Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jean Dionis du Séjour

Réunion du 8 juin 2010 à 15h00
Marché de l'électricité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Dionis du Séjour :

Il est vrai que la responsabilité des socialistes est entière ; vous avez raison, monsieur le rapporteur.

Ne pas intégrer les centrales hydro-électriques au fil de l'eau, non seulement celles de la CNR mais aussi les autres, c'est laisser à penser que cette affaire de la CNR continue à être dérogatoire dans notre paysage énergétique. À notre avis, il s'agit d'un mauvais choix. Le groupe Nouveau Centre affirme cela de manière parfaitement décontractée et libre, comme l'a montré notre prise de position ouverte à une modification de l'actionnariat de la CNR permettant la prise de la majorité dans cette société par le groupe GDF-Suez au service d'un projet d'entreprise qui ferait de cette société l'un des leaders français et européen en matière d'hydro-électricité.

Enfin, pour le Nouveau Centre, l'objectif de ce projet de loi d'« inciter les fournisseurs alternatifs à investir dans les capacités de production, à produire de l'électricité » est un bon objectif, un objectif prioritaire.

Parlons franc : l'accès régulé à la base est certes souhaitable à court et moyen terme, mais il doit être limité dans le temps et être progressivement décroissant afin d'inciter les fournisseurs alternatifs à devenir des producteurs alternatifs.

Cette évolution serait le gage d'une véritable concurrence sur le marché de l'électricité. Cette véritable concurrence ne pourra en effet opposer que de véritables producteurs d'électricité entre eux. Dans ce marché, jamais des acteurs qui se contenteraient d'être simplement des distributeurs ne pourront créer un rapport de force suffisant avec les producteurs. Les résultats actuels négatifs de Poweo et de Direct Énergie – plusieurs collègues l'ont indiqué – sont là pour témoigner de la précarité des modèles économiques d'entreprise basés uniquement sur l'achat et la revente d'énergie.

Avec l'adoption de la loi NOME, l'Union européenne a fait savoir qu'elle était, à ce jour, satisfaite de la réponse française.

Le premier objectif du Gouvernement, à savoir l'arrêt du contentieux européen, est en bonne voie, et ce n'est pas négligeable pour nous, députés du Nouveau Centre. Pour créer une véritable concurrence, il fallait ouvrir l'accès à la base ; le Gouvernement l'a fait et je l'en félicite.

Pour autant, la loi NOME crée-t-elle les conditions d'une concurrence effective qui profitera aux consommateurs professionnels ou particuliers ? Franchement, nous nous interrogeons.

La loi NOME crée un accès contingenté et régulé à la base, avec un prix administré dans un secteur où la revente aux professionnels jusqu'en 2015 et aux particuliers est, elle aussi, contrainte par des tarifs réglementés. C'est un système administré et encadré dans lequel il y a peu de place pour des initiatives en services ou en prix qui inciteraient les consommateurs à choisir le meilleur fournisseur.

On a avancé tout à l'heure l'idée que les consommateurs n'avaient pas envie de changer de fournisseurs. Pourquoi voudrait-on qu'ils le fassent ? Qui rend les meilleurs services, qui fait les meilleurs prix dans ce système contraint ?

Nous abordons là un point plus fondamental. Au coeur de ce dispositif se pose en effet la question du prix de l'accès régulé à la base. Le texte ne dit rien de précis à ce sujet, sauf qu'il confie au Gouvernement la tâche de le fixer et qu'il est de notoriété publique que nous nous acheminons vers un tarif de 40 à 42 euros le mégawattheure, en continuité, si possible, avec le TARTAM. Or ce prix, selon la CRE et les concurrents d'EDF, est bien au-dessus du prix de 34 euros le mégawattheure, qui semble être le prix de revient le moins contesté et qui, en tout cas, est celui auquel la branche commerciale d'EDF achète en interne son électricité à la production d'EDF.

Comment feront les concurrents d'EDF lorsqu'ils l'achèteront à 42 euros, et qu'ils seront tenus aux mêmes tarifs de vente qu'EDF ?

Nous exprimons de nouveau notre scepticisme quant à l'efficacité de la NOME pour créer une véritable concurrence. Au mieux, elle permettra l'émergence définitive d'un duopole énergétique français avec EDF, d'une part, et GDF-Suez, d'autre part. Toutefois soyons clairs : rien ne sera possible en matière de concurrence tant que la question du prix d'achat de l'électricité, donc de l'accès régulé à la base ne sera pas traitée de manière équitable.

Or cela est une histoire bien française : la loi donne à l'État la responsabilité de fixer le prix de l'ARB, et ce pendant trois ans. De plus la loi donne à l'État la responsabilité de fixer les tarifs réglementés aux consommateurs finaux pendant cinq ans. La messe est dite.

Vous n'avez pas voulu sortir, pour le moment, du conflit d'intérêt dans lequel se trouve placé l'État français depuis plus de soixante-cinq ans ; conflit d'intérêt parce qu'il est à la fois actionnaire principal d'EDF à 84,9 %, c'est-à-dire d'une société qui a dégagé 3,9 milliards d'euros en 2009 – ce qui ne représente pas une petite somme, même à l'échelle des finances publiques de la France – et parce qu'il est confirmé par ce texte comme régulateur et décideur d'un prix déterminant sur les résultats d'EDF.

Juge et partie, cela n'a jamais fait bon ménage.

Et le jeu d'influence qui se déroule aujourd'hui autour du prix de l'ARB n'est pas sain. L'Union européenne est sans doute satisfaite par le concept de l'ARB. On peut craindre qu'elle ne tarde pas à être en désaccord avec la France sur cette question centrale du prix. C'est en ce sens que nous vous disons, avec gravité, que ce texte important et positif est lourd de contentieux futurs sur la question des prix.

Pour en sortir, le Nouveau Centre vous propose une vision cohérente qui s'appuie sur quatre décisions fondatrices :

Premièrement, installer la CRE comme régulateur fort en lui confiant le pouvoir de fixation du prix de l'ARB, dès la promulgation de la loi.

Deuxièmement, confier à la CRE l'administration des tarifs réglementés de manière à pouvoir réguler l'achat et la vente d'électricité.

Troisièmement, confier à la CRE la responsabilité de l'observation des marges réalisées par les distributeurs spécialisés dans l'achat et la revente d'électricité, y compris bien sûr pour l'opérateur historique.

Quatrièmement, donner à la CRE le pouvoir de sanction en cas de marges exorbitantes.

C'est cette vision d'ensemble que le Nouveau Centre a proposée en commission où elle avait d'ailleurs été adoptée. Faut-il beaucoup de nervosité et finalement peu de conviction pour avoir utilisé la procédure de deuxième délibération – certes légale, nous le reconnaissons – mais peu glorieuse en termes démocratiques ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion