, et pour le moins inattendu, que le projet de loi rétablisse une hiérarchie entre discriminations, alors que, depuis 2001, le législateur s'est attaché à uniformiser les dispositifs, aussi bien pour les peines encourues que pour les procédures. Le texte réintroduit, en effet, par le biais d'une transposition a minima, deux niveaux de protection des victimes : selon la nature et le motif de discrimination, la protection prévue par la loi ne serait plus la même. Ainsi, l'article 2 du projet de loi prévoit des protections nouvelles pour les victimes de discriminations raciales, notamment en matière de protection sociale, de santé et d'éducation, mais ne les étend pas aux autres victimes. Il est permis de s'interroger sur la constitutionnalité d'une telle disposition qui permettrait une différence de traitement entre les victimes. N'est-ce pas là une remise en cause manifeste du principe d'égalité ?

Ensuite, une réelle lacune de notre droit n'est pas comblée par le projet de loi. La Commission européenne reproche à la France de trop limiter l'action des associations de lutte contre les discriminations auprès des victimes. Aujourd'hui, ces associations peuvent agir devant les juridictions pénales et aux prud'hommes, mais pas devant le tribunal administratif, les agents de la fonction publique étant ainsi privés de leur secours. Le texte omet de remédier à cette lacune en n'intégrant pas la totalité des éléments contenus dans la directive, pourtant exigés par la Commission européenne. Vous conviendrez, madame la ministre, qu'il est pour le moins paradoxal de rester en infraction avec le droit communautaire en adoptant un texte qui vise précisément à s'y conformer ! Il est donc indispensable de transposer la totalité des éléments de la directive.

Enfin, il est particulièrement regrettable que le projet de loi ne codifie que très partiellement les dispositions nouvelles. Aujourd'hui, les dispositions législatives de notre droit en matière de lutte contre les discriminations sont disséminées dans différents codes quand elles n'intègrent pas des dispositifs législatifs plus globaux comme la loi sur la liberté de la presse. Le texte donne ainsi l'impression d'exister d'abord pour satisfaire aux exigences communautaires, bien plus que pour rendre le droit accessible et lisible par tous, et en premier lieu par les victimes de discriminations.

Il n'est, bien entendu, pas question de remettre en cause l'impérieuse nécessité d'adapter notre législation au droit communautaire. Toutefois, devant un texte rédigé dans la précipitation et en partie inachevé, nous serons particulièrement attentifs à l'examen des amendements. Si la rédaction de certains articles n'était pas sensiblement modifiée, les députés radicaux de gauche, plus que jamais vigilants quant au respect des principes d'égalité et de laïcité, n'auraient pas d'autre choix que de s'abstenir.

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