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Intervention de Valérie Létard

Réunion du 25 mars 2008 à 15h00
Lutte contre les discriminations — Discussion après déclaration d'urgence d'un projet de loi

Valérie Létard, secrétaire d'état chargée de la solidarité :

Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, depuis les années 70, l'Union européenne s'est dotée d'une législation abondante dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Cette législation s'est traduite par des avancées concrètes dans l'ensemble des États membres de l'Union, en particulier en France, où les textes communautaires ont notamment conduit à la création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, par la loi du 30 décembre 2004.

Le présent projet de loi a pour objet de poursuivre la mise en conformité du droit français avec le droit communautaire relatif à l'égalité de traitement, ce qui suppose, d'une part, de transposer la directive 2004113CE du Conseil du 13 décembre 2004 mettant en oeuvre le principe de l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l'accès à des biens et services et la fourniture de biens et services et, d'autre part, de compléter la transposition, qui a déjà été opérée, de trois directives communautaires relatives à l'égalité de traitement, dont la Commission estime qu'elle est insuffisante. Avec l'adoption du projet de loi qui vous est soumis, il sera ainsi mis fin à trois procédures d'action en manquement qui ont été lancées par la Commission à l'encontre de la France.

Je veux d'emblée souligner que, dans la perspective de la présidence française de l'Union européenne, le Gouvernement a engagé des efforts très importants pour réduire le nombre des directives en retard de transposition dans le droit français. Ces efforts commencent à porter leurs fruits puisque, selon les dernières estimations de la Commission, au 10 novembre 2007, seules 1,1 % des directives communautaires seraient en retard de transposition en France. Nous atteignons donc, pour la troisième fois consécutive, l'objectif fixé par le Conseil européen de Stockholm selon lequel le taux de directives en retard de transposition doit être inférieur à 1,5 % du total des textes à transposer. Ainsi, après avoir longtemps été parmi les « lanternes rouges » de l'Europe, notre pays se situait, au second semestre de l'année 2007, au dixième rang, sur vingt-sept, des États les plus rapides à assurer la transposition des directives communautaires. Ce résultat n'est bien sûr pas un acquis, et nos efforts doivent se poursuivre.

L'adoption du projet de loi qui vous est soumis participe de ces efforts. Il anticipe également sur le travail de transposition qu'il nous faudra mener à l'avenir, puisqu'il permet l'introduction en droit français d'une grande partie des dispositions contenues dans la directive 200654CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relatives à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail, qui procède à la refonte de directives antérieures et qui doit être transposée avant le 15 août 2008.

Le projet de loi qui vous est présenté introduit trois séries de nouvelles dispositions dans le droit français.

En premier lieu, il précise, à la demande de la Commission, un certain nombre de définitions, notamment celle de la discrimination directe et indirecte et celle des faits constitutifs de harcèlement au sens civil, et non pénal, du terme. Il assimile par ailleurs à une discrimination le fait d'enjoindre à quelqu'un de pratiquer une discrimination, ce qui permettra de donner à ces deux comportements les mêmes conséquences juridiques.

En deuxième lieu, le projet de loi qui vous est présenté affirme de manière explicite qu'un certain nombre de discriminations sont interdites, en reprenant précisément les termes des directives communautaires : les discriminations fondées sur la race ou l'origine ethnique en matière de biens et services, de protection sociale, de santé, d'avantages sociaux et d'éducation ; les discriminations fondées sur le sexe, l'appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, la religion, l'âge, le handicap, l'orientation sexuelle ou les convictions en matière de travail et d'emploi ; les discriminations pratiquées en raison de la maternité ou de la grossesse, sauf à ce qu'il s'agisse d'en assurer la protection ; les discriminations fondées sur le sexe en matière d'accès aux biens et services et de fourniture de biens et services.

Tout en posant ces principes, le projet de loi précise, dans le strict respect des directives transposées, les dérogations qui sont autorisées au principe d'égalité de traitement. Il en va ainsi, notamment, des différences qui sont faites pour répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée.

En troisième et dernier lieu, le projet de loi renforce les garanties accordées aux personnes victimes de discriminations. En particulier, il instaure une protection contre les rétorsions pouvant frapper les personnes qui témoignent d'une discrimination. Il aménage, en outre, les règles de charge de la preuve au profit des personnes qui engagent une action en justice pour faire reconnaître une discrimination. Car, nous le savons bien, rien n'est plus difficile à prouver devant un juge que l'existence d'une discrimination.

L'ensemble des dispositions introduites seront d'application générale et immédiate. Elles s'imposeront tout autant aux personnes privées qu'aux collectivités publiques. Dans le domaine professionnel, elles vaudront donc de la même manière pour les personnes employées en vertu d'un contrat de droit privé que pour les fonctionnaires, y compris les magistrats, les militaires et les fonctionnaires des assemblées parlementaires.

Vous l'aurez constaté, le texte qui vous est soumis se donne pour seul objet la transposition d'un certain nombre de dispositions communautaires. Le Gouvernement n'a pas choisi d'en faire un instrument d'approfondissement ou de réorientation de la politique de lutte contre les discriminations en France. Les délais imposés par les échéances de transposition et les procédures en cours ne nous en laissaient pas le temps, alors que, précisément, l'amplitude des champs couverts est immense et que la matière supporte l'approximation moins qu'aucune autre. Mais nous allons continuer à agir avec force, car le combat pour l'égalité des chances est un combat que le gouvernement auquel j'appartiens veut mener. Nous reviendrons bientôt devant vous avec une loi sur le statut du beau-parent. Nous vous présenterons également une loi sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, qui se situera dans le prolongement de la conférence organisée le 26 novembre dernier, à la demande du Président de la République, en concertation étroite avec les partenaires sociaux. Nous vous proposerons prochainement de ratifier la convention des Nations unies sur les droits des personnes handicapées, qui le sera également par la Communauté européenne. Et nous veillerons, bien sûr, à la mise en oeuvre de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui nous impose, d'ici à l'année 2015, des efforts sans précédent en faveur de la lutte contre les discriminations fondées sur le handicap.

Je veux enfin vous dire que notre engagement en faveur de l'égalité des chances sera au coeur de la présidence française de l'Union européenne. Nous avons été mobilisés contre les discriminations en 2007, année européenne de l'égalité des chances, mais nous le serons aussi en 2008. Nous avons d'ailleurs prévu d'organiser, à la fin du mois de septembre 2008, un sommet européen pour l'égalité des chances, qui fera écho à la manifestation du même type organisée en 2007. Par ailleurs, nous apporterons à la Commission le soutien qu'elle peut attendre de la présidence en exercice pour la mise en oeuvre des mesures qu'elle devrait proposer, au cours du second semestre 2008, dans une communication sur l'égalité des chances. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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