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Intervention de Jean-Luc Warsmann

Réunion du 28 juin 2010 à 17h00
Faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale — Discussion en deuxième lecture d'une proposition de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Je me réjouis du vote de cette proposition de loi que j'avais déposée avec Guy Geoffroy en novembre 2008. Ce moment est très attendu par les praticiens comme nous l'avions constaté à l'occasion de la table ronde que nous avions organisée au sein de la commission des lois. Ce texte est en quelque sorte la suite d'un travail que j'avais effectué pour un précédent ministre de l'intérieur sur le thème de la lutte contre les trafics de stupéfiants.

Mon intervention portera sur deux points. Je veux tout d'abord redire combien cet aspect est fondamental. Nous pouvons tous citer des exemples de personnes détenues, et effectuant parfois des peines longues pour avoir été condamnées définitivement pour trafic mais qui, depuis leur cellule, continuent à gérer leur patrimoine et leurs affaires. Nous avons tous entendu parler de ces personnes détenues dont la petite amie ou la famille continuaient à occuper le bel appartement, à partir en vacances au ski dans la résidence acquise grâce au produit des trafics. Un policier auditionné dans le cadre de la mission visant à lutter contre les trafics de stupéfiants et qui était à quelques jours de la retraite nous avait demandé d'améliorer la loi constatant que, dans la ville où il achevait sa carrière, certains anciens trafiquants possédaient de superbes maisons dans les beaux quartiers. Trafiquants de drogue à vingt ou trente ans, ils tenaient le haut du pavé de leur ville à cinquante ans. Il fallait en finir avec cette situation.

Je veux insister aussi, après le rapporteur, sur la raison morale qui sous-tend cette proposition de loi. Comment, dans certains quartiers, les parents peuvent-ils être crédibles lorsqu'ils expliquent à leurs enfants qu'il faut aller au collège et étudier pour réussir quand ceux-ci voient en bas de chez eux les trafiquants de stupéfiants rouler dans de belles voitures et mener grand train ? Une telle situation n'est pas acceptable. Il fallait donc que nous nous donnions les moyens législatifs de mettre un terme à ces trains de vie ostentatoires.

Deuxièmement, il était fondamental de modifier la loi pour combler certaines lacunes. Nous partions d'assez loin : il y a dix ans, en effet, un bon policier ou un bon procureur estimait que son travail avait été bien fait lorsqu'il avait permis de mettre en cause et de faire condamner définitivement à des peines de prison lourdes un nombre important de responsables du réseau. Ce n'était pas au montant de ce qui avait été confisqué qu'on jugeait de l'efficacité d'une enquête. Désormais, on considérera qu'un réseau de trafiquants sera bien démantelé non seulement lorsque ces responsables seront arrêtés et condamnés définitivement, mais également lorsqu'on aura pu confisquer toute la richesse produite par le trafic.

Cela signifie qu'avant de procéder aux arrestations et de mettre les responsables en garde à vue, il faudra que les enquêteurs prennent le temps d'identifier les différents biens pour ensuite les geler. Comment ? Les enquêteurs nous ont raconté que, grâce aux écoutes téléphoniques, on peut constater que les trafiquants vont, par exemple, toujours dans la même ville d'Espagne et que, si l'on se rend sur place, on s'aperçoit, après enquête, qu'ils y possèdent une superbe villa. J'ai évoqué l'Espagne mais j'aurais pu dire le Maroc ou d'autres pays qu'on retrouve fréquemment dans ce type de trafics. La proposition de loi permet des perquisitions dans le seul but d'obtenir des preuves pour identifier les patrimoines. Le rapporteur l'a dit, les enquêteurs peuvent aujourd'hui procéder au gel des comptes bancaires immédiatement, nous souhaitons qu'ils puissent continuer à le faire. Il serait incompréhensible – et tel n'est absolument pas l'objectif du législateur – qu'on doive notifier l'ordonnance du JLD avant de procéder au gel. Si tel était le cas, on pourrait craindre que le compte bancaire ne soit vidé lorsque la décision de le geler arriverait.

Il faut s'organiser pour que le maximum de biens puisse être gelé ou saisi. La proposition de loi répond bien à cette nécessité : tout ce qui peut être confisqué par la loi peut être gelé ou saisi. Mais il faut aussi gérer ce qui a été saisi – Mme la ministre d'État a fort bien rappelé le gâchis actuel. Jusqu'à présent, lorsque la superbe voiture de luxe du trafiquant était saisie, elle était placée en fourrière et la République et les impôts des contribuables payaient des frais de garde quotidiens. On pouvait la garder, trois, quatre ou cinq ans et, comme la fourrière était souvent à l'air libre, au terme de ce délai, la voiture ne valait plus rien. Résultat pour la République : elle avait payé mais ne bénéficiait pas du produit de la voiture en recettes après sa vente. L'agence de gestion pourra désormais vendre tous les biens : voitures, matériels informatiques, hi-fi, qui se dégradent très rapidement. Mais nous allons aussi gérer les biens saisis.

Je citais l'exemple des appartements. Eh bien, le cas se rencontre souvent : le produit du trafic sert à acheter une villa sur tel ou tel lieu de villégiature, ou encore à acquérir des sociétés civiles immobilières faisant du placement de biens. Je me souviens avoir travaillé avec un groupement d'intervention régionale dans le nord de la France, où l'on m'a expliqué qu'un petit réseau de trafiquants âgés de moins de vingt-cinq ans avait des cascades de sociétés civiles immobilières avec des appartements locatifs. Évidemment, si vous n'avez pas une agence qui gère tout cela, les loyers ne vont plus rentrer et tout va se dégrader.

J'ai aussi eu l'occasion de découvrir, à la lecture de plusieurs travaux parlementaires, qu'il existait des fonds de commerce : le délinquant achète à sa petite amie un salon de coiffure ou un restaurant pour qu'elle puisse elle-même développer des activités avec l'argent tiré des trafics.

L'agence sera donc là pour assurer la gestion de tous ces biens et notamment pour vendre immédiatement ce qui risque de perdre de la valeur. L'ensemble sera consigné et à la fin – au jour du jugement définitif – sera confisqué si l'auteur est reconnu coupable. Si la personne est relaxée, ses biens lui seront évidemment rendus.

Avec ces dispositions, nous allons gagner en efficacité. Nous allons progresser aussi en termes de morale. La justice sera rendue dans notre pays de façon plus juste et plus efficace, ce que nos concitoyens nous demandent. Mes chers collègues, en votant cette proposition de loi, nous ferons un pas en avant dans la lutte contre la criminalité, en particulier contre les trains de vie ostentatoires qui lui sont liés et qui minent notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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