Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui a pour objet de permettre à l'ensemble des établissements de spectacle cinématographique français de se doter des outils permettant la projection de films sous format numérique. Un tiers des salles est déjà équipé, les distributeurs ayant signé avec leurs exploitants des contrats leur permettant de financer leur équipement numérique par l'intermédiaire d'une « contribution numérique ». Or l'Autorité de la concurrence a remis en cause ce modèle de financement du CNC, fondé sur la mutualisation des redevances de copies virtuelles et des coûts d'équipement de salles. Aussi est-il nécessaire d'assurer aux exploitants dans l'impossibilité de changer leur équipement, et aux producteurs, un cadre juridique stable et sécurisé.
La proposition de loi, en créant une contribution obligatoire pour la numérisation des salles de cinéma, s'adresse donc aux salles de notre pays restant à numériser. Il est utile de préciser que les très petites salles et les salles associatives, qui représentent un tiers des salles, ne peuvent pas bénéficier de la contribution numérique. Le texte s'attache donc également à préserver des salles de cinéma sur tout le territoire, notamment dans les zones plus rurales, et à autoriser l'accès à une grande diversité de films.
Je veux saluer le travail du rapporteur de cette proposition de loi, Michel Herbillon, qui a su rapidement mettre en oeuvre un programme d'auditions de l'ensemble des acteurs concernés. Je veux également souligner l'engagement de mes collègues Marcel Rogemont et Martine Martinel, qui ont suivi ce texte et ont permis d'aboutir à une proposition susceptible de recueillir un meilleur consensus.
Grâce aux auditions, à une action collective et à un important travail d'amendement, le texte soumis au départ a été considérablement amélioré. Il met bien en évidence la particularité de notre système d'aide au cinéma, auquel nous sommes tous attachés et qui est de tempérer la loi du marché par des garde-fous publics.
La proposition de loi visant à garantir l'aide à l'équipement de nos salles obscures marque ainsi le souhait de pérenniser notre système d'aide publique et de lui voir jouer un rôle dans cette étape technologique de l'histoire du cinéma qu'est le passage au numérique. Comme cela a déjà été souligné, la numérisation des salles est inéluctable et participe de cette amélioration technologique perpétuelle propre à l'histoire du cinéma, depuis l'arrivée du parlant jusqu'à la 3D.
Bien entendu, l'histoire du cinéma n'est pas réductible à ces mutations technologiques. C'est bien là tout le paradoxe de cet art, qui a su à la fois tutoyer les plus grandes oeuvres créées par l'esprit humain et rester, pour une partie de sa production, un divertissement proche de celui qu'il fut à sa naissance, un divertissement de fête foraine. Aujourd'hui, toutefois, la numérisation constitue essentiellement un progrès technologique qui touche non pas à ce qui est gravé sur le support, mais au support lui-même, et qui consiste dans le passage de la copie argentique à la copie numérique.
Il conviendra de s'assurer qu'avec le temps, les copies numérisées se dégradent moins que les copies argentiques. Pour le moment, nous ne disposons pas du recul suffisant pour l'affirmer totalement.
En tout état de cause, cette mutation sera, à terme, moins coûteuse pour les distributeurs de films. C'est la raison pour laquelle ils sont les principaux acteurs mis à contribution par cette loi, qui induira toutefois, dans un premier temps, des coûts supplémentaires, puisqu'il faudra réaliser des copies de films sur les deux supports.
Il convient également de poser des limites dans le temps. C'est la raison pour laquelle un délai a été fixé dans lequel l'aide financière pour la mutation technologique des salles devra être apportée. La contribution à la copie virtuelle, qui intéresse principalement les salles ayant accès aux sorties nationales, a été étendue aux salles dites de continuation qui reprennent la diffusion d'un film plusieurs semaines après sa sortie. Ainsi, les acteurs de la diversité culturelle que sont les salles de continuation seront aussi aidés et la variété de notre parc cinématographique sera préservée.
Il est de notre intérêt de préserver le cinéma français et sa diffusion, un cinéma financé par la France. Je pense, monsieur le ministre, que nous avons tous à coeur de nous retrouver sur ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)