Vous avez souligné que la France ne s'était pas engagée dans une réforme systémique. Je me permettrai un petit aparté sur la notion de réforme, car il est important de s'entendre sur les mots. Il y a encore une vingtaine d'années, le mot « réforme » avait une connotation positive : cela signifiait un changement en mieux. Aujourd'hui, quand on entend ce mot, il est compris comme un changement en pire. En l'occurrence, la « réforme » des retraites de 1993 a entraîné, comme je l'ai déjà indiqué, une baisse non négligeable du taux de remplacement, qui est passé de 80 % avant la réforme à 72 % actuellement et qui, selon le Conseil d'orientation des retraites, risque de chuter à 59 % en 2050, si l'on continue dans la même logique.
Je ne nie absolument pas la réalité démographique. Mais, il y a plusieurs façons de la prendre en compte. Quand le nombre de retraités augmente, soit on fait porter l'ajustement sur les retraités eux-mêmes – ils doivent travailler plus longtemps ou leur niveau de pension baisse, ou les deux –, soit on dote les régimes de retraite de ressources supplémentaires. La solution que nous proposons est la seconde. Je n'ai pas inventé les chiffres que j'ai cités, ce sont ceux du Conseil d'orientation des retraites. Je ne nie absolument pas le fait qu'il y ait des évolutions démographiques ; ce que je conteste, c'est la façon dont le Gouvernement y répond. Je me place dans le cadre d'un débat politique, et non dans celui de discussions sur l'évolution démographique.
Certes, l'espérance de vie en bonne santé augmente, mais les rapports de l'Institut national des études démographiques – INED – indiquent qu'elle est moitié moindre que l'espérance de vie tout court. Si votre espérance de vie à 60 ans est estimée à quinze ou dix-huit ans, cela signifie que vous pouvez espérer être en bonne santé la moitié de ce temps.
La démarche proposée par le Gouvernement pour prendre en compte la pénibilité est individuelle, médicalisée et fondée sur le handicap. Pour qu'une personne puisse bénéficier de la mention « pénibilité », il faut qu'elle ait 20 % d'incapacité. C'est une rupture avec la façon dont la pénibilité au travail était conçue jusqu'à présent car, celle-ci était attachée aux métiers exercés. On glisse de la notion de pénibilité au travail vers celle de handicap.