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Intervention de Isabelle Vasseur

Réunion du 25 mars 2008 à 15h00
Lutte contre les discriminations — Discussion après déclaration d'urgence d'un projet de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Vasseur, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, mes chers collègues, l'Assemblée nationale est saisie du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Ce texte est avant tout pragmatique. La France a fait l'objet de procédures en manquement pour n'avoir pas suffisamment transposé trois directives européennes dans les délais impartis : la directive 200078 du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ; la directive 200273 du 23 septembre 2002 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail ; la directive 200043 du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique. Le présent projet de loi vise donc à compléter la transposition en droit interne français de ces trois textes.

Par ailleurs, pour satisfaire pleinement aux exigences communautaires, ce projet transpose aussi une partie de la directive 200654 du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre le principe de l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l'accès à des biens et services et la fourniture de biens et services.

À l'évidence, ce projet ajoute une pierre à l'édifice juridique en faveur de la lutte contre les discriminations et devrait confirmer l'importance de l'effet du droit communautaire relatif à la non-discrimination sur l'état du droit français.

Car le droit international en général et le droit communautaire en particulier ont souvent servi d'aiguillon pour inciter la France à enrichir les instruments juridiques au service de la lutte contre les discriminations.

C'est essentiellement à partir de la fin des années 90 que la lutte contre les discriminations est devenue une politique européenne autonome, le traité d'Amsterdam de 1997 ayant procédé à l'élargissement des compétences de l'Union européenne en matière de lutte contre la discrimination. En 2000, un nouveau pas a été franchi avec l'adoption de deux directives sur l'égalité de traitement, qui font l'objet du présent projet de loi.

En France, les lois du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations, du 30 décembre 2004 portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité – la HALDE –, du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, et du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances, ont enrichi la palette des outils juridiques au service de la lutte contre les discriminations. On peut y voir pour partie l'influence du droit communautaire, même si ces textes comportent évidemment de nombreuses dispositions sans lien direct avec la législation européenne.

Enfin, il convient de garder à l'esprit que les lois ne sont pas les seuls instruments juridiques applicables en matière de lutte contre les discriminations. Le 11 octobre 2006, les partenaires sociaux ont conclu un accord national interprofessionnel sur la diversité dans l'entreprise, destiné à promouvoir la non-discrimination et l'égalité de traitement en matière de recrutement, d'affectation, de rémunération, de formation professionnelle et de déroulement de carrière.

Le bilan établi régulièrement par la HALDE permet de prendre la mesure de l'état des discriminations en France. Les chiffres disponibles pour l'année 2007 montrent, comme en 2006, que les matières où existent des discriminations sont, en dépit des vraies avancées réalisées en matière législative, encore multiples, et que les discriminations y sont pratiquées sur des fondements divers. Ainsi, de nombreuses réclamations reçues par la HALDE concernent l'emploi – pour 50,1 % – et les services publics – pour 20,35 %. Mais elles touchent aussi les biens et services privés, l'éducation ou le logement. L'origine, qui représente 27,16 % des réclamations, demeure le critère de discrimination le plus souvent évoqué en 2007. Viennent ensuite, par ordre décroissant de fréquence, la santé ou le handicap, l'âge, l'activité syndicale, le sexe, la situation de famille, l'orientation sexuelle, l'apparence physique, la religion, les opinions politiques et les moeurs. Par rapport à 2006, ces chiffres pour 2007 révèlent une augmentation de la proportion des discriminations pratiquées sur le fondement de la santé ou du handicap.

Par ailleurs, selon une étude publiée en janvier 2008 par l'agence de notation sociale Vigeo pour le Bureau international du travail sur les pratiques des entreprises européennes en matière de non-discrimination et de diversité, des efforts sont encore nécessaires. Dans 44 % des entreprises étudiées, les moyens mis en oeuvre se limitent à l'information ; 32 % des entreprises ne déploient pas de moyens spécifiques ; 20 % mobilisent des moyens significatifs accompagnés de procédures actives ; seulement 4 % disposent de dispositifs avancés s'appuyant sur des accords ouverts au contrôle des syndicats. L'ensemble de ces données montre que la lutte contre les discriminations constitue un objectif aujourd'hui bien établi, mais encore à atteindre.

Le présent projet de loi, en assurant la transposition des cinq directives précitées, prend en considération les différentes observations formulées par la Commission européenne dans deux mises en demeure et un avis motivé en 2007, ainsi qu'un avis motivé rendu au début de cette année 2008. Ce projet ne constitue donc pas, conformément à son intitulé, un texte généraliste sur la question des discriminations.

