Je vous remercie de toutes ces questions. Nous sommes tout à fait disposés à revenir travailler avec vous dans le cadre de la préparation de la prochaine loi de finances et de la prochaine loi de financement de la sécurité sociale, si vous souhaitez des informations complémentaires que nous soyons en mesure de vous apporter.
Je ne reviendrai pas sur les divers commentaires politiques que les uns et les autres avez pu formuler, pour m'en tenir aux prérogatives de la Cour.
Si la situation financière des collectivités territoriales s'est globalement améliorée, cela tient d'une part aux remboursements anticipés de TVA au titre du FCTVA, d'autre part à une certaine décélération dans l'augmentation de leurs dépenses de fonctionnement, qui n'en demeure pas moins élevée. Alors qu'elles avaient augmenté en moyenne de 6,4 % par an entre 2002 et 2007, leur progression a été limitée à 5,6 % en 2008 et 3,7 % en 2009.
Il est certes arrivé par le passé que l'élasticité soit supérieure à 1,2, hypothèse retenue par le Gouvernement. Mais un tel niveau a rarement été au rendez-vous dans les années d'après-crise. C'est ainsi que la Cour est conduite à juger volontaristes les hypothèses gouvernementales.
Monsieur Mariton, nous considérons que les hypothèses du Gouvernement sont optimistes aussi bien sur l'élasticité des recettes que sur l'évolution des dépenses. C'est pourquoi nous pensons qu'il faudra aller au-delà de ce qui est aujourd'hui prévu pour atteindre l'objectif fixé. Nous estimons toutefois que le redressement est tout à fait possible si des mesures immédiates, plus importantes, sont effectivement prises. Oui donc, l'objectif est « tenable », vraisemblablement pas à partir des hypothèses actuelles, et à la condition qu'on agisse à la fois sur les dépenses et sur les recettes. Dans quelle proportion ? Les économistes que nous avons rencontrés avec Christian Babusiaux pour préparer ce rapport, s'accordaient sur un ratio 14 recettes - 34 dépenses. Ce n'est pas à la Cour qu'il appartient d'effectuer de tels arbitrages.
S'agissant des dépenses courantes, il faudrait, au-delà de la RGPP, revoir tous les programmes, y compris les programmes militaires, et passer au tamis de la soutenabilité l'ensemble des politiques publiques d'intervention, y compris les dépenses sociales. On ne peut écarter d'emblée tout effort dans ce dernier domaine. Des mesures temporaires pourraient être prises et certaines aides mieux ciblées, compte tenu de la situation économique. Certaines propositions de la 6e chambre de la Cour sur les niches sociales pourraient également être mises en oeuvre.
Monsieur Bouvard, la norme d'évolution de la dépense est contournée par le biais des dépenses fiscales et par le biais du transfert à des opérateurs de certaines dépenses auparavant assurées par l'État. Là aussi, des mesures s'imposent. Les opérateurs ne peuvent s'exonérer de l'effort de maîtrise des dépenses publiques.
Je ne reviens pas sur les pistes que nous avons proposées, dont quelques-unes ont été chiffrées et montrent qu'il faut vraisemblablement aller au-delà de ce que propose aujourd'hui le Gouvernement, d'autant que les recettes escomptées, sur la base d'une hypothèse de croissance et d'une élasticité toutes deux ambitieuses, peuvent ne pas être au rendez-vous. Cela n'en rend que plus nécessaire une action sur les dépenses et la remise en cause de certaines niches fiscales et sociales. À côté de mesures temporaires et conjoncturelles, des mesures structurelles sont indispensables. Disant cela, nous sommes bien conscients qu'il est délicat de passer de l'idée à son application pratique, comme on le voit avec le dossier des retraites.
La Cour n'est pas en mesure de chiffrer le coût qu'a représenté le passage à la retraite à 60 ans en 1983. Mais 62 ans en 2018, est-ce bien différent de 60 ans en 1983 ? On peut se poser la question.
Dès lors que la situation exige un effort particulier et que tous les pays voisins l'ont entrepris, il importe que la France ne s'en exonère pas, mais cet effort doit être partagé et chacun doit y participer en fonction de ses capacités. Un effort est d'autant plus acceptable et accepté qu'il est juste et partagé. Ce n'est là que bon sens.
Madame Touraine, la CRDS présente l'avantage d'être une ressource sûre, stable, claire et affectée. Plus la durée de vie de la CADES est réduite, plus l'amortissement d'une nouvelle reprise de la dette se réalise sur une durée plus courte et exige donc des recettes plus importantes. Il faut donc trouver le bon équilibre. La Cour pense qu'il faut sans doute jouer un peu sur les deux paramètres. En tout cas, la CRDS est un des éléments de la stabilisation nécessaire.
Toute diminution du chômage accroîtra mécaniquement les rentrées de cotisations sociales et les recettes fiscales, ce qui aura des répercussions positives à la fois sur le budget de l'État et sur les comptes sociaux. Tout ce qui peut contribuer à augmenter l'emploi dans notre pays va donc dans le bon sens. Nous avons évalué le coût de la hausse du chômage en 2009 à environ quatre milliards d'euros.
Pour ce qui est de la privatisation des sociétés d'autoroutes, la Cour a eu l'occasion de dire que les conditions de leur privatisation n'avaient pas été « optimales » pour le moins.
Monsieur Malherbe, le GVT représente 1,9 % de la masse salariale totale de la fonction publique qui s'élève à quelque 70 milliards d'euros. Des données chiffrées sur les dépenses de personnels – salaires et pensions – figurent dans notre rapport.
Monsieur Carré, l'évolution des recettes de TVA s'explique à la fois par des mesures temporaires comme les remboursements anticipés prévus dans le plan de relance – nous vous communiquerons des chiffres précis à ce sujet dans le cadre de notre rapport sur le plan de relance – et l'application du taux réduit à la restauration, mesure, elle, structurelle, sauf à considérer qu'elle pourrait être remise en question à partir de la loi de programmation.
Je l'ai dit, s'agissant des comptes sociaux, il faudra agir à la fois sur les dépenses et sur les recettes, notamment par le biais d'un éventuel élargissement de l'assiette des cotisations. Il y a là une marge de manoeuvre dont il ne faut pas se priver vu l'urgence de la situation et la nécessité de prendre des mesures fortes à court terme, permettant d'engager des réformes de fond. Il faut être attentif à la situation de la France dans l'environnement international contraint qui est le sien. Il ne s'agit pas de répondre aux exigences des marchés mais de simplement rassurer nos créanciers. Acteurs économiques rationnels, les créanciers souhaitent avoir des assurances sur la capacité de leurs débiteurs à maîtriser l'évolution de leur endettement. L'objectif n'est pas hors d'atteinte pour notre pays mais son déficit structurel est plus élevé que celui d'autres. Cela nous impose de faire au moins autant d'efforts que les autres pour éviter que notre situation n'empire.
La Cour se veut lucide : tout en insistant sur le caractère sérieux de la situation, elle souligne aussi que notre pays a des atouts. Des mesures sont nécessaires. Nous ne doutons pas qu'elles pourront être prises dès lors que l'effort sera partagé.