En vous écoutant, monsieur le ministre, j'avais l'impression de ne pas avoir lu le même rapport de la Cour des comptes que vous. Ce rapport montre en effet que la France est l'un des pays où le destin social des élèves est le plus inscrit dans celui de leurs parents, où le déterminisme scolaire est le plus prégnant. En face de cette situation, la Cour estime qu'à budget constant, assurer la réussite de tous les élèves exige de redéployer les moyens de façon différenciée afin que les plus défavorisés, socialement et financièrement, ne soient plus ceux à qui l'école en alloue le moins.
Nous sommes bien sûr d'accord avec les notions de personnalisation et d'autonomie, mais nous regrettons qu'on reste dans une logique d'allocation uniforme des moyens, logique dont la Cour a dénoncé l'inefficacité. Nous devons aujourd'hui donner la priorité aux élèves le plus en difficultés afin de lutter contre l'échec scolaire et pour l'égalité des chances. Or, dans les zones d'éducation prioritaire, on sait que la diminution de seulement deux élèves par classe est insuffisante pour produire des résultats positifs. Quelle allocation différente des moyens allez-vous donc proposer pour vous conformer aux recommandations de la Cour ?
L'accompagnement personnalisé des élèves, dit encore la Cour, bénéficie peu à ceux qui en ont le plus besoin. Cela devrait conduire, comme le soulignait René Couanau, à s'interroger sur l'organisation du ministère et sur les méthodes d'évaluation des politiques menées. Comment allez-vous améliorer l'évaluation en euros plutôt qu'en heures, en dotations horaires ou en postes ? Elle permettrait de savoir enfin combien coûte à la collectivité telle politique, et de juger de son efficacité au regard des moyens financiers mis en oeuvre. Elle permettrait aussi de déterminer quelles sommes sont consacrées aux élèves selon qu'ils se situent ou non dans des zones en difficulté. La priorité, je le répète, doit aller aux premiers afin de rompre franchement avec un système élitiste qui exclut les plus défavorisés. Et cette exclusion est redoublée du fait qu'ils se sentent responsables de leur sort, dans une société où l'on vit dans la croyance à la méritocratie républicaine et à l'égalité par l'école. Comment rendre cette égalité réelle ?