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Intervention de Daniel Paul

Réunion du 9 juin 2010 à 21h30
Marché de l'électricité — Article 4, amendement 124

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Paul :

La question de l'évolution des tarifs n'est pas traitée directement dans le texte, pourtant elle est essentielle. Des documents de la CRE font état d'une forte hausse des tarifs consécutive à l'adoption de ce projet de loi : 11,4 % en 2010 puis 3,5 % par an jusqu'en 2025 pour les particuliers ; 14,8 % cette année puis 3,7 % par an pour les entreprises.

Bien évidemment, le ministère de l'énergie a publié un démenti dont il faut reconnaître qu'il n'est pas très convaincant. Il rappelle que « le projet de loi NOME ne traite pas du niveau des tarifs de l'électricité mais organise les rapports entre les fournisseurs d'électricité ». C'est vrai, et c'est justement le problème puisqu'il pose les principes d'une nouvelle organisation du marché de l'électricité visant à garantir la contestabilité du marché. Pensez-vous sérieusement que Bruxelles acceptera que les tarifs réglementés soient inférieurs au prix de l'ARENH ? Trop faible, ce dernier ne permettra pas à EDF d'entretenir et de renouveler son parc de production ; trop élevé, les tarifs réglementés suivront et les consommateurs paieront la facture.

Par ailleurs, je rappelle la volonté exprimée par un certain nombre de concurrents, que j'ai déjà cités cet après-midi. M. Mestrallet lui-même a indiqué que la loi doit garantir des conditions de l'accès régulé à la base d'EDF identiques dès le départ au coût de la base pris en compte dans le calcul des tarifs réglementés. Le respect de ce principe est la condition indispensable pour que les clients particuliers bénéficient pleinement de la nouvelle organisation du marché de l'électricité. Il est clair que les concurrents d'EDF n'accepteront pas la dualité que vous voulez instaurer pour quelques années. Cela risque d'aboutir sur un bureau à Bruxelles, avec toutes les conséquences que l'on sait.

Monsieur le ministre, vous dites également que « le projet de loi NOME pérennise les tarifs réglementés pour tous les ménages et petits consommateurs ». Ce n'est pas tout à fait l'avis de M. Mestrallet, en tout cas pas son souhait. Du reste, que cela soit inscrit dans le texte n'implique pas que les tarifs réglementés seront maintenus à leur niveau actuel. On peut très bien les augmenter de façon importante. Qu'ils soient réglementés ou régulés n'implique pas qu'ils restent à des niveaux suffisamment bas.

Le Gouvernement, dites-vous également, est responsable de la définition des tarifs réglementés. Mais ce n'est qu'à titre transitoire puisque vous avez introduit dans le texte de loi une clause prévoyant le transfert de cette responsabilité à la CRE sous cinq ans. Que se passera-t-il après ? La CRE pourrait très bien se laisser aller à une augmentation inconsidérée.

Les tarifs réglementés, dites-vous encore, continueront, comme ils l'ont toujours été, à être fixés dans une logique industrielle et économique, c'est-à-dire refléteront de façon responsable l'évolution des charges et des investissements du système électrique français. Mais quelle sera l'évolution des charges dans la mesure où on offre à bas prix l'accès à l'ARENH sans contraindre les opérateurs à investir plus dans les capacités de production ?

Le parc de production électrique est le plus compétitif d'Europe. C'est vrai, grâce à la maîtrise publique du secteur et aux choix opérés par EDF depuis plusieurs décennies. Mais demain ? Si l'autorité de sûreté nucléaire décide de prolonger la durée de vie des réacteurs nucléaires, ce qui coûtera, selon M. Proglio, 600 millions d'euros par réacteur, soit 35 milliards d'euros pour les cinquante-huit réacteurs, comment sera payée cette facture ? Si c'est par emprunt, qui va apporter sa garantie, si le soutien de l'État constitue une aide déguisée, avec le risque que cela comporte ? Rappelons-nous ce qui vient de se passer avec la SNCF.

D'ailleurs, notre collègue Jean-Claude Lenoir a qualifié de réaliste le scénario de hausse annuelle des tarifs de l'électricité pour les particuliers et le minimum de 4 % pour les industriels et commerciaux d'ici à 2015. Je vous renvoie à vos déclarations, monsieur le rapporteur. Les Français sont attachés au service public de l'électricité, tout comme ils le sont au tarif régulé, un tarif qui permet de couvrir les coûts d'exploitation, de maintenance, de modernisation et de démantèlement des réacteurs nucléaires et la gestion des déchets, pas un tarif qui permet même une rémunération normale. C'est la première fois que l'on voit cela dans un texte de loi.

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