Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est toujours un plaisir d'écouter les interventions de Jean-Pierre Brard parce qu'elles sont toujours nourries d'humour et de brillantes citations. Mais nous ne voterons pas cette motion de rejet préalable car, dès le début des réunions de la commission, j'ai dit que nous voterions ce collectif budgétaire pour une raison très simple : le parti socialiste a l'habitude de répondre aux questions qu'on lui pose. Or la question qui nous est posée ici est : faut-il mettre en place un mécanisme de solidarité entre les pays européens pour faire face à la crise ? Évidemment oui. Les partis socialistes européens depuis plus de trois mois, c'est-à-dire depuis le début de cette crise, appellent de leurs voeux un tel mécanisme. Nous avons demandé, dans nos textes, à l'Europe de le mettre en place. Dès lors, quand il s'agit de le créer, nous soutenons une telle mesure.
On voit bien que l'Union monétaire a souffert de ne pas pouvoir répondre rapidement à la crise grecque. Il a fallu deux mois entre la décision de soutenir la Grèce et son application, deux mois pour que l'Europe se mettre en marche. Résultat : la spéculation s'est développée sans aucun contrôle, sans aucune réponse de la part de l'Union euroépenne. Il a fallu encore un mois pour qu'on passe d'un dispositif baroque d'aide à la Grèce, fondé sur des prêts intergouvernementaux à des taux d'intérêt que nous avons toujours trouvé trop élevés, à un mécanisme de prêts aux pays en difficulté aux taux d'intérêt les plus bas – je l'espère – auxquels peut s'endetter l'Union. C'est la seule façon de résoudre des problèmes de dette souveraine.
Cela étant, je partage évidemment beaucoup des points de vue développés par Jean-Pierre Brard. Ainsi, quand il fait cette citation : « C'est un malheur du temps que les fous guident les aveugles », je pense que c'est un résumé très juste et très pertinent de ce qui s'est passé en Europe depuis plusieurs années sous la domination des gouvernements conservateurs majoritaires. Que s'est-il passé ? On a dérégulé complètement les économies en période de croissance quand aurait fallu au contraire les réguler pour éviter qu'une bulle ne se forme. Chacun voit bien à quoi à conduit l'exubérance des marchés financiers : à la crise que nous avons connue. La plupart des gouvernements européens ont réduit les impôts. Chez nous, cela a été des réductions d'impôts pour les plus fortunés, accompagné d'un creusement massif du déficit. De ce fait, la France a abordé la récession en étant dèjà en déficit excessif. C'était évidemment l'inverse qu'il fallait faire : réduire les déficits dans une période de croissance pour avoir les moyens de répondre à une crise quand elle se présente.
Aujourd'hui, sous la pression des marchés financiers, l'Europe applique des politiques d'austérité partout, qui vont avoir pour effet de remettre en cause la reprise et de casser les perspectives de croissance. Nous avons bien sûr besoin d'une coordination des politiques économiques en Europe, mais pas d'une coordination aveugle. Il faut éviter que tous les pays ne se précipitent dans des politiques d'austérité qui non seulement ne résoudront rien globalement, mais risquent d'aggraver les difficultés.
Il est certain que les marchés financiers sont un très mauvais guide des politiques économiques. J'ai dit lors du débat sur le précédent collectif budgétaire, il y a presque un mois, que les marchés financiers faisaient pression sur les États pour qu'ils conduisent des politiques d'austérité, et qu'ils allaient s'appuyer sur leur mise en oeuvre pour annoncer que la croissance serait très faible et qu'il y avait donc un risque que les déficits ne soient pas réduits. C'est très exactement ce qui s'est passé. La dégradation de la note de l'Espagne en raison de sa politique d'austérité qui risque de nuire à la croissance montre bien que les marchés financiers n'ont qu'une logique : prévoir ce qui va arriver la semaine suivante, non pas dans la réalité mais dans la tête des opérateurs de marché. Se laisser guider par les marchés financiers, c'est sûrement mener la politique la plus néfaste qui soit.
S'agissant du sujet qui nous occupe aujourd'hui, nous, nous n'avons pas de doute : il faut que l'Europe mette très vite en place un mécanisme de solidarité entre États. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)