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Intervention de Alain Néri

Réunion du 23 juin 2010 à 11h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Néri, rapporteur :

Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui vise à ratifier le traité, signé le 18 octobre 2007 à Velsen, aux Pays-Bas, portant création d'une force de gendarmerie européenne (FGE). Les cinq Etats d'origine, la France, les Pays-Bas, l'Espagne, le Portugal et l'Italie, ont été rejoints, en 2008, par la Roumanie.

Le projet de créer une force de gendarmerie européenne est ancien. Proposé dans les conclusions de plusieurs conseils européens dès 2000, il a été formalisé une première fois en 2004, par la signature d'une déclaration d'intention ministérielle entre les cinq Etats fondateurs.

La volonté de mettre en commun des forces de gendarmerie, ou des unités apparentées, procède d'une analyse lucide des opérations militaires contemporaines. De plus en plus complexes, et étalées dans le temps, les missions demandées aujourd'hui aux armées mêlent des aspects proprement militaires, et des nécessités de maintien de l'ordre, ou de soutien à des forces de sécurité locales.

Les forces de police à statut militaire sont aptes à intervenir dès la fin des affrontements, et jusqu'à la reprise en main du territoire et de la sécurité des personnes par les autorités légitimes. Leur polyvalence en fait donc un atout clé notamment pour les opérations conduites sous l'égide d'organisations internationales.

C'est pourquoi, dès l'origine, la force de gendarmerie européenne a été conçue comme la mise en commun de capacités nationales au service d'organisation internationales, au premier rang desquelles figure l'Union européenne, mais qui peuvent être, également, l'ONU, l'OTAN, ou même une coalition spécifique.

Depuis 2004, la force de gendarmerie européenne, également appelée EUROGENDFOR, s'est progressivement mise en place. Elle est dotée d'un quartier général permanent et projetable, installé à Vicence, en Italie.

Comme la plupart des institutions militaires internationales, elle ne dispose pas de forces autonomes. Elle fait donc appel aux capacités des Etats membres pour effectuer les opérations décidées par le comité interministériel de haut niveau, son principal organe de décision.

A l'heure actuelle, l'EUROGENDFOR est censée pouvoir déployer 800 personnels en moins de 30 jours, et soutenir un total de 2300 personnes en opération. Ces chiffres restent toutefois un objectif théorique.

La force de gendarmerie européenne a dores et déjà participé à trois opérations.

En Bosnie-Herzégovine, elle déploie 124 personnels dans le cadre de l'opération Althéa, conduite par l'Union européenne.

En Afghanistan, ce sont 124 gendarmes français, sur un total de 276 personnels de l'EUROGENDFOR, qui participent à des missions de formation sous commandement de l'OTAN.

Enfin, à Haïti, la force de gendarmerie européenne a envoyé 270 personnels, dont 147 Français, pour participer à la mission des Nations Unies, la MINUSTAH.

Certaines des opérations déjà lancées ont souligné les difficultés que la force de gendarmerie européenne rencontre depuis l'origine. Dépendante des efforts consentis par les Etats, en l'absence de capacités logistiques propres, l'EUROGENDFOR a parfois dû retarder de plusieurs mois le déploiement de ses unités. Certains Etats ont renoncé à leur intention d'envoyer leurs personnels, en l'absence de capacités nationales adéquates pour assurer le soutien de leurs troupes sur place.

Par ailleurs, relevant uniquement d'une déclaration d'intention ministérielle, la force de gendarmerie européenne souffre d'une relative incertitude juridique concernant certains aspects de son activité. C'est précisément à cette question que la présente convention entend répondre.

Le traité du 18 octobre 2007 est parfaitement conforme aux principes de la déclaration d'intention de 2004, et reprend tous les éléments constitutifs de la force : quartier général permanent, recours aux capacités nationales en hommes et en moyens, disponibilité de la force pour les opérations menées par l'Union européenne, l'ONU, l'OTAN voire d'autres coalitions.

Le présent traité rappelle notamment que les seules charges communes sont celles occasionnées par l'entretien du quartier général, et sont réparties au prorata du nombre d'officiers détachés dans cette structure.

La France, qui a envoyé 4 officiers et 2 sous-officiers au quartier général qui compte 36 personnels militaires, finançait ainsi 53 des 266 000 euros nécessaires au fonctionnement de cette structure en 2009. Pour 2010, les chiffres prévisionnels sont de 292 000 euros pour le budget total, et 59 000 euros pour la part française.

Au-delà des stipulations tenant lieu de rappel de l'existant, le traité de 2007 apporte quelques précisions dans des domaines que la déclaration d'intention de 2004 ne couvrait qu'imparfaitement.

Ainsi, le statut des personnels détachés au quartier général de la force est détaillé. Il est proche des standards applicables dans le cadre d'accords de siège d'organisations internationales. La spécificité des activités militaires conduit à ajouter quelques stipulations relatives au port d'armes et de l'uniforme.

Les éventuels dommages causés dans le cadre des opérations ou exercices de la force de gendarmerie européenne sont soumis à des règles de responsabilité particulières, qui prévoient notamment une charge collective dans les cas où le dommage ne serait pas imputable à une faute grave ou une négligence d'un personnel.

Enfin, si la force de gendarmerie européenne bénéficie de la personnalité juridique interne, elle n'est pas dotée de pouvoirs juridiques internationaux, et ne peut donc pas passer d'accords directement avec les organisations internationales requérant ses capacités, ou avec les Etats au sein desquels les opérations sont menées.

Les décisions stratégiques ne peuvent être prises que par le comité interministériel, qui se prononce à l'unanimité, et choisit seul d'intégrer des unités de l'EUROGENDFOR à une opération.

Le traité portant création d'une force de gendarmerie européenne apparaît donc comme la formalisation d'une initiative originale et positive.

Originale, car elle permet de mettre en commun des capacités militaires au service, notamment, de l'Union européenne, tout en préservant l'entière liberté de décision des Etats qui y participent.

Positive, car elle permet de valoriser le modèle de forces de police à statut militaire, dont la gendarmerie française est un des principaux exemples, alors même que l'utilité de ce type d'unités est sans cesse soulignée dans les opérations militaires contemporaines.

Déjà, deux Etats, la Pologne et la Lituanie, se sont vues octroyer le statut d'observateur au sein de l'EUROGENDFOR, et ont entrepris le rapprochement de certaines de leurs forces de police des standards pratiqués par les pays membres de la force.

Parce qu'il valorise un domaine d'excellence française, et qu'il renforce les capacités européennes dans un secteur clé pour la résolution des conflits contemporains, je ne peux que me prononcer en faveur de la ratification du présent traité.

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