Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Guillaume Pepy

Réunion du 2 juin 2010 à 9h15
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Guillaume Pepy, président de la SNCF :

Je suis toujours heureux de m'exprimer devant votre commission. Je vous remercie d'avoir accepté cet horaire avancé car je dois en effet me rendre immédiatement à Bruxelles où, avec mes homologues de la Deutsche Bahn et de Trenitalia, nous ferons un point devant le Parlement européen sur la situation du transport ferroviaire en Europe.

Je répondrai à vos questions dans l'ordre inverse de celui où vous me les avez posées, traitant d'abord des aspects politiques, puis sociaux et économiques. Étant pour la première fois ici auditionné en présence de la presse, j'en profite aussi pour faire passer un message au-delà de cette enceinte. L'échange de lettres entre la France et la Commission européenne, qui n'a été révélé qu'au début de cette semaine, a eu lieu en réalité il y a quelques mois. Vue de la Commission, l'existence même d'un secteur public dans un secteur dérégulé comme celui du transport ferroviaire pose question ; vue des pouvoirs publics français, non, ils me l'ont redit hier. Le secteur ferroviaire sera progressivement ouvert à la concurrence en France. C'est déjà fait pour le transport des marchandises et cela se fera un jour pour le transport des voyageurs, dans des conditions fixées par la loi sur la base d'un rapport du sénateur Francis Grignon. Alors que le Gouvernement français considère qu'un secteur public et un futur secteur privé de transport ferroviaire peuvent exister parallèlement, les instances communautaires se demandent, elles, si l'existence d'un secteur public ne serait pas de nature à fausser la concurrence. La réponse de notre pays est que l'État français ne garantit d'aucune manière, expresse ou implicite, la dette de la SNCF, pas plus que l'État allemand ne garantit celle de la Deutsche Bahn. Preuve en est d'ailleurs la notation de ces entreprises, AA pour la Deutsche Bahn, AA+ pour la SNCF, ce qui est logique, la dette de l'entreprise allemande dépassant vingt milliards d'euros quand la nôtre est inférieure à dix milliards. Pour prévenir toute distorsion de concurrence, le conseil d'administration de la SNCF a décidé que le financement des activités de l'entreprise devait s'effectuer à des niveaux de marché afin d'éviter toute situation de concurrence déloyale avec des concurrents privés. Lorsque Fret SNCF emprunte de l'argent, il le fait auprès de sa maison-mère, la SNCF, à des conditions financières acceptables pour Veolia ou Euro Cargo Rail, nos concurrents, et donc par l'Union européenne. Nous vérifions régulièrement qu'il en est bien ainsi. Au total, nous estimons que l'État a répondu comme il le fallait à la Commission et ce sujet est clos.

Pour ce qui est du dialogue social dans l'entreprise, comme mes prédécesseurs Louis Gallois et Anne-Marie Idrac, je suis le premier à regretter les conséquences des conflits sociaux à la SNCF pour les voyageurs et les chargeurs. Des progrès considérables ont néanmoins été accomplis. On ne dénombre plus aujourd'hui à la SNCF, selon les années, qu'un jour à un jour et demi de grève par salarié et par an, avec une tendance à la baisse sur les dernières décennies et une baisse de 30% du nombre de préavis depuis 2000. Nous ne sommes donc pas restés inertes. Pouvons-nous faire mieux ? Nous devons, et les organisations syndicales en sont conscientes, faire en sorte, comme le souhaite le Parlement, que le mécanisme d'alarme sociale, institué par la loi d'août 2007, fonctionne mieux et que le nombre de préavis de grève et de grèves diminue. Je réunirai une table ronde avec les organisations syndicales à la rentrée afin de réfléchir aux moyens de rendre cette alarme sociale plus efficace.

Une autre de mes préoccupations a trait aux nouvelles formes de conflit social. Les grèves de 59 minutes, répétitives et systématiques, ou les entrées et sorties successives dans la grève, aujourd'hui autorisées par la jurisprudence de la Cour de cassation, posent problème dans un service public de transports. La mission d'information présidée par Jacques Kossowski, qui s'était emparée du sujet, a jugé qu'il n'était pas opportun, pour le moment, de modifier la loi sur ce point. Mon point de vue personnel, lui, n'a pas changé : si une grève, ne fût-elle que de 59 minutes, a lieu gare Saint-Lazare le matin aux heures de pointe, il est très difficile qu'elle n'ait pas de répercussion sur le trafic pendant toute la matinée, voire la journée entière. Mais c'est à la représentation nationale qu'il appartient de décider ce qu'il convient de faire.

J'en viens à la situation économique de l'entreprise. Les dix dernières années avaient été marquées par une consolidation du modèle économique de la SNCF qui avait réalisé en 2006 et 2007, un résultat d'un milliard d'euros, provenant à 100% des bénéfices du TGV. Je suis le premier à reconnaître qu'un modèle économique dans lequel une activité qui procure six milliards d'euros de chiffre d'affaires finance un groupe qui en réalise au total vingt-cinq milliards n'est pas très satisfaisant. Et ce modèle est en effet aujourd'hui remis en cause en raison d'une part, de la crise qui fait que le trafic mais aussi le chiffre d'affaires des lignes TGV ne progressent plus, l'un pour des raisons de pouvoir d'achat et de changements dans la politique voyages des entreprises, l'autre du fait de la multiplication des tarifs réduits, d'autre part de la forte augmentation des péages grande vitesse, destinés à financer une partie de l'indispensable plan de rénovation des 25 000 kilomètres du réseau classique. Ce n'est pas illégitime, mais jusqu'où peut-on aller ? Hubert du Mesnil, président de Réseau ferré de France (RFF), et moi-même, posons la question aux pouvoirs publics. Ceux-ci nous ont assuré qu'ils y réfléchissaient et qu'une réponse nous serait apportée courant 2010.

En ce début d'année, notre activité se redresse, lentement et de façon encore fragile. Certains signes encourageants devront être confirmés au deuxième semestre. Dans les TER et les Transilien, le trafic recommence d'augmenter, de quelque 3%, et ce sont aujourd'hui ces transports de proximité qui tirent la SNCF. Le trafic TGV, lui, n'augmente pour ainsi dire pas, alors que sa croissance était de 4% à 5% par an ces dix dernières années. Pour ce qui est du transport de marchandises, la reprise est nette au niveau mondial en provenance ou à destination des pays émergents. Au niveau européen, elle est encore incertaine, des signes positifs alternant avec d'autres qui le sont moins. Elle devrait néanmoins se confirmer au deuxième semestre. Quoi qu'il en soit, le transport routier, déjà le plus flexible, demeure en Europe occidentale ultra-compétitif pour les raisons que chacun connaît. La route est toujours la première à bénéficier des frémissements de reprise de l'activité et ce n'est qu'ensuite, une fois celle-ci assurée, que le rail peut regagner des parts de marché. Notre projet de budget pour 2010 prévoit une amélioration sensible de notre résultat. L'an passé, notre résultat opérationnel courant était positif, mais notre résultat net négatif d'un milliard d'euros, soit le montant exact duquel nous avions, dans le respect de l'orthodoxie comptable, déprécié nos actifs pour tenir compte de l'incidence de la crise sur leur valeur.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion