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Intervention de Ghyslaine Richard

Réunion du 1er juin 2010 à 14h00
Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Ghyslaine Richard, membre de la commission exécutive confédérale de la CGT :

S'il est vrai que l'on parle peu des femmes, notre centrale traite pour sa part de la problématique de leur retraite, mais peut-être ne nous entend-on pas assez…

En effet, les inégalités que l'on constate en matière de retraite sont le fruit des inégalités tout au long de la carrière.

On oublie trop souvent, y compris dans les travaux du COR, de parler spécifiquement du taux d'activité des femmes, qui est plus faible que celui des hommes, la crise n'incitant guère à penser que la situation pourrait s'améliorer, tant le temps partiel prévaut aujourd'hui pour les femmes.

On sait bien par ailleurs que les interruptions d'activité liées aux enfants concernent avant tout les mères : 1,5 % des pères seulement cessent ou réduisent leur activité au moment de la naissance.

Les femmes sont en outre plus frappées par le chômage que les hommes. En 2007, le taux de chômage des femmes âgées de 25 à 49 ans était encore supérieur de 1,5 point à celui des hommes. Si les hommes jeunes sont aujourd'hui plus frappés que les femmes, ce phénomène est ponctuel.

Les emplois à temps partiel sont majoritairement occupés par des femmes. La situation continue à s'aggraver et certaines mesures, comme le RSA, ne favorisent pas l'emploi à temps complet.

Si une partie de l'écart de salaire entre hommes et femmes est liée aux interruptions de carrière, au plafond de verre et aux promotions manquées, on estime néanmoins qu'un écart de 7 à 10 % demeure inexpliqué. L'écart de carrière, qui avait été reconnu au cours de la négociation de 2004, subsiste, tout comme l'inégale répartition, au sein du couple, des tâches domestiques et de celles liées aux enfants.

Enfin, la précarité touche davantage les femmes que les hommes : les deux tiers des salariés à bas salaire sont des femmes et deux fois plus de femmes – 20 % contre 11 % – sont au SMIC.

Cela a bien sûr des conséquences sur les retraites. En 2004, seulement 44 % des femmes retraitées avaient validé une carrière complète, contre 86 % des hommes, et un tiers des femmes avaient validé moins de 24 ans d'assurance, ce qui explique pourquoi tant d'entre elles perçoivent une si faible pension. Par ailleurs, la réforme de 2003 qui a fait porter le calcul des droits non plus sur les 10 mais sur les 25 meilleures années, pénalise davantage les carrières courtes ou fragmentaires, donc particulièrement celles des femmes.

En 2005, les femmes disposaient d'un montant de pension de base inférieur de 23 %, et même de 38 % avec la retraite complémentaire. En prenant en compte l'ensemble des droits propres, des droits dérivés et du minimum vieillesse, les femmes retraitées de 60 ans et plus percevaient, en 2004, une retraite moyenne de 1 020 euros par mois, soit 62 % de celle des hommes – 1 636 euros. Les premières données relatives à 2008 montrent que la situation ne s'est pas améliorée. Enfin, 60 % des allocataires du minimum vieillesse sont des femmes.

En 2004, la pension de droit propre des femmes représentait moins de 40 % de celle des hommes pour les anciens salariés du secteur privé, 50 % pour les non-salariés et 80 % pour les anciens fonctionnaires civils de l'État. Dans ces conditions, les avantages familiaux jouent un rôle déterminant pour compenser les inégalités de montants de retraite. Le Conseil constitutionnel lui-même a ainsi considéré, à propos de la majoration de durée d'assurance pour enfants, que tant que la situation serait inégalitaire, une compensation serait nécessaire. En 2005, 9 femmes sur 10 parties à la retraite ont bénéficié d'avantages familiaux leur apportant un supplément de pension de 30 %. Sans ces avantages, la situation serait donc encore plus catastrophique.

Le départ effectif à la retraite des femmes est plus tardif que celui des hommes : en 2009, dans le régime général, les femmes sont parties à 61,8 ans, contre 61,4 ans pour les hommes. Certes, le COR envisage, dans ses projections, que ces données s'inversent dans les années qui viennent, mais, je l'ai dit, il ne tient pas compte du taux d'activité.

La réforme en discussion nous inquiète beaucoup. Les travaux menés en 2006 par Carole Bouquet, Sophie Buffeteau et Pascal Godefroy, de l'INED et de l'INSEE, montrent que les réformes de 1993 et de 2003 ont freiné la réduction des écarts de pensions. Le calcul sur les 25 meilleures années, l'indexation sur les prix et non plus sur les salaires, ont fait que la baisse des pensions est plus importante pour les femmes que pour les hommes. Ces travaux font la démonstration chiffrée de ce que nous avions prévu : les interruptions de carrière, plus fréquentes chez les femmes, aboutissent à des salaires annuels moyens plus faibles.

Or, ces inégalités sont appelées à perdurer.

Outre que nous sommes bien sûr tout à fait opposés à la suppression des avantages conjugaux et familiaux, nous nous inquiétons beaucoup des projets d'allongement de la durée de cotisation, comme de report de l'âge légal de la retraite, qui repousseront le moment où l'on aura une pension complète : d'ores et déjà, en effet, c'est pour éviter la décote que les femmes partent plus tard.

Il y a d'autres solutions à long terme, qui passent notamment par la suppression des inégalités dont les femmes sont victimes.

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