Écoutant les parlementaires, j'observe que les lignes bougent. Je relève une certaine unité de vue sur l'autonomie des établissements, sur l'idée de personnalisation, sur celle du recrutement sur profil et sur la place à faire au volontariat. Mais, le diable se cachant souvent dans les détails, la consistance précise des mesures soulève un certain nombre de désaccords.
Monsieur Couanau, vous avez raison de dire qu'il faut combattre très tôt l'échec scolaire. C'est pourquoi j'ai décidé de lancer un plan de lutte contre l'illettrisme dès la maternelle et de nommer cent inspecteurs de l'éducation nationale en école maternelle qui travailleront sur ce thème, sur la préparation à la lecture et sur les techniques de mémorisation : la connaissance du vocabulaire à l'entrée en cours préparatoire est effectivement discriminante pour l'apprentissage de la lecture.
La diversification de l'allocation des moyens paraît insuffisante à plusieurs d'entre vous, observant que l'écart entre l'éducation prioritaire et le reste du système scolaire n'est que de deux élèves par classe – 23,9 élèves ici, 21,7 là. Mais il faut se méfier des moyennes pour un système qui compte 55 000 écoles, 8 000 collèges et 4 000 lycées. Il existe 2 000 classes de moins de 15 élèves et 11 000 de moins de 19 élèves. L'effectif moyen par classe n'a pas grande signification. Au lycée Janson de Sailly, les classes comptent de 30 à 35 élèves. Il en va de même dans les grands lycées parisiens, où l'homogénéité des élèves fait que leurs résultats sont néanmoins bons. Mais dans d'autres zones, les élèves sont 24 ou 25 par classe alors qu'il faudrait descendre à 19 ou à 20. D'autre part, les moyens alloués au réseau « Ambition réussite » ne se limitent pas à un moindre effectif des classes : s'y ajoutent des indemnités spécifiques pour les équipes éducatives, des crédits pédagogiques spéciaux et le dispositif « école ouverte », qui permet d'accueillir les jeunes en dehors du temps scolaire. Le coût supplémentaire total de l'éducation prioritaire s'élève ainsi à 20, 2 milliards d'euros.
Les évaluations existent, réalisées par l'inspection générale de l'Éducation nationale et par l'administration du ministère, qui font preuve de beaucoup de créativité en la matière. La direction des Études et de la prospective accomplit également un travail remarquable dans ce domaine. Lorsque nous avons préparé la réforme du lycée, nous avons évalué les expérimentations déjà menées et examiné quelles initiatives nous pouvions étendre : c'est ainsi qu'ont été généralisés l'accompagnement personnalisé ou les groupes de compétences pour l'enseignement des langues.
Le montant de la dépense d'éducation que mentionne la Cour des comptes n'intègre pas les engagements des collectivités territoriales dans les investissements. L'État n'est pas le seul à intervenir, en effet. L'effort total des collectivités publiques atteint 6,3 à 6,5 % du produit intérieur brut, supérieur à la moyenne des pays de l'OCDE.
Le premier budget de l'État, finançant la moitié des fonctionnaires de France, ne saurait s'exonérer des efforts de maîtrise des dépenses publiques que vous nous demandez à juste titre. Aujourd'hui, nous comptons moins d'élèves dans le système éducatif et davantage d'enseignants qu'il y a quinze ans. Nous ne nous situons donc pas dans une logique de gestion de la pénurie des moyens, mais dans une logique d'optimisation de leur répartition.
L'assouplissement de la carte scolaire, évoquée notamment par M. Yves Durand, n'est pas sa suppression. Nous avons seulement augmenté le nombre de critères de dérogation. L'assouplissement a permis de prendre en compte des situations particulières d'élèves boursiers, d'élèves handicapés ou suivant des parcours scolaires atypiques. Les dérogations ont augmenté de 10 % l'année dernière. Un rapport exhaustif devrait m'être remis sur le sujet avant que je vous propose de nouvelles mesures en la matière. L'évaluation déjà réalisée montre que, dans le réseau « Ambition réussite », une majorité d'établissements a connu une baisse du nombre d'élèves mais que 20 % d'entre eux ont, au contraire, enregistré une augmentation. L'assouplissement ne joue donc pas à sens unique. En outre, j'ai décidé de ne pas diminuer les moyens des collèges qui perdent des élèves, afin de préserver tous les instruments de l'éducation prioritaire. Je reviendrai donc vers vous lorsque je disposerai d'un bilan approfondi. Le dispositif CLAIR, qui sera expérimenté à la rentrée, permet d'aller vers une plus grande autonomie de ces établissements et d'améliorer le recrutement des équipes pédagogiques.
