…aurait laissé un temps de négociation obligatoire entre les partenaires sociaux au lieu d'une simple concertation sur le seul projet du Gouvernement.
Le constat que, nonobstant les dispositions de l'article L. l, il subsistait un angle mort permettant de s'exonérer de cette obligation n'est pas une simple analyse juridique théorique.
Nous avons constaté que, depuis l'adoption de la loi du 31 janvier 2007, des initiatives majeures touchant au droit du travail avaient emprunté le chemin de la proposition de loi. Ce fut principalement le cas de la proposition de loi portant extension du travail le dimanche, ou de celle relative au maintien et à la création d'emplois, adoptée en première lecture par notre assemblée le 9 juin 2009.
Ces propositions, déposées par des députés de la majorité et soutenues par le Gouvernement, auraient pu faire l'objet d'une concertation préalable entre les partenaires sociaux, même s'il n'existait aucune obligation légale. Je suis certain que l'attachement de la majorité et du Gouvernement à l'idée de la négociation préalable ne dépend pas de son inscription dans le code. Cette conviction aurait normalement dû vous conduire, chers collègues, à engager ces négociations, même dans le cas d'une proposition de loi.
Or force est de constater que ce ne fut pas le cas et que ces initiatives, en l'absence de négociation préalable, furent marquées, à tort ou à raison, par la suspicion du choix d'une initiative parlementaire pour contourner, de fait, les dispositions de l'article L 1.
Pourtant, la procédure expérimentale engagée par la présidence de l'Assemblée nationale et les débats devant la commission des lois et la commission des affaires sociales semblent révéler qu'il existe un consensus sur l'objectif affiché par le groupe SRC. L'extension aux propositions de loi de l'obligation préalable de négociation répond à une exigence de loyauté envers les partenaires sociaux. Naturellement, sur les propositions de loi demain, comme sur les projets de loi aujourd'hui, il n'existe aucune contrainte qui impose au législateur de devenir une chambre d'enregistrement des accords entre partenaires sociaux. Nous ne sommes pas favorables à une telle évolution qui supposerait au surplus une modification constitutionnelle.
Mais l'enseignement que peuvent tirer tous les gouvernements de la pratique du pouvoir est que cette négociation préalable peut aboutir à un compromis social, source d'apaisement et parfois d'innovation, qui enrichit le débat politique.
Comment ne pas évoquer la crise politique et sociale engendrée par le projet créant un contrat de travail spécifique pour les jeunes, le CPE ? Cette loyauté vis-à-vis des partenaires sociaux n'est d'ailleurs pas seulement une question de pratique, elle a aussi un contenu juridique. Dans sa décision du 7 août 2008 portant sur la rénovation de la démocratie sociale et la réforme du temps de travail, le Conseil constitutionnel a utilement rappelé le huitième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 qui dispose : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail. »
Au vu de cet article et des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le Conseil constitutionnel a censuré la disposition de la loi qui prétendait écarter d'un trait de plume les accords collectifs préexistants sur le temps de travail. Notre proposition de loi s'inscrit dans la démarche issue de la loi du 31 janvier 2007. Il s'agit seulement d'exclure la tentation ou d'éviter la suspicion d'utilisation de la procédure parlementaire pour contourner les dispositions de l'article L. l du code du travail.
Si, comme je le pense, nous sommes d'accord sur l'objectif politique, la déclinaison rédactionnelle de cet objectif partagé n'est pas pour nous un obstacle et il serait dès lors incompréhensible que nous ne parvenions pas à un accord.
Pour conclure, je rappellerai qu'il n'y a pas de démocratie sociale sans syndicats. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)