Influencé par la façon dont la presse en avait rendu compte, je m'attendais à découvrir dans le rapport de la Cour des comptes une approche purement quantitative, assortie de l'affirmation selon laquelle l'Éducation nationale disposerait déjà de tous les moyens de bien fonctionner. J'ai, au contraire, trouvé dans ce rapport une approche qualitative qui m'a fortement intéressé. Certes, cette réflexion ne se déploie pas exactement sur la même échelle temporelle que l'action du ministère, mais elle appelle à des décisions dans lesquelles les vôtres doivent s'inscrire.
Or, ce qu'il y a de profondément nouveau dans ce rapport – et dont j'avais l'intuition -, c'est l'affirmation selon laquelle toutes les réformes engagées, telles que l'accompagnement personnalisé, ne peuvent réussir que si on pose le problème de l'organisation de l'ensemble du système scolaire. De fait, depuis vingt-cinq ans, nous multiplions les mesures en faveur des élèves en difficulté pour constater au bout du compte que l'échec social et éducatif est patent ! Comme l'indiquait M. Attali, nous sommes confrontés à un paradoxe : alors que notre système éducatif continue de bénéficier d'une image performante en Europe, nous enregistrons toujours le même taux d'échec scolaire, dans les mêmes milieux et pour les mêmes raisons. La Cour a donc toute raison de nous inciter à revoir l'organisation du système, à nous interroger sur la pertinence du raisonnement par classe, par filière et par niveau, sur l'intérêt du redoublement et sur bien d'autres points encore.
Jamais jusqu'ici, un rapport de la Cour des Comptes n'avait aussi nettement souligné que l'origine de l'échec scolaire se situait dès l'école primaire et, plus précisément, à l'articulation entre la maternelle et le primaire. Le retard se résorbe ensuite difficilement, en dépit de toutes les mesures d'accompagnement. Il se maintiendrait plutôt. La Cour recommande donc de diversifier l'allocation des moyens, en favorisant l'école maternelle et primaire. Or nous continuons de raisonner en termes d'effectifs, de nombre de classes, et non en fonction de considérations territoriales, école par école. Il y a là un point capital sur lequel doit porter la réflexion politique. Il ne s'agit pas de détourner vers l'école primaire des moyens en les enlevant aux autres cycles, mais de prendre conscience que la réduction des échecs se joue à ce niveau.
Les observateurs du système scolaire notent qu'il n'y a pas d'évaluation réelle des dispositifs mis en place, non plus que de suivi des élèves, qui permettrait, sur une cohorte, d'apprécier l'efficacité des différentes mesures prises pour accompagner, diversifier, etc. Le passage au collège représente pratiquement un recommencement à zéro : s'il y a bien une évaluation, elle n'a aucune continuité alors qu'elle devrait se faire tout au long du parcours scolaire.
Je prendrai deux exemples.
On considère généralement comme de peu d'intérêt la scolarisation avant l'âge de trois ans, ce dont on tire une règle de gestion. Pourtant, aucun rapport n'a jamais mis en évidence les méfaits, non plus d'ailleurs que les bienfaits, d'une telle scolarisation précoce, au moins pour certains enfants. Ceux-ci restent donc en crèche, où ils occupent des places dont d'autres auraient besoin. Les avantages en termes de gestion auront ainsi fait oublier la nécessité d'évaluer.
J'ai participé, il y a longtemps, à la création du système d'accompagnement des enfants connaissant des difficultés scolaires. Le personnel affecté à cette mission a certes parfois rencontré des échecs, mais on en vient à supprimer progressivement ces dispositifs sans jamais en avoir évalué précisément l'efficacité.
Je serais donc d'avis de disposer d'une évaluation permanente des dispositifs mis en place dans l'Éducation nationale.