Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, à l'instar de certains orateurs, notamment M. Brottes et M. Daniel Paul, je reviendrai brièvement sur l'histoire de l'électricité en France – sans remonter à ses débuts, certes, mais j'exposerai mon propre point de vue sur la question, puisqu'il diffère du leur.
Il y a CNR et CNR : il y a la CNR – la Compagnie nationale du Rhône – et le CNR – le Conseil national de la Résistance –, comme l'a fort justement rappelé M. Paul. Et c'est dans le sillage du CNR, il y a plus de soixante ans, que l'on a décidé la construction nationalisée d'un opérateur principal, EDF, et l'adoption de tarifs réglementés.
Puis, à l'occasion du premier choc pétrolier, en 1974, on a résolu de fonder la production électrique sur le nucléaire, alors qu'elle reposait jusqu'alors, majoritairement, sur des centrales à flamme, notamment à fioul lourd. Cette politique est le fruit d'un compromis que l'on pourrait qualifier d'historique – comme l'on disait en Italie il y a quelque temps –, et désormais rompu – on vient de le voir –, entre quatre grands acteurs influents de l'histoire de France : les gaullistes, les communistes, la CGT et le corps des Mines, qu'il ne faut jamais oublier même s'il n'est pas sur le devant de la scène.
Pourquoi ce compromis, qui a duré très longtemps, est-il aujourd'hui rompu ? Parce que, dans les années soixante-dix, l'idéologie du libéralisme économique, promue par des penseurs comme Friedman et Hayek, que certains d'entre vous connaissent, a commencé à se répandre dans le monde. Et, jusqu'à aujourd'hui, elle n'a cessé d'influencer la plupart des décideurs politiques et économiques, qui croient ainsi, depuis trente-cinq ou quarante ans, que la main invisible du marché est préférable à toute autre forme de régulation de l'économie.
On observa donc, à l'OMC comme au sein de l'Union européenne, un vaste mouvement de libéralisation – on parle par euphémisme d'« ouverture » – des marchés et d'abaissement des protections, évidemment présenté comme un progrès amenant plus de démocratie et plus de concurrence, donc des prix plus bas.
Malheureusement, c'est bien sûr le contraire qui s'est passé : on ne peut nier que l'économie mondiale et européenne connaît une crise structurelle, que l'on voit s'aggraver depuis septembre 2008. Bravo au libéralisme économique ! On ne peut nier non plus que les inégalités entre le Nord et le Sud, et entre les pays du Nord eux-mêmes, connaissent une augmentation importante ; les travaux de l'École d'économie de Paris le démontrent largement. Enfin, on ne peut nier que nous assistons à une dévastation environnementale qui ne cesse de s'aggraver, au point de menacer, au cours des décennies à venir, la possibilité même d'une vie civilisée sur terre.
Cette entreprise, qui a formidablement réussi et s'est répandue jusqu'en Chine, est donc tout à fait condamnable. Cette confiance dans la main invisible comme moyen de réguler l'économie a amené au bord de l'effondrement ce que l'on a pu appeler les trois piliers du développement durable : l'économique, le social et l'écologique. L'échec de cette politique est patent. Le confirment la crise financière, la crise grecque et celle que connaissent d'autres pays de l'Union européenne ; et ce n'est pas fini ; cela ne fait même que commencer.
Cependant, si nos amis communistes s'opposent aujourd'hui à ce mouvement général entamé après la guerre, c'est uniquement à cause de la dimension capitaliste et libérale de cette politique énergétique, et non de ce que j'appelle son caractère prométhéen…