Je vous en rappelle brièvement la teneur. L'article 1er du projet de loi reprend les définitions qui prévalent en droit communautaire de la discrimination directe et de la discrimination indirecte, ainsi que du harcèlement. Le projet de loi énonce notamment, s'agissant des discriminations directes, que les différences de traitement doivent être analysées au regard des situations passées, présentes ou à venir. Pour ce qui est du harcèlement, il en étend la définition aux cas de la survenance d'un seul agissement et au cadre extraprofessionnel. En outre, il assimile à la notion de discrimination le fait d'enjoindre à quelqu'un de pratiquer une discrimination.

L'article 2 précise le champ des discriminations conformément au droit communautaire applicable, qu'il s'agisse de la réaffirmation de l'interdiction des discriminations fondées sur la race ou l'origine ethnique en matière de biens et services, de protection sociale, de santé, d'avantages sociaux et d'éducation ; de l'interdiction des discriminations en matière de travail et d'emploi, quels que soient le sexe, l'appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, la religion, l'âge, le handicap, l'orientation sexuelle ou les convictions.

Le projet de loi interdit ainsi toute discrimination en matière de travail indépendant sur ces fondements, ainsi qu'en matière d'affiliation et d'engagement dans une organisation syndicale et professionnelle, y compris pour les non-salariés et dans la fonction publique. Le projet de loi affirme l'interdiction de portée générale de pratiquer des discriminations en raison de la maternité ou de la grossesse, sauf à ce qu'il s'agisse d'en assurer la protection. Il pose, enfin, l'interdiction – également de portée générale – des discriminations fondées sur le sexe en matière d'accès aux biens et services et de fourniture de biens et services.

Les articles 2, 6 et 8 du projet de loi déterminent les cas où ces principes ne font pas obstacle à la mise en oeuvre de différences de traitement et procèdent à des modifications au sein du code pénal, s'agissant de la liste des discriminations qui ne font pas l'objet de sanctions pénales. En particulier, est ajoutée une condition à la mise en oeuvre de différences de traitement en matière d'emploi : outre la présence d'une exigence professionnelle essentielle et déterminante, l'objectif à atteindre doit être légitime et le moyen utilisé proportionné.

Aux termes des articles 3 et 4 du projet de loi, les garanties dont bénéficient les victimes de discriminations sont renforcées, en particulier dans les situations où des personnes témoignent d'agissements discriminatoires et lorsque les victimes des discriminations intentent une action en justice. Le projet de loi généralise l'aménagement de la charge de la preuve favorable à la victime, qui existe déjà dans certains cas en droit français.

L'article 5 du projet de loi permet d'en assurer une application aussi large que possible à l'ensemble des personnes de droit privé et de droit public.

L'article 9 prévoit qu'aucune différence ne peut être fondée sur le sexe pour les cotisations et les prestations versées, conformément aux dispositions du code de la mutualité et du code de la sécurité sociale, sauf pour ce qui concerne l'attribution des prestations liées à la grossesse et à la maternité.

Au cours de sa réunion du mercredi 6 février 2008, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a tout d'abord adopté un certain nombre d'amendements destinés à clarifier le dispositif proposé : il s'agit de favoriser une transposition au plus près de la lettre des directives européennes, tout en assurant la meilleure lisibilité possible des dispositions du projet de loi. C'est ainsi que la commission a, par exemple, préféré que le projet de loi précise sans ambiguïtés que l'injonction à discriminer constitue une discrimination.

En outre, en ce qui concerne un certain nombre de questions, la commission a jugé que la transposition devait, dans la fidélité au texte communautaire, respecter les garanties déjà existantes pour les victimes de discriminations. Elle a, ainsi, expressément rappelé que les conditions de travail et de promotion professionnelle ne sauraient donner lieu à discrimination fondée sur le sexe, l'origine ethnique, la race, la religion, l'âge, le handicap l'orientation sexuelle ou les convictions. La commission a aussi souhaité éviter toute formulation qui aurait pu apparaître restrictive en matière de protection contre les rétorsions en visant les situations où un seul agissement discriminatoire est intervenu.

Elle a enfin précisé qu'aucune discrimination ne saurait être effectuée en raison du congé de maternité.

Compte tenu de ces modifications, je ne peux que vous inviter, conformément aux conclusions de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à adopter le présent projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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