Pendant longtemps, les contrats de long terme ont permis de compenser, de cacher et de favoriser.
Le dispositif issu de 1946 a bénéficié durant plusieurs années à de grandes filières industrielles françaises. Elles en ont tiré profit, et cela se poursuit aujourd'hui, même si depuis les années 1980, le libéralisme a beaucoup bousculé les choses.
La libéralisation du secteur énergétique, engagée depuis quelques années, va avoir une conséquence : les prix augmenteront. L'avantage compétitif qui existait jusque-là risque d'être alors un peu, voire beaucoup, atténué.
Comme tous mes collègues, je suis attaché à la péréquation. Je suis Breton d'origine, même si j'ai quitté depuis longtemps cette belle province pour en rejoindre une autre, tout aussi belle mais un peu différente. En Normandie, nous ne manquons pas d'électricité : nous avons Flamanville, Paluel, Penly, la centrale thermique du Havre, et quelques autres installations productrices d'énergies renouvelables. Nous sommes largement autosuffisants. Dans la logique de ceux qui demandent la fin de la péréquation, nous pourrions donc bénéficier de l'électricité gratuitement (Sourires), ne serait-ce que pour compenser les « nuisances » liées à un développement industriel de cette nature.
Cela dit, au centre de la Normandie, il y a aussi la Basse Seine, première région pour la capacité de raffinage – 40 % des capacités nationales – : que je sache, l'essence n'est pas moins chère au Havre, malgré la proximité de la raffinerie de Gonfreville, qu'au milieu du Massif Central.
Le problème est grave car nos industries les plus éléctro-intensives subissent une perte de compétitivité. En fait, avec cet amendement, les libéraux, qui tiennent les rênes depuis un moment, cherchent à compenser la perte de compétitivité liée à l'introduction de la concurrence dans un secteur qui ne vit pas bien cette évolution, comme le montre l'augmentation des prix qui en résulte.
Sans faire de propositions directes à ce sujet, j'observe qu'un certain nombre de groupes cherchent à investir dans des capacités de production. Pour le moment, ce n'est pas pour les exploiter eux-mêmes. Par exemple, l'EPR de Penly bénéficie actuellement de financements sous la forme d'investissements, dont une partie proviendrait de groupes privés. Ainsi, j'ai lu dans la presse – M. le ministre d'État nous le confirmera peut-être – qu'une structure juridique avait été constituée en vue de la construction de cet EPR – si le projet va à son terme, évidemment –, structure qui regroupe différents partenaires, publics et privés, dont Total.
On peut comprendre que cette entreprise participe au projet d'EPR, puisque, sachant qu'elle sera confrontée dans quelques années à la fin du pétrole, elle cherche probablement à se diversifier. Elle a de l'argent et souhaite donc investir en vue de devenir, un jour, un fournisseur d'électricité nucléaire. Mais Total a également besoin de grandes quantités d'hydrogène pour son raffinage, et une centrale nucléaire peut lui apporter beaucoup à cet égard. Peut-être ce type d'investissement permet-il également à un grand groupe comme celui-là d'avoir une lisibilité à long terme et de bénéficier d'une tarification adaptée. Toujours est-il que des pistes de cette nature sont à explorer, pourvu que la maîtrise et la gestion de l'opération restent entre les mains de l'opérateur public. Je ne dis pas que c'est la solution – il faut être très méfiant vis-à-vis de ce type d'évolution –, mais il faut que nous puissions trouver de nouvelles modalités permettant de sauvegarder une industrie qui, parce qu'elle est à la recherche de profits rapides et maximaux, pourrait être tentée de s'expatrier.
Je terminerai en disant que la réflexion que nous engageons, et qui mérite d'être poursuivie, devra également être menée à l'échelle européenne et être étendue à l'ensemble du territoire communautaire dans la mesure où il s'agit d'une industrie de réseau. C'est pourquoi j'avais proposé notamment, lors de la discussion générale, la mise en oeuvre d'une politique européenne en matière énergétique, de façon à ce que l'ensemble du continent européen aille dans le bon sens.