De l'intervention de M. Breton en faveur d'un rééquilibrage entre les enseignements primaire et secondaire, je retiens l'idée d'une collaboration plus étroite entre collège et lycée, comme cela se pratique déjà dans le réseau « Ambition réussite ». Mais nous pouvons aller plus loin. C'est l'une des pistes qu'explore votre collègue M. Frédéric Reiss, dans le cadre de la mission qui lui a été confiée sur le statut des écoles maternelles et élémentaires, et qui pourrait déboucher sur une fongibilité des moyens entre le premier et le second degré.
La réforme de 2008 prévoit que, lorsque les résultats de leur évaluation ne sont pas satisfaisants, on accorde un traitement spécifique aux élèves de CE1 et de CM2. Les parents en sont informés individuellement. Cette politique devrait se traduire par l'allocation de moyens supplémentaires aux établissements concernés, dans la mesure où, grâce à ces évaluations annuelles, nous pouvons disposer d'indicateurs quantifiés et périodiquement remis à jour.
L'amélioration du système des remplacements devrait, je l'ai dit, se traduire par une plus forte réactivité, par un assouplissement des règles et par le recours à des volants de contractuels supplémentaires.
M. Patrick Roy a rappelé qu'il était l'élu d'un secteur en grande difficulté. L'Éducation nationale y travaille à un projet d'établissement de réinsertion scolaire, auquel il pourrait être associé.
La réforme des programmes d'histoire suscite des inquiétudes. Je conteste l'idée d'un traitement politique des programmes, en particulier de ceux d'histoire. Ce serait faire peu de cas du professionnalisme des inspecteurs généraux de l'Éducation nationale et des experts qui sont chargés de leur détermination. J'observe d'ailleurs avec satisfaction qu'Aragon était à l'honneur cette semaine, dans les épreuves du bac de français, et que cela a fait couler moins d'encre que l'inscription de l'oeuvre du général de Gaulle au programme de la terminale littéraire.
M. Jacques Grosperrin a évoqué les expérimentations, notamment sur le socle commun du primaire et du secondaire. Je pense lui avoir répondu en parlant du rapprochement entre écoles et collèges.
Le problème posé par les enseignants précaires fait l'objet d'un groupe de travail avec les organisations syndicales, afin d'identifier l'ensemble des difficultés et de leur apporter des solutions. Il faut aussi savoir que, depuis vingt ans, la résorption de la précarité dans l'Éducation nationale a été plus rapide que dans de nombreux autres corps de l'État. Mais pour certains types de métiers et de catégories de professeurs, notamment certaines spécialisations pointues en lycée professionnel, la titularisation systématique n'est pas souhaitable. Certains d'ailleurs ne la désirent pas, exerçant souvent des fonctions en dehors de l'Éducation nationale. L'administration doit aussi conserver une certaine souplesse dans ce domaine. Mises à part ces situations très spécifiques, nous engageons un traitement au cas par cas, préférable à une titularisation globale, afin de continuer de résorber la précarité.
Je suis d'accord avec Mme Aurélie Filippetti sur quelques grands principes. Mais votre courant de pensée a défendu longtemps un système égalitaire, aujourd'hui remis en cause par la Cour des comptes comme par nous-mêmes. Je ne peux vous laisser dire – et cela ne figure pas dans le rapport de la Cour – que l'accès à l'accompagnement éducatif serait plus difficile pour les élèves qui éprouvent les plus grandes difficultés. Au contraire. Nous avons commencé cet accompagnement par l'éducation prioritaire, en le mettant d'abord en place exclusivement dans le réseau « Ambition réussite ». Puis nous avons étendu l'aide personnalisée de deux heures à tous les établissements de France. L'accompagnement personnalisé, qui sera en place dans les lycées à la rentrée prochaine, bénéficiera à tous les élèves de toutes les classes de tous les établissements secondaires.
Madame Boulestin, les évaluations internes ont été utilisées pour mettre en place des réformes. Le livret personnel de compétences sera généralisé et rendu obligatoire à la rentrée prochaine. Le socle commun de connaissances et de compétences sera évalué au niveau du brevet, à la même date.
Le système d'orientation doit, en effet, être mieux maîtrisé. C'est pourquoi la réforme du lycée institue une orientation beaucoup plus progressive et réversible, comportant des modes d'accompagnement comme le tutorat ainsi que des passerelles entre filières relevant du lycée général comme du lycée professionnel. Les élèves doivent désormais effectuer leur parcours de manière active, et ne plus subir leur orientation. La loi sur la formation professionnelle adoptée à l'automne dernier prévoit aussi une réorganisation et une meilleure coordination des dispositifs d'orientation. En effet, sont également concernés les ministères chargés de l'emploi et de la jeunesse. Demain, en Conseil des ministres, un nouveau délégué interministériel à l'orientation sera nommé avec pour mission de mieux articuler les différents dispositifs.
Mme Martine Faure a rappelé que la réussite se préparait très tôt. En France, l'école est obligatoire de six à seize ans. La règle générale est cependant l'accueil à l'âge de trois ans. Les lois Fillon et Jospin ont rappelé que, pour l'accueil des enfants de deux ans, on devait donner la priorité aux établissements des réseaux prioritaires et des zones rurales en difficulté. Telle est la pratique actuelle : dans les départements ruraux, la scolarisation des enfants de deux ans est supérieure à la moyenne nationale.
S'agissant du nombre d'élèves par classe, nous devons porter une appréciation prudente : les études effectuées sur le sujet divergent profondément. Ce qui importe surtout, ce n'est pas la moyenne, mais le traitement des écarts pouvant exister et le degré d'homogénéité des groupes d'élèves.
Madame Imbert, dans le cadre du plan de relance, 8 700 écoles, notamment en zone rurale, ont été équipées d'un tableau blanc interactif et d'un chariot pour ordinateurs portables connectés à Internet. Je prépare, en liaison avec les collectivités territoriales à qui appartient cette compétence, un plan numérique pour l'école qui sera en partie financé grâce à des redéploiements budgétaires internes. Il comprendra un volet « équipement » et, ce qui est plus important, un volet « ressource pédagogique » car celle-ci est aujourd'hui insuffisante. Or elle pourrait apporter beaucoup de liberté et d'autonomie aux enseignants. D'autre part, l'équipement ne sert à rien sans formation aux techniques numériques. Nous travaillons donc sur ces deux volets.
M. Régis Juanico a souhaité qu'on encourage le volontariat des personnels d'encadrement, notamment des chefs d'établissements. J'ai lancé la politique du pacte de carrière consistant en une révision totale de la gestion des ressources humaines, aussi bien pour les personnels enseignants que non enseignants. Elle vise à obtenir une meilleure formation, une amélioration des perspectives d'évolution individuelle, des entretiens d'évaluation et donc un accompagnement personnalisé également pour les professeurs.
Le sport à l'école fera, à la rentrée, dans cent collèges et lycées, l'objet d'une expérimentation de temps scolaire différencié pour une éducation physique et sportive l'après-midi, assurée par des professeurs d'éducation physique, à raison de trois heures par semaine dans le cadre de l'Union nationale du sport scolaire (UNSS) et de leurs obligations de service, et avec la participation d'éducateurs relevant de fédérations collaborant pour cela avec l'Éducation nationale.
Enfin, il est vrai, monsieur Durand, que la loi n'est pas parfaitement respectée en ce qui concerne les cycles, mais nous avons choisi une approche d'individualisation et de traitement différencié qui devrait vous satisfaire.