Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, la proposition de résolution soumise à notre examen cet après-midi se fixe pour objectifs de déterminer quels sont les acteurs qui spéculent contre les intérêts nationaux et européens, et d'identifier avec précision les méthodes utilisées, dans le but de donner au législateur les moyens de mieux les encadrer.
Nous ne pouvons bien sûr qu'approuver ces orientations et nous voterons donc sans hésitation en faveur de la présente résolution. Cette initiative appelle pourtant plusieurs remarques.
Elle met en particulier en relief le peu de pertinence des outils mis en oeuvre par le Gouvernement depuis le début de la crise financière. Deux ans après le début d'une crise dont la gravité est sans précédent depuis les années trente, deux ans après le début d'une crise qui a déjà coûté plusieurs centaines de milliards d'euros aux Français – entre le renflouement des banques et les plans de relance – et qui a détruit des centaines de milliers d'emplois, 680 000 exactement, force est de constater que les initiatives prises par le Gouvernement n'ont pas été à la hauteur des événements.
Ils sont bien loin aujourd'hui les prétendus engagements pris par M. Sarkozy, lors du meeting de Toulon, en septembre 2008 : « Une certaine idée de la mondialisation s'achève […] ou bien les professionnels se mettent d'accord sur des pratiques acceptables, ou bien nous réglerons le problème par la loi avant la fin de l'année ». Ils n'ont pourtant pas tremblé. Aujourd'hui, alors que les loups de la finance mordent la main que vous leur avez tendue et spéculent sur la dette des États, quel bilan les Français peuvent-ils tirer de votre action, madame la ministre ?
Ce qu'ils voient, ce que nous voyons, c'est l'annonce d'un plan d'austérité à la seule fin de rassurer les marchés, c'est l'annonce par les banques de profits colossaux tandis que notre économie est exsangue, c'est l'annonce de nouvelles restrictions des droits sociaux, à commencer par les retraites, afin de satisfaire aux attentes des agences de notation.
Vos discours sur la nécessaire moralisation du capitalisme ne sont depuis deux ans qu'un paravent destiné à camoufler maladroitement à l'opinion la réalité de vos intentions. Car vous n'avez en réalité oeuvré ces deux dernières années qu'à permettre aux acteurs financiers de se remettre à flot grâce à l'argent public et à leur ouvrir à nouveau toutes grandes les portes du casino.
À l'heure où deux millions de nos concitoyens manifestent contre la réforme des retraites injuste que vous tentez de leur imposer, il n'est pas inutile de rappeler une évidence : les mécanismes spéculatifs ne sont pas compatibles avec la logique redistributive qui fonde notre modèle social. Il n'est plus acceptable que les mécanismes spéculatifs accaparent une part sans cesse plus grande de la richesse créée, au détriment de l'économie réelle, de l'investissement et de l'emploi. En un peu plus de vingt ans, de 1983 à 2006, la part des salaires dans la valeur ajoutée a chuté en France de 9,3 %, soit l'équivalent de près de 100 milliards d'euros par an, au seul bénéfice de la sphère financière ; la part des dividendes versés aux actionnaires est passée de 3,2 % à 8,5 % du PIB, et de 5 % de la valeur ajoutée à près de 25 % ! Trois chiffres illustrent l'impossible coexistence du capitalisme financier avec le système de retraite par répartition que les Français défendent aujourd'hui dans la rue : entre 1993 et 2009, le volume des cotisations sociales a augmenté de 19 % tandis que le PIB – notamment en raison des gains de productivité – augmentait, lui, de 33 %, et que les revenus financiers des entreprises et des banques progressaient de… 143 % ! La part des produits financiers dans la valeur ajoutée des entreprises est désormais près de deux fois supérieure – 29 % contre 15 % – à celle de leurs cotisations sociales.
Évoquer dans le cadre de ce débat la réforme des retraites n'est donc pas hors sujet. Cette réforme est le signe que la crise financière n'a pas ôté au Gouvernement ses ornières idéologiques. La faiblesse des mesures proposées par le projet de loi sur la régulation bancaire et financière, débattu ici même il y a quinze jours, en est un autre témoignage.
En se proposant de rechercher les acteurs qui se livrent aux attaques spéculatives, comme dans le cas de la Grèce, d'analyser les méthodes employées et de déterminer le rôle des agences de notation dans les prises de position des fonds spéculatifs et des acteurs de marché, ou le rôle délétère de certains instruments et produits financiers, tels les CDS, nos collègues proposent de s'attaquer enfin à un vrai sujet, prenant à contre-pied les gesticulations gouvernementales. Nous appuyons donc sans réserve leur démarche.