Le débat montre l'extraordinaire complexité du sujet que nous avons à traiter et l'ensemble des paradoxes qui émaillent cette loi de transposition, que le rapporteur Jean-Claude Lenoir a essayé de défendre.
Je vais reprendre certains des arguments avancés par Daniel Paul, qui montrent très bien le paradoxe auquel nous sommes confrontés et le très grand danger qui menace le secteur public de l'énergie si la logique que la Gouvernement nous invite à suivre ce soir allait à son terme.
Nous sommes dans une situation où, de loi de transposition en loi de transposition, nous avançons de plus en plus dans la déréglementation du marché de l'électricité et dans le démantèlement du service public de l'énergie en France. Aujourd'hui, nous nous intéressons à l'accès régulé à la base d'électricité produite par EDF pour permettre aux fournisseurs alternatifs d'entrer de plain-pied dans ce marché dérégulé. Toutefois cela concerne aussi l'ensemble de la filière électronucléaire française, puisque nous avons vu, il y a quelques mois, sur l'aval du cycle, le Gouvernement prendre des décisions assez funestes pour Areva en engageant notamment la vente de la branche transmission et distribution. Pourtant, cette activité constitue un élément de profitabilité très important du groupe, qui en tirait près de 45 % de ses profits. Après cet acte de démantèlement, nous voyons d'autres risques peser sur l'entreprise, à la fois sur sa gouvernance et sur les modalités de sa recapitalisation nécessaire pour faire face à ses obligations d'investissement à venir.
La question qui nous est présentée aujourd'hui affectera également le service public de la production énergétique, dont Daniel Paul a eu raison de rappeler les caractéristiques. Celles-ci tiennent à l'histoire de notre pays, au fait que près de 80 % de notre production énergétique résultent du nucléaire, et que, depuis des décennies, sous tous les gouvernements, notre pays a souhaité que l'État maîtrise la production énergétique à la fois en raison des obligations de sécurité qui pèse sur ce secteur et pour garantir notre indépendance énergétique. D'autres pays qui n'ont pas fait ces choix sont soumis à la volatilité du cours des matières premières énergétiques à travers le monde. Si nous avons aujourd'hui des prix réglementés de 30 % inférieurs à ceux de l'Union européenne et de 45 % inférieurs à ceux de l'Allemagne, c'est bien parce qu'il existe une particularité du dispositif de production énergétique en France. Cette loi risque de le remettre en cause.
Le Gouvernement, dans la loi de transposition qu'il nous présente, est confronté à un cruel dilemme. S'il permet à EDF, qui va ouvrir 25 % de sa base aux fournisseurs alternatifs, de poursuivre ses investissements, de renouveler le parc électronucléaire, en vendant cette base au juste prix – le ministre pourrait-il d'ailleurs nous dire quel serait ce prix ? –, c'est au consommateur qu'il fera payer le coût final de cette politique. Comme l'a dit la CRE, si l'on passe à un prix de vente du mégawatt à 42 euros aux fournisseurs alternatifs, le consommateur final verra sa facture augmenter de 11 % dès l'année prochaine et de 3,5 % par an jusqu'en 2025. S'il renonce à faire payer cette facture au consommateur final, c'est EDF qui sera empêchée de réaliser la modernisation de ses installations.
Cette politique qui nous est proposée nous préoccupe au plus haut point. C'est pourquoi nous demandons au Gouvernement et à la commission de bien vouloir accepter le réexamen en commission du texte, afin que nous puissions aller au bout de la réflexion. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)