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Intervention de Hubert Falco

Réunion du 22 juin 2010 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Hubert Falco, secrétaire d'état à la défense et aux anciens combattants :

Conçues pour disperser une grande quantité de projectiles explosifs, les ASM constituent une grave menace humanitaire car elles laissent sur le terrain une part significative de sous-munitions non explosées et elles frappent avant tout les populations civiles.

La France, qui a cessé d'utiliser ce type d'armes dès 1991 et d'en produire dès 2002, est aux avant-postes dans la lutte contre ce fléau. Du reste, notre pays a joué un rôle majeur dans l'élaboration de la convention d'Oslo, que nous avons signée le 3 décembre 2008 et ratifiée le 25 septembre 2009.

Cette convention entrera en vigueur au plan international le 1er août 2010. Nous en avons largement anticipé l'entrée en vigueur. Dès 2008, nous avons décidé en effet de retirer du service opérationnel 22 000 roquettes M26 et 13 000 obus de 155 millimètres à grenades. Ces armes sont pour l'instant stockées, en attendant d'être détruites, conformément aux prescriptions de la convention d'Oslo.

Le présent projet de loi, adopté le 25 novembre par le Conseil des ministres, et enrichi par le Sénat, suit l'esprit et la lettre de la convention d'Oslo. Il témoigne de notre volonté de respecter rigoureusement les engagements souscrits par la France.

Il prévoit d'abord l'interdiction en toutes circonstances des ASM, qu'il s'agisse d'emploi, de mise au point, de production, d'acquisition, de stockage, de conservation, de transfert, de fabrication, d'offre, de cession, d'importation, d'exportation ou de commerce.

Cette interdiction s'accompagne de peines lourdes et de délais de prescription allongés, dérogatoires au droit commun. Elle s'accompagne également de la possibilité pour la France de poursuivre l'un de ses ressortissants, même si les faits n'ont pas été commis sur le territoire national et même s'ils ne sont pas punis par la législation du pays dans lequel ils ont été commis.

Je tiens à vous rassurer à propos de l'étendue de cette interdiction, notamment en ce qui concerne le transit et le financement. Le Gouvernement, soucieux de reprendre la formulation retenue par la convention d'Oslo, qui ne prévoit pas expressément l'interdiction formelle du transit ou du financement direct ou indirect d'activités liées aux ASM, considère que le champ de l'interdiction, tel qu'il est déjà défini, s'étend aux activités commerciales portant sur des ASM, et donc au transit effectué dans ce cadre. Dans le même esprit, je vous affirme que tout sera mis en oeuvre pour éviter tout transit étatique d'ASM sur notre territoire.

De même, s'il n'a pas été estimé opportun, en l'état, d'aller au-delà de la convention d'Oslo s'agissant de la répression de l'assistance et du financement des ASM, il est clair, dans notre esprit, que toute aide financière directe ou indirecte, en connaissance de cause, d'une activité de fabrication ou de commerce d'ASM constituerait une assistance, un encouragement ou une incitation tombant sous le coup de la loi pénale au titre de la complicité ou de la co-action des infractions prévues par le présent projet de loi. Si les travaux de suivi de l'application de la loi par la CNEMA amenaient à constater une insuffisance sur ce point, le Gouvernement en tirerait les conclusions qui s'imposent, en proposant au Parlement les modifications législatives nécessaires.

Le calendrier parlementaire n'a pas permis d'inscrire à l'ordre du jour le projet de loi relatif au régime d'autorisation des opérations d'intermédiation, déposé sur le bureau du Sénat depuis le début de la législature. Mais le Gouvernement envisage de solliciter son inscription avant la fin de l'année 2010.

Le présent projet de loi ne reprend pas le premier alinéa de l'article 21 de la convention d'Oslo, en vertu duquel chaque État partie « encourage les États non parties à la convention à la ratifier, l'accepter, l'approuver ou y adhérer ». Il en est de même du deuxième alinéa de cet article, selon lequel chaque État « notifie aux gouvernements de tous les États non parties […] ses obligations aux termes de la […] convention, promeut les normes qu'elle établit et met tout en oeuvre pour décourager » l'usage des ASM. Il n'est pas nécessaire que la loi rappelle expressément ces dispositions pour qu'elles soient activement appliquées. Je puis vous rassurer sur ce point : comme le déclarait devant vous mon collègue Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes, lors du débat de ratification de la convention, le 20 juillet 2009, la France ne saurait cautionner en aucune façon l'utilisation des ASM et incitera tout éventuel utilisateur à ratifier au plus tôt la convention. En effet, l'article 21 impose aux parties l'exigence de tout mettre en oeuvre pour décourager les États non parties d'utiliser des ASM lors d'une opération conjointe. Ainsi, dans l'hypothèse d'une participation de militaires français à une opération conjointe aux côtés d'un État non partie, la France, au plus haut niveau, fera une déclaration politique incitant cet État à ratifier au plus vite ladite convention.

Le texte prévoit également la destruction par les armées de leur stock d'ASM, dès que possible, dans un délai de huit ans à compter de l'entrée en vigueur de la convention. Cette destruction sera entièrement financée par le ministère de la défense sur le programme 178 (Préparation et emploi des forces) de la mission « Défense », pour un coût estimé entre 30 et 35 millions d'euros. Elle devrait être achevée d'ici à 2016. Sont concernés les 22 000 roquettes et les 13 000 OGR retirés du service en 2008.

La destruction des OGR, estimée à 900 000 euros hors taxes, ne posera pas de problème car l'armée saura la réaliser.

En revanche, la destruction des M26 est plus complexe, car il faut traiter les explosifs – 644 sous munitions – et les propulseurs. Cette opération sera en outre soumise, à partir de 2012, à de nouvelles contraintes environnementales liées à la réglementation européenne.

L'objectif reste bien d'achever le processus de destruction en 2016, soit avec deux ans d'avance, mais il nous faudra vaincre des difficultés industrielles, les installations existant en Italie et en Allemagne n'ayant pas la capacité de détruire l'ensemble du stock des États européens signataires de la convention d'Oslo, qui représente 120 000 roquettes.

Il nous paraît donc indispensable de créer une filière nationale. L'état-major des armées a été chargé de conduire une étude en ce sens. Les premières évaluations font apparaître qu'il faudrait un effort d'investissement de l'ordre de 30 à 35 millions d'euros hors taxes, dont 6 millions d'euros pour l'acquisition d'un incinérateur adapté aux futures normes environnementales. De tels investissements pourraient être amortis si nos partenaires de l'Union européenne ou de l'OTAN faisaient appel à ces capacités futures.

Enfin, le projet de loi propose un suivi rigoureux des stocks d'ASM. Il prévoit notamment d'étendre les compétences de la CNEMA au suivi de l'application du présent texte.

Soyez assurée, madame le rapporteur, que le Gouvernement se montrera particulièrement attentif aux conclusions de la CNEMA et mettra tout en oeuvre pour, le cas échéant, apporter les modifications réglementaires requises ou proposer au Parlement les modifications législatives nécessaires.

Déjà signataire de la convention d'Ottawa sur les mines antipersonnel, notre pays est fier de se situer aujourd'hui au premier rang des grands pays qui s'engagent contre les ASM. Avec ce projet de loi, nous pourrons contribuer plus efficacement à la lutte contre ce fléau. Nous disposons également d'un atout majeur pour convaincre nos partenaires de nous rejoindre dans ce combat.

Je vous remercie de faire en sorte que ce texte puisse être applicable dans les jours qui suivront l'entrée en vigueur de la convention d'Oslo, le 1er août prochain. Je crois que cet objectif est partagé sur tous les bancs de votre assemblée.

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