Monsieur Kossowski, nous restons à un pic d'investissements de 2,2 milliards d'euros, dont 300 millions d'euros en 2010 correspondent à l'effort supplémentaire consenti par l'entreprise dans le cadre du plan de relance. Sur ces 2,2 milliards, 60% sont consacrés aux matériels – achat de matériels neufs ou rénovation totale.
Nos relations avec RFF sont bonnes. La question, que je pose à la représentation nationale et au Gouvernement, est de savoir comment financer la nouvelle ambition ferroviaire de notre pays. La France a « envie de fer » et il faut s'en féliciter mais où trouver les ressources supplémentaires nécessaires ? Euro-vignette, taxe carbone, taxe poids lourds, fiscalité écologique, versement transport, ressources tirées du développement autour des gares ?
Madame Pérol-Dumont, dans les projets de ligne à grande vitesse, le dernier mot appartient à l'État et à RFF. La SNCF n'est interrogée que sur son expérience de transporteur. Dans certains cas, vous avez raison, celle-ci nous conduit à être moins optimistes que les promoteurs, toujours très volontaristes, des projets. Il est normal qu'il y ait débat sur les prévisions de trafic, toujours incertaines. Ce n'est pas nous qui tranchons. Aujourd'hui, les lignes à grande vitesse sont financées par les contribuables –nationaux, régionaux et européens – et par les voyageurs. Ceux-ci assument la partie empruntée des investissements. Le tarif grande vitesse doit en gros refléter le temps gagné et l'investissement de la collectivité. Là encore, les arbitrages sont difficiles. Sur les six premiers TGV à avoir été mis en service, les prix ont augmenté d'environ un tiers par rapport aux anciennes lignes Corail. Comme l'a souligné, à juste titre, M. Facon, l'augmentation a été plus importante sur le trajet Paris-Lille, le temps de trajet ayant été diminué de moitié et l'offre lilloise en matière de liaisons grande vitesse étant aujourd'hui parmi les meilleures de France. Il y aujourd'hui plus de trains allant de Lille vers les régions de France que vers Paris.
Monsieur Le Nay, la vétusté du réseau classique a pesé sur le trafic ferroviaire de marchandises en France. Notre pays avait très peu investi depuis 1945 sur les lignes de fret, énormément en revanche sur les lignes à grande vitesse. Certains pays ont fait d'autres choix : les Pays-Bas ont fortement investi dans la desserte ferroviaire du port de Rotterdam, la Belgique dans celle du port d'Anvers. Avec le plan Borloo de transport écologique des marchandises, l'État investira sept milliards d'euros sur des lignes dédiées au fret. J'en veux pour exemple emblématique le contournement fret de l'agglomération lyonnaise (CEFAL), projet complexe car il passe en zone urbaine dense, qui attendait depuis vingt ans et qui va pouvoir enfin démarrer, faisant désormais l'objet d'un consensus politique. Je m'en félicite. Les gares éco-durables, comme on les qualifie, sont d'excellentes initiatives. Achères a été la première. Les gares SNCF doivent accueillir tous les modes doux de circulation – vélo, tramway, voiture électrique –, et pas seulement les trains. Leur bilan énergétique doit également être le meilleur possible et les surfaces qui y sont disponibles être utilisées pour produire de l'énergie.
Madame Darciaux, votre question sur l'étoile dijonnaise me donne l'occasion de dire un mot du TGV Rhin-Rhône, dont la branche Est sera inaugurée en 2011. Cet investissement lourd constitue, outre un élément-clé d'aménagement du territoire européen, un geste politique considérable puisqu'il relie l'Europe du centre et de l'Est à l'Europe du Sud. Je pense pour ma part qu'il faut procéder avec méthode et dans l'ordre. Il faut d'abord terminer la branche Est, ce qui exige d'ailleurs un nouvel investissement public très lourd. Il appartiendra ensuite aux décideurs publics et aux élus de savoir s'ils veulent que soit réalisée la branche Ouest. Cela me paraît, à moi, un projet de long terme, vu l'ampleur des investissements nécessaires. Enfin, reste la question, très discutée, du statut de la branche Sud reliant en gros Dole à Lyon. Doit-elle être réservée au trafic voyageurs, au trafic fret ou mixte ? Un débat politique d'excellente qualité s'est engagé : je constate, avec mon homologue de RFF, qu'il n'a pas permis pour l'instant de dégager le moindre début de consensus. Ayons le courage de conclure que le projet n'est pas mûr et demande à être réétudié. Ce n'est pas perdre du temps, bien au contraire, que passer six mois ou un an de plus à débattre de manière démocratique sur des investissements engageant pour cinquante ans !
Monsieur Sermier, je le dis sans ambiguïté, le train n'est pas un bon moyen pour transporter le bois sur de courtes distances. Compte tenu du temps que prennent le chargement et le déchargement des grumes, la SNCF sera toujours extrêmement chère. En revanche, elle redeviendra un peu plus compétitive pour des transports de longue distance vers des ports spécialisés, comme sur la côte Atlantique.
Le seul moyen de financer le niveau d'ambition ferroviaire aujourd'hui affiché est de trouver des ressources nouvelles et de rééquilibrer, sur le plan réglementaire et fiscal, le financement des différents modes de transport. En effet, le ferroviaire ne pourra jamais seul financer le ferroviaire, pas plus que la route ne finance seule la route, largement financée par les contribuables et les collectivités (approbation sur divers bancs). Si on veut davantage de ferroviaire, il faut prévoir un financement « externe ». Cela suppose une véritable décision politique de rééquilibrage par le biais d'une fiscalité appropriée, comme cela a été fait en Suisse, en Autriche ou dans certains pays nordiques.
Monsieur Facon, nous venons de rendre nos tarifs plus clairs et transparents. Vous nous donnerez votre avis dans quelques mois. Ce qu'il faut savoir est que le prix moyen d'un billet de TGV en France est de 42 euros, soit 30% moins cher qu'en Allemagne et 25% moins cher qu'en Espagne, comme en atteste une étude non pas de la SNCF, mais du ministère des transports. Notre système tarifaire est complexe, je le reconnais, mais il a le mérite de faire en sorte que chaque voyageur puisse trouver un tarif adapté et, en gros, paie selon ses capacités. On peut aller de Nice à Lille pour 22 euros à condition de voyager un jour creux à une heure creuse, alors qu'on paie 150 euros pour aller de Paris à Marseille en première classe en période de pointe. Ce système tarifaire a fait le succès du TGV à la française. Et lorsque nous interrogeons les voyageurs, ils ne nous demandent pas un retour au tarif kilométrique, seulement plus de transparence et de clarté.