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Intervention de Guénhaël Huet

Réunion du 25 mars 2008 à 15h00
Lutte contre les discriminations — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuénhaël Huet :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la rapporteure, mes chers collègues, le texte qui nous est aujourd'hui présenté résulte de la nécessité de transposer avec précision les directives européennes relatives à la lutte contre les discriminations de toutes sortes. S'inscrivant dans le droit fil notre tradition juridique, il suppose de ne pas confondre – dans ce domaine comme dans d'autres – la nécessaire notion d'égalité et la néfaste et funeste notion d'égalitarisme.

À bien des égards, ce texte constitue une avancée très importante de notre droit positif. Il s'agit en effet de définir clairement les discriminations directe et indirecte, de formaliser l'interdiction de toute injonction à pratiquer une discrimination, de bannir les pratiques de harcèlement sexuel et moral, d'instaurer une protection contre les mesures de rétorsion, enfin de renverser les règles de la charge de la preuve, dans le but louable et juste d'aider les victimes.

Comme l'a souligné Mme Vasseur, ce texte vient compléter notre législation dans un domaine où la délégation aux droits des femmes, si chère à Marie-Jo Zimmermann, a déjà beaucoup travaillé. Mais si la lutte contre les discriminations est un combat de longue date, elle est aussi une oeuvre de longue haleine : bien que beaucoup de progrès aient été réalisés, la route est encore longue avant que le sujet ne s'épuise de lui-même.

À cet égard, je voudrais insister sur l'importance des efforts collectifs et la nécessité que ces préoccupations soient partagées par tous. Ce texte le met en évidence, en étendant le champ de la lutte contre les discriminations à de nombreux domaines, ce qui lui donne à la fois son originalité et son importance.

Le rapport publié en janvier 2004 par l'Institut Montaigne sur « les oubliés de l'égalité des chances »avait déjà eu un retentissement très important. Quelques mois avant la création de la HALDE, il avait fait prendre conscience à nombre de nos concitoyens qu'il ne suffisait plus de proclamer l'égalité des droits aux frontons de nos mairies pour réaliser l'égalité des chances. Il mettait en lumière que la mobilité sociale et la méritocratie républicaine ne fonctionnaient plus assez bien et que l'ascenseur social était en panne, ce qui fragilisait notre confiance dans les valeurs républicaines. Il appelait ainsi à s'interroger sur la notion d'égalité dans une perspective non plus statique, mais dynamique.

S'il est nécessaire de compléter notre droit, légiférer n'est pas suffisant – la délégation aux droits des femmes le sait bien. En effet, les discriminations ne sont pas toutes intentionnelles ou ouvertement racistes et sexistes. Il en est – ce sont les plus nombreuses et les plus sournoises – qui sont engendrées par le système social lui-même, et que l'on admet simplement parce que « c'est comme ça ». Ces discriminations, que l'on dit « systémiques », ne peuvent être corrigées que par des mesures inscrites dans la durée, les seules capables de faire évoluer les mentalités.

Soulignons-le, la majorité s'est emparée avec détermination de ces questions très importantes de respect des droits et des valeurs. C'est grâce à sa volonté qu'a été instaurée la HALDE ; l'actuel gouvernement poursuit cet effort, notamment par l'intermédiaire du ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité et du secrétariat d'État chargé de la solidarité.

Au-delà des textes, comment sensibiliser les acteurs et rallier l'opinion de manière à supprimer toute source de discrimination ? En matière d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, on a longtemps essayé de sensibiliser les entreprises sur leur rôle. Mais n'est-il pas un peu paradoxal de leur demander de régler un problème dont l'origine se trouve dans la sphère privée ? Les femmes ont souvent dressé un bilan négatif de leur situation : double journée de travail, carrière bloquée, pas d'égalité salariale ; dans le contexte économiquement difficile des années 1990, on a eu tendance à réhabiliter des mécanismes tendant à maintenir les femmes hors de la sphère professionnelle, avec notamment le salaire parental. En effet, le problème n'est pas tant celui de l'égalité entre hommes et femmes que celui de l'égalité entre, d'un côté, les femmes mères, et de l'autre, les autres femmes et les hommes. Plus que le genre, c'est la situation de famille qui compte ; les employeurs anticipent à l'embauche la charge qui en résulte – et qui incombe le plus souvent à la femme –, et les femmes elles-mêmes l'intériorisent en choisissant des postes moins exigeants en termes de présence et de pression, au détriment souvent de leur évolution professionnelle.

En la matière, les sujets de réflexion sont légion. Que faire pour améliorer la garde des enfants ? Quelle contribution les entreprises peuvent-elles y apporter ? Et quid du temps partiel, fréquemment perçu comme une solution pour concilier vie professionnelle et vie privée, mais dont les conséquences en termes de carrière et de salaire sont irréparables : dans la pratique, le temps partiel concerne le plus souvent des postes subalternes et vulnérables.

Si l'on veut atteindre le taux d'activité de 70 % recommandé par la stratégie de Lisbonne, force est de constater que les femmes constituent la plus importante réserve de main-d'oeuvre – en particulier celles dont le niveau d'éducation est faible. Or ce sont précisément celles qui rencontrent le plus de difficultés à concilier la vie professionnelle et la vie familiale. Là encore, on se heurte à des obstacles principalement culturels. Notre gestion des ressources humaines souffre d'insuffisances criantes, qui expliquent pour partie notre retard ; les dirigeants français travaillent souvent « à la sonnette » : ils ont besoin, pour les évaluer, d'avoir en permanence leurs subordonnés à leur disposition. Dans une telle approche, le travail des femmes s'apparente à une véritable « double peine », conjuguant disponibilité extrême et impossibilité totale de prévision.

La présentation de ce texte devant notre assemblée mérite donc un satisfecit, mais je souhaite rappeler qu'il reste de nombreux chantiers à mettre en oeuvre et que, vu les profonds changements sociaux qu'ils impliquent, il est nécessaire de le faire de manière globale et, pour reprendre le terme de Mme Vasseur, pragmatